vendredi 25 octobre 2013

Le botox génère des profits mirobolants....


Une goutte de ce poison peut tuer un régiment. Mais à petite dose, il fait fleurir les millions.

Peu de médecins peuvent se targuer d’avoir changé la face du monde. Mais qui se souvient d’Alan Scott ? Des millions de Narcisse lui doivent pourtant la jeunesse éternelle. C’est en effet cet ophtalmologiste de génie qui, le premier, a eu l’idée d’utiliser la toxine botulique – un poison mortel quarante millions de fois plus puissant que le cyanure – pour fabriquer un remède. 
Cette protéine neurotoxique possèdant la propriété de paralyser les muscles, il l’a accommodée avec d’autres produits, à dose ­absolument infime, et s’en est servi pour guérir le strabisme. Depuis, son composé, qui permet aussi de faire disparaître les rides du visage, est devenu le must de la médecine esthétique. Le point noir, dans l’épopée de ce chercheur californien, c’est qu’il n’a pas su profiter de l’aubaine : en 1991, il a bradé son remède pour 4,5 malheureux millions de dollars au laboratoire américain Allergan. 
Depuis, le Botox – puisque c’est de lui qu’il s’agit – fait la fortune de ce géant pharmaceutique. Rien que cette année, il devrait lui rapporter près de 800 millions d’euros, pour ses seules applications esthétiques.
C’est qu’ils en font des piqûres dans le visage, les chirurgiens plasticiens et les dermatos (en France, les médecins généralistes n’ont pas le droit d’injecter de la toxine botulique, y compris lorsqu’ils se qualifient d’«esthétiques»). Rien qu’en France, plus de 120 000 patients se sont fait rajeunir la face de cette façon l’an dernier. Pas tous avec la jouvence du docteur Scott, ­cependant. 
Pour faire fuir les années, les praticiens injectent aussi de l’acide hyaluronique, un simple liquide reboucheur (ou «filler», comme on dit dans le métier) qui n’est même pas considéré comme un médicament. Dans un cas comme dans l’autre, les traitements doivent être renouvelés tous les six mois. Ce business est devenu une vraie poule aux œufs d’or.
Et on n’en est qu’au commencement car, selon les prévisions des professionnels, le marché mondial devrait bondir de 65% d’ici 2017, pour ­atteindre 2,8 milliards d’euros. Deuxième terre d’élection en Europe derrière l’Italie, l’Hexagone ne sera pas en reste. Pour le moment, seules 4% des Françaises ont déjà fait appel à la médecine ­esthétique, toutes techniques confondues. Mais selon une étude TNS Sofres/Galderma, elles sont quatre fois plus à avouer leur intention d’y recourir un jour ou l’autre.
 «Tout pousse à cela, analyse Can ­Gumus, directeur de la branche française du labo­ratoire ­allemand Merz Aesthetics, ­numéro 3 du secteur. La population vieillit, les gens s’enrichissent et les mentalités changent.»
Allergan est évidemment le premier à profiter de cette conjoncture rose bonbon. Grâce à son produit phare, le ­fabricant du Botox (vendu chez nous sous la marque Vistabel) se taille la part du lion dans la toxine botulique. «A l’échelle mondiale, nous sommes les leaders incontestés, avec 76% des ventes !», se félicite Philippe Mauvais, le directeur de la ­filiale française.
Mais en Europe, la bataille est beaucoup plus disputée : là, le groupe américain doit se contenter de 53,4% du gâteau. Car deux autres laboratoires ont ­repéré son filon. D’abord, le français Ipsen, qui réalise plus de 30% de part de marché sur le Vieux Continent, grâce à un ­accord de distribution avec Galderma, une filiale de Nestlé et L’Oréal, spécialisée dans la dermatologie. Et puis l’allemand Merz, qui contrôle déjà plus de 10% du secteur, trois ans à peine après son arrivée.
Face à cette offensive, le géant californien (4,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2012) joue à fond du fait qu’il a ouvert le marché. Et que la ­dénomination commerciale de son produit est devenue un nom générique. Il peut aussi compter sur sa gamme complète de produits esthétiques – des implants aux injectables – pour proposer aux praticiens des«packs» agressifs.
 «Quand un chirurgien commande des prothèses mammaires, il n’est pas rare qu’Allergan lui offre une dizaine de seringues de Botox», rapporte la vice-présidente de la Fédération des ­médecins esthétiques et anti-âge, Ghislaine Beilin.
Le marché des acides hya­luroniques est encore plus concurrentiel. Encore une fois, c’est Allergan, premier arrivé sur ce créneau, qui a donné le tempo. Le rachat du savoyard Cornéal pour 170 millions d’euros fin 2006 lui a permis de mettre la main sur le Juvederm, un produit star du marché. 
Quatre ans plus tard, Merz lui emboîtait le pas en s’offrant l’anglais BioForm Medical (190 millions d’euros) et Galderma rachetait le suédois Q-Med plus de 850 millions d’euros, récupérant au passage le Restylane, un filler très prisé des deux ­côtés de l’Atlantique. Pour faire leurs emplettes, les géants n’ont eu qu’à se baisser. 
Car l’Europe croule sous les fabricants d’acides hyaluroniques : rien qu’en France, on en dénombre vingt-cinq, parmi lesquels de jolies PME comme Vivacy, qui sortira bientôt une seringue à l’azote pour geler le nerf frontal, vendue 15 000 euros aux praticiens, ou Filorga, dont la branche médicale a réalisé 13 millions d’euros de chiffre d’affaires l’année dernière.
La mauvaise nouvelle pour les patients, c’est que cette bousculade sur le marché ne leur profite guère. Certes, concurrence oblige, les médecins peuvent remplir leurs seringues à des prix de plus en plus bas. Merz a, par exemple, lancé sa toxine botulique à 105 euros la dose en 2010, quand Allergan vendait la sienne 147. Idem pour les fillers, dont le prix a dégringolé d’environ 35% depuis cinq ans : affichées entre 100 et 150 euros sur les catalogues des fabricants, les boîtes s’écoulent en réalité autour de 60 euros en moyenne, selon nos informations.
Mais, comme beaucoup de praticiens se gardent bien de répercuter ces ristournes, les tarifs ne baissent pas pour les piqués. Selon les cabinets et les cliniques, une injection de toxine botulique ou de filler coûte toujours entre 250 et 500 euros. «En règle générale, il faut compter de 800 à 1 000 ­euros par séance», témoigne Benjamin Ascher, un chirurgien plasticien parisien. A renouveler tous les six à huit mois, s’il vous plaît.
Près de 2.000 euros pour perdre dix ans :
- 300  euros par injection de toxine botulique. Pas facile de figer le front ! Seuls les produits à base de toxine botulique sont efficaces. En France, il en existe trois : le Vistabel ­(Allergan), l’Azzalure (Ipsen/Galderma) et le Bocouture (Merz).
- 250  euros par injection de toxine botulique. Les rides de la glabelle, ou «rides du lion» (entre les deux yeux), sont aussi traitées avec de la toxine botulique. Comme pour les autres parties du visage, les effets sont à durée ­limitée : quatre à huit mois.
- 250  euros par injection de toxine botulique. Les sillons sous les yeux creusés par le temps forment la patte-d’oie. Il faut compter une seringue par côté, ce qui multiplie le prix par deux. Mais la note varie d’un praticien à l’autre.

- 350  euros par injection d’acide hyaluronique. Sur le joue, le Botox est aussi exclu. Car, dans cette zone, il vous ferait ressembler à un hamster ! Contrairement au collagène d’antan, les nouveaux gels ne causent pas de rejet.
- 300  euros par injection de toxine botulique. En France, les ­injections de toxine botulique sont prohibées dans la zone basse du visage. Mais pas en Allemagne, et notre cobaye a pu en avoir une sur le menton. 

 

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