Quatre heures de bavardage par Lars Von Trier, une version moderne d'un classique de Shakespeare, le premier long métrage audacieux de Guillaume Brac, un «Philadelphia» sans pathos... Les films à voir cette semaine (ou pas).
Après le tournage d’un blockbuster bourré d’effets spéciaux et sous la pression des studios, la plupart des réalisateurs décident de s’octroyer un petit break. Mais pas Joss Whedon. En 2011, alors qu’il vient d’achever le tournage de The Avengers et qu’il est obligé, par contrat, de prendre des vacances, le réalisateur et sa femme Kai Cole tournent Beaucoup de bruit pour rien dans leur villa, aidés par leur bande d’amis, tous passionnés par le théâtre de Shakespeare. Le pari est de taille : avec peu de moyens, dans un esprit DIY (do it yourself), en huis clos et sans décor ou costume d’époque, le tout aurait pu sonner faux. C’était sans compter sur la réalisation sensible et fiévreuse de Whedon qui, mêlée au texte intemporel de Shakespeare, donne une romcom moderne et délicieusement décalée. Le réalisateur, féru du plus grand auteur britannique, sublime la langue et rend hommage au rythme parfait de la pièce. Centrée autour de deux histoires d’amour compliquées, la farce de Whedon révèle surtout un duo irrésistible, celui formé par Amy Acker (La Cabane dans les bois) et Alexis Denisof (The Avengers). Une version magique et moderne d’un classique qui ne se démode pas. Pauline Le Gall
Le renouveau du cinéma français est arrivé et on connaît son visage. Il porte les traits de trentenaire exalté de Vincent Macaigne, transfuge du théâtre vu en 2013 dans La Fille du 14 juillet (Antonin Peretjatko), La Bataille de Solférino (Justine Triet) et 2 Automnes 3 Hivers(Sébastien Betbeder). Pour Tonnerre, il retrouve Guillaume Brac, avec qui il avait tourné dans le mélancolique Un monde sans femmes en 2011. Et il retrouve aussi le thème des filmsmacaigniens, l’entrée douloureuse et confuse dans l’âge adulte. Maxime (Macaigne) est un jeune musicien qui a connu un certain succès avec son premier album. Mais, loin d’en profiter, la vie parisienne le dégoûte, de la taille de son appartement à l’anonymat des rues. Il retourne donc vivre à la campagne avec son père (Bernard Ménez, excellent), un homme charmeur qui récite du Ronsard à son chien. Derrière l’entente cordiale, les deux hommes cachent des torrents de rancœur. Alors qu’il vient d’emménager dans la petite ville de Tonnerre, Maxime rencontre Mélodie (Solène Rigot, lumineuse), jeune correspondante du journal local. Ils tombent amoureux dans de délicates scènes entre cours de danse et baisers dans la neige. Tonnerre dévie vite vers le thriller noir où la précarité du monde moderne ternit les relations familiales et amoureuses et où le personnage principal n’est nulle part à sa place. De la joie pure à l’impulsion la plus sombre, Brac réussit un grand écart osé qui épouse au plus près une époque en proie à la crise identitaire. PG
Ron Woodroof est un type bien. L’électricien à chapeau de cow-boy texan de 35 ans dégaine les doigts d’honneur plus vite que son ombre. Buveur, consommateur de femmes et de drogues, amateur de rodéo et homophobe. Il découvre en 1986 qu’il est atteint de ce qu’on appelle encore le « cancer gay ». Les malades du sida tombent alors comme des mouches. Les médecins lui donnent trente jours à vivre. Il ne mourra qu’en 1992. Le combat de cette tête brûlée coiffée d’un stetson correspond aussi à un chapitre de l’histoire de la maladie, rarement traitée en tant que telle au cinéma. Dallas Buyers Club n’est pas pour autant un film « dossier » plein de bons sentiments. Ron Woodroof ne devient pas un saint du jour au lendemain. Pas de rédemption au bout du chemin. La mise en scène du Québécois Jean-Marc Vallée est aussi sèche que le personnage. Le réalisateur de C.R.A.Z.Y. proscrit les gros plans sur le visage de Ron Woodroof mourant sur son lit d’hôpital. Vingt ans après lePhiladelphia de Jonathan Demme, guimauve tire-larmes qui valut à Tom Hanks un oscar pour son rôle de gay sidéen victime de discrimination, Hollywood est prêt à parler du sida sans pathos. Et à faire d’un bouseux homophobe un héros paradoxal. Il fallait oser. Etienne Sorin
Avec Von Trier, la sexualité semble soudain une chose très surestimée. Elle se pratique dans des endroits compliqués, entraîne des grimaces qui sont plus de douleur que de plaisir, baigne tantôt dans une lumière d’hôpital, tantôt dans un clair-obscur d’étang où une carpe ne retrouverait pas ses petits. On couche, on couche, et on ne sait pas pourquoi. C'est grave, docteur? Au chevet de l’héroïne, un vieux monsieur continue à hocher la tête. Au détour d’un dialogue, il nous apprend qu’il est toujours vierge. Allons bon. Miss Charlotte n’arrête pas de replonger dans son passé. Pour se distraire, elle a aussi tâté du recouvrement de dettes. Cela lui a permis d’incendier des voitures, de brutaliser des mauvais payeurs, de fournir une érection à un pédophile. Ce métier est passionnant. Pas de RTT. Que des nouvelles connaissances. Le tout sur fond de théologie et avec musique de Bach, au cas où l’on n’aurait pas saisi qu’on respire à des altitudes élevées. Von Trier, qui est de plus en plus brouillon dans son propos, considère l’humanité en coupe verticale. Il en observe les fantasmes, les viscères, les remords. Vers la fin, la malheureuse jette son dévolu sur une jeune gymnaste dont la souplesse autorisera sûrement des positions inédites. En définitive, avec le volume 1, plus de quatre heures de bavardage, de bouillie indigeste, de philosophaillerie, bref d’humour nordique. La souris accouche d’une montagne de clichés. Dis, Joe, si tu te taisais un peu? Eric Neuhoff

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