mardi 22 octobre 2013

NSA: 70 millions de données en un mois, bienvenue dans le monde de la big data...


NSA: 70 millions de données en un mois, bienvenue dans le monde de la big data

L'Agence de sécurité américaine a collecté plus de 70 millions de données téléphoniques en moins d'un mois en France, d'après les révélations du Monde. Qu'a-t-elle pu faire d'une telle masse d'informations?

Soixante-six millions de SMS et de coups de téléphones. C'est le butin de la NSA, l'Agence de sécurité américaine, pour un seul mois de surveillance des communications téléphoniques françaises. Les dernières révélations d'Edward Snowden, qui a fourni ses documents aux journalistes du Monde, montrent que des personnes proches des milieux terroristes, mais aussi des hommes politiques ou des hommes d'affaires ont été surveillés à grande échelle entre le 10 décembre 2012 et le 8 janvier 2013 en France. 

Il y a largement de quoi se perdre devant la masse d'informations à traiter en trente jours et pour un seul pays. Et encore, l'agence américaine ne s'est pas contentée de mettre Paris sur écoute. Londres, Brazilia, Berlin et Mexico font notamment partie de son paquet de grandes puissances à espionner. 


Toujours plus de données


Comment est-il possible d'utiliser et de traiter autant de données? Félicitations, vous faites votre entrée dans le monde de la Big data.

Des chercheurs du monde entier s'échinent à trouver un moyen de trier, agglomérer, conserver et lire toutes les informations que produisent le web, mais aussi nos téléphones portables, les publications scientifiques et plus loin encore, les téléscopes et microscopes sur-performants des chercheurs... "Tous les deux jours, nous créons une quantité d'informations équivalente à ce qui a été créé de l'aube de la civilisation jusqu'en 2003", s'extasiait le PDG de GoogleEric Schmidt lors d'une conférence aux Etats-Unis en 2010. Des informations susceptibles d'intéresser la NSA. 


Toiles d'araignées


Résultat, "la NSA est probablement le plus gros centre d'analyse de données au monde", explique Eric Denécé, ancien analyste et directeur du Centre français de recherche sur le renseignement. "Les Etats-Unis ont au moins cinq ans d'avance sur tout les autres." 
Il s'agit principalement de créer des sortes de toiles d'araignées, des réseaux pour voir qui est en contact avec qui. En somme, réussir à savoir quelles sont les connaissances des connaissances des terroristes (mais aussi des hommes politiques et des hommes d'affaires). Sans pour autant forcément savoir de quoi ces personnes ont discuté ensemble, comme l'explique Slate


Moins de 10% des écoutes analysées


Il n'est absolument pas question pour la NSA de regarder un par un chaque SMS, chaque conversation téléphonique interceptée. D'après l'ancien officier supérieur des services de renseignements français, Alain Rodier, seuls 10% des écoutes arrivent réellement sur l'écran d'ordinateur d'un analyste, et cette fourchette est haute, selon lui. 
Et encore, si un SMS annonçant une attaque imminente arrive sous les yeux d'un analyste américain, rien ne garantit qu'il soit pris en compte à sa juste valeur. "L'homme restera toujours le maillon faible de la chaîne", se désole Alain Rodier. Avant les attentats du 11-Septembre, les services de renseignement américains avaient intercepté des messages alarmants. Cela n'a pas empêché les attaques. 


"Vous pouvez être sure que notre conversation est surveillée"


"Avoir une telle masse de données permet de zoomer en particulier sur un groupe de personnes ou une personne en particulier", explique Frédérick Douzet, professeure à l'Institut français de géopolitique, spécialisée dans la questions de cyberstratégies. "Vous voyez, nous avons parlé au téléphone de terrorisme, d'attentats... Vous pouvez être sure que notre conversation va se retrouver sur le bureau des services de renseignements russe, chinois ou britannique. Je suis chercheur sur les questions de crime organisé, je suis donc surveillé", s'amuse Alain Rodier. L'interlocuteur, l'heure et la durée de l'appel peuvent en effet pousser les analystes à s'intéresser de plus près à certaines données téléphoniques et à laisser les autres traîner dans la Big data. 

Tout le reste sera stocké, en attendant un événement particulier: un projet d'attentat pour les terroristes, une rencontre avec Barack Obama pour les hommes politiques, une possibilité de contrat pour les hommes d'affaires. D'après le directeur technique de la DGSE (la Direction générale de la sécurité extérieure), cité sur le blog du MondeBug Brother, "quand on s'intéresse à une adresse IP ou à un numéro de téléphone, on va chercher dans nos bases de données, et on retrouve la liste de ses correspondants, pendant des années, et on arrive à reconstituer tout son réseau."  
Le temps de traiter ces données, les bienfaits de la Big data peuvent tomber un peu à plat. Sur le terrain des guerres, une information vieille d'une journée n'a déjà plus aucun intérêt. 

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