vendredi 24 janvier 2014

Qu’est-ce que le sionisme ?

 

Inventé vers 1890, donc bien après l’apparition du sionisme contemporain en tant que courant d’idées (au milieu du dix-neuvième siècle) et après les débuts de l’émigration sioniste vers la Palestine ottomane (dans les années 1880), le mot «sionisme», dérivé du nom désignant dans la tradition juive Jérusalem et par extension le pays d’Israël, s’applique à une mouvance encore informe ayant en commun l’aspiration juive au retour en terre d’Israël. 

Avec la création de l’Organisation sioniste mondiale (OSM) en 1897, sous l’impulsion de Theodor Herzl, le mot reçoit sa définition dans le programme de l’organisation: «Le sionisme aspire à la création, en Palestine, d’un foyer pour le peuple juif garanti par le droit public».

Cette belle simplicité, cependant, sera de courte durée. Au cours du demi-siècle qui suit, on assiste à une véritable explosion dans les usages de ce mot. Des milliers d’organisations juives engendrent autant de déclinaisons possibles du mot «sioniste». Il y a des sionistes d’extrême gauche (y compris un mouvement marxiste se définissant comme le «parti communiste juif») et des sionistes d’extrême droite (y compris des admirateurs du fascisme mussolinien dans sa première manière), des sionistes bourgeois et des sionistes prolétariens, des sionistes religieux et des sionistes athées, des sionistes culturels et des sionistes politiques, des sionistes ne concevant leur engagement que dans le cadre d’un rassemblement de tous les Juifs en terre d’Israël, et des sionistes répondant à la définition classique du Juif qui reçoit de l’argent d’un autre Juif pour envoyer un troisième Juif en terre d’Israël.

L’OSM reste la maison commune de ces divers sionismes, bien que le «parti communiste juif» s’en soit séparé pour une période relativement brève, et que la droite nationaliste ait fait scission pour créer sa propre organisation internationale. 

Mais l’OSM fonctionne surtout comme un Parlement, où les partis s’affrontent ou coopèrent selon les circonstances. Des élections se tiennent régulièrement, dans tous les pays où les mouvements sionistes sont présents, sur la base d’un titre d’adhésion individuel correspondant au paiement d’une cotisation symbolique. 

L’équilibre des forces entre les divers mouvements, longtemps marqué par une nette prépondérance de la gauche sur la droite et des laïques sur les religieux, se reflète dans la composition des instances exécutives de l’OSM et de son organisation-sœur, l’Agence juive pour la Palestine.

On retiendra de cette période d’un demi-siècle, qui va de la création de l’OSM à la naissance de l’État d’Israël en 1948, que le terme de «sioniste» indique l’appartenance à une structure fondée sur un consensus minimal. Le mouvement sioniste compte certes des sympathisants qui, tels Léon Blum ou Albert Einstein, partagent globalement ses objectifs sans prendre part aux débats internes. Mais, pour les sionistes militants à proprement parler, l’horizon de référence est l’organisation spécifique à laquelle ils appartiennent. 

C’est vrai notamment lorsqu’il s’agit de se positionner par rapport aux forces politiques dans le monde, ou de formuler un projet économique et social pour le futur État juif, ou de concevoir les relations qu’entretiendra cet État avec ses voisins arabes d’une part, et ses citoyens arabes d’autre part. 

Autant de sujets qui font l’objet de vives controverses au sein de la grande famille sioniste, avec toute la palette des choix existant dans les sociétés démocratiques… Lire la suite.

Note:

Les quelques rappels effectués ici n’ont qu’une valeur indicative et sont limités à la problématique qui nous occupe, à savoir la pertinence du mot «sioniste» pour définir une catégorie de personnes. Le lecteur désireux de compléter ses informations sur ce sujet pourra consulter des ouvrages de référence, en particulier l’Histoire du sionisme de Walter Laqueur (trad. fr. Calmann-Lévy, 1973), Sionismes. Textes fondamentaux, réunis et présentés par Denis Charbit (Albin Michel, 1998), 

Une histoire intellectuelle et politique du sionisme, 1860-1940 de Georges Bensoussan (Fayard, 2002) et Le sionisme dans les textes de Dominique Bourel et Delphine Bénichou (CNRS Éditions, 2008), ou bien des présentations plus succinctes comme Le sionisme d’Ilan Greilsammer (PUF, «Que sais-je»?, 2005) et Qu’est-ce que le sionisme? de Denis Charbit (Albin Michel, poche, 2007).

Tribune de Meir Weintrater, ex-Rédacteur en chef de la revue "l'Arche", publiée surdafina.net le 22 janvier 2014

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