Monsieur le Président, je ne comprends plus rien. De ma cellule d’Ancône, d’où l’on s’apprête à m’extrader, j’attends vos explications.
Monsieur le Président, je vous fais une lettre que vous ne lirez sans doute pas, pris comme vous êtes par vos obligations publiques et vos occupations privées.
Monsieur le Président, je suis un bon Français, comme vous. Je suis né au Cannet, non loin de Mougins, où vous avez votre autre résidence secondaire.
Je suis cuisinier de profession, et de confession musulmane. En septembre 2012, j’ai approfondi ma connaissance de la religion dans une école coranique du Caire où j’ai compris que mon devoir était d’aller combattre et djihader sur la terre sainte de Syrie contre Bachar el-Assad, ce chien, cet infidèle, ce suppôt de Cheitan (qu’il rôtisse en enfer).
Quant à moi, je sais qu’en mourant pour le djihad je gagne le paradis et une félicité éternelle, si c’est la volonté d’Allah, qu’il soit béni.
Monsieur le Président, alors que j’étais engagé du côté de Deir es-Zor aux côtés de mes frères de l’État islamique en Irak et au Levant et du Front Al-Nosra, j’ai appris avec une joie indicible votre décision d’intervenir dans la guerre sainte que nous menions pour mettre à bas le régime du tyran, ce chien, cet infidèle (qu’il rôtisse en enfer).
J’étais heureux que la grande France, ce pays que nous aimons tous les deux, se joigne à l’Arabie saoudite et au Qatar. Grâce à vous, grâce à nous, Damas allait redevenir comme au temps des Ommeyades la capitale du califat. Si finalement vous avez dû renoncer à mener le djihad, c’est parce que Barack Obama, ce chien, ce mécréant, cet ami des juifs (qu’il rôtisse en enfer si Allah le veut) vous l’a interdit.
Monsieur le Président, je rentrais de Syrie ces jours derniers pour jouir d’un congé bien mérité et je m’attendais à vrai dire à recevoir dans mon pays les félicitations des autorités officielles pour avoir répondu à votre appel et fait mieux que mon devoir lorsque j’ai été arrêté à Ancône en Italie.
J’ai été informé à cette occasion que la justice française me reprochait d’avoir participé à un attentat contre un épicier juif de Sarcelles, ce qui n’est même pas vrai.
D’abord, on ne saurait parler d’attentat puisque notre groupe n’a utilisé qu’une grenade au plâtre, ensuite je suis parfaitement innocent dans cette affaire et mes frères sont prêts à me fournir un alibi. Enfin, si ce groupe dont j’ai peut-être omis de préciser que je ne fais pas partie a effectivement projeté des actions contre les juifs et leurs amis (qu’ils soient maudits et qu’ils rôtissent en enfer), il a parfaitement raison.
Monsieur le Président, les carabiniers italiens m’ont dit que j’étais mis en examen pour participation à une entreprise de terrorisme.
Or, je n’ai eu pour but, comme tout bon citoyen français et musulman en a le devoir, que de chasser celui que vous-même et votre ministre des Affaires étrangères ne cessez de dénoncer comme un dangereux criminel qu’il faut absolument mettre hors d’état de nuire.
Monsieur le Président, je ne comprends plus rien. De ma cellule d’Ancône, d’où l’on s’apprête à m’extrader, j’attends vos explications.
Signé : Abelkader T.
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