vendredi 24 mai 2013

Cannes 2013 : Marion Cotillard, The Immigrant tourmentée de James Gray....



De retour en compétition, l’auteur de « Little Odessa » et « La Nuit nous appartient » sublime un récit puisé dans les racines de sa propre famille, d’origine ukrainienne, pour atteindre une force lyrique bouleversante.
L’ouverture, avec sa reconstitution grandiose de l’arrivée des immigrants sur l’île d’Ellis Island dans les années 1920, pourrait nous faire croire que le film va être une vaste épopée. Mais en s’attachant au calvaire individuel et aux émotions du personnage féminin d’Ewa (Marion Cotillard), James Gray construit un puissant mélodrame romanesque.
Le film est construit en deux axes parallèles qui dévoilent chacun une facette de sa personnalité. D’une part sa vulnérabilité, à travers le « triangle » amoureux qu’elle forme avec Bruno (Joaquin Phoenix), entrepreneur de sordides spectacles de music-hall et souteneur, et Orlando, vrai magicien et faux prince charmant (Jeremy Renner). D’autre part sa force presque indestructible, dans sa volonté de retrouver sa sœur, mise en quarantaine sur Ellis Island et menacée de renvoi dans son pays d’origine, la Pologne. 
Cette dualité s’incarne avec une conviction vibrante dans la composition de Marion Cotillard, pour laquelle le film a été écrit, qui parle polonais pendant un tiers du film, et dont le visage peut passer en une seconde de la candeur d’une victime à la détermination inébranlable de l’héroïne. Le thème habituel des frères ennemis, cher à la filmographie du cinéaste, passe ici au second plan, de même que le drame « macho » de Joaquin Phoenix qui surpasse encore sa composition tourmentée de  Two Lovers.


Mélo opératique
La mise en scène de James Gray, au sommet de son art, assume la ligne mélodramatique du scénario, avec des élans « opératiques » qui donnent l’ampleur souhaitée aux sentiments violents des personnages, conjugués à un dépouillement presque minimaliste dans l’exploration de leurs conflits intérieurs. 
Ainsi le cinéaste revendique-t-il aussi bien la grande tradition du mélodrame littéraire et cinématographique, des Deux Orphelines aux chefs-d’œuvre hollywoodiens pour stars féminines des années 1930, que l’épure métaphysique des films de Robert Bresson (avec une extraordinaire scène de confession en hommage àJournal d’un curé de campagne, d’après Bernanos). La reconstitution d’époque est impressionnante, grâce à la minutie du travail sur le décor et sur l’image, mais ne prend jamais le pas sur l’histoire. 
Le chef opérateur Darius Khondji (celui du Amour de Haneke) s’inspire de photos ou de tableaux du début du siècle pour peindre un univers saisissant, fait de clairs obscurs mordorés qui reflètent aussi le mental torturé des personnages. 
L’utilisation de la musique d’opéra du XIXème siècle sur la bande-son se double d’une scène où apparaît le ténor Caruso (qui donna vraiment un concert sur Ellis Island). The Immigrant permet à l’auteur de Little Odessa de sublimer un récit puisé dans les racines de sa propre famille, d’origine ukrainienne, pour atteindre une force lyrique bouleversante.

Crédits : Anne Joyce

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