Au cours de l'été, les documents fournis au Guardian et au Washington Post par l'ex-employé de la NSA Edward Snowden ont contribué à lever le voile sur l'ampleur de la surveillance et de l'espionnage menés par la NSA et ses alliés. Le Monde a désormais également accès à une partie de ces documents.
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Avant l'été, la NSA était la plus secrète des agences de renseignement des Etats-Unis. Puis est venu Edward Snowden, qui s'est vu accorder un droit d'asile pour un an en Russie. Voulant dénoncer "le plus vaste programme de surveillance arbitraire de l'histoire humaine", l'Américain travaillant pour un sous-traitant de la NSA s'est procuré plusieurs des milliers de documents hautement confidentiels.
Début juin, les premiers secrets de l'Agence nationale de sécurité contenus dans ces pièces commencent à filtrer. Le Guardian révèle que l'opérateur téléphonique Verizon fournit à la NSA les données téléphoniques de plusieurs millions d'Américains, en vertu d'une ordonnance judiciaire top secret.
Puis, c'est au tour du programme Prism d'être dévoilé. Il permet aux services secrets américains, et en tout premier lieu à la NSA, d'accéder de manière privilégiée, depuis décembre 2007, aux données de neuf grandes entreprises d'Internet, dont Google, Facebooket Microsoft.
SURVEILLANCE DES CÂBLES SOUS-MARINS
Un document de formation interne sur Prism, auquel Le Monde a eu également accès, explique comment les analystes de la NSA peuvent interroger les bases de données des géants du Web, à la recherche de documents, de courriels ou de discussions instantanées. Le tout dans un cadre juridique qui les affranchit de la demande d'un mandat individuel. Les entreprises citées par les documents ont démenti le fait que la NSA avait un accès direct et unilatéral à leurs serveurs.
A côté de cette surveillance ciblée, les documents Snowden dévoilent une autre méthode de collecte massive de la NSA dénommée Upstream. Ce système permet de prélever les données depuis les câbles sous-marins et les infrastructures d'Internet. Une stratégie logique, lorsqu'on sait que 99 % des communications mondiales transitent désormais par la voie sous-marine.
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L'équivalent britannique de la NSA, le Government Communications Headquarters (GCHQ), joue un rôle de premier plan dans ce système, en raison de la proximité historique de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, des accords confidentiels et d'une dépendance financière des services de Londres à ceux de Washington. Il existe aussi des raisons techniques : une partie importante des câbles sous-marins qui relient l'Europe à l'Amérique passe par la Grande-Bretagne. Grâce à Edward Snowden, le programme Tempora, qui vise à "maîtriser Internet" en surveillant ces câbles, a ainsi été révélé. "Vous êtes dans une position enviable, explique un document de présentation de Tempora, présenté par le Guardian, amusez-vous et tirez-en le meilleur parti."
Au détour d'une page du document de présentation du programme Prism, on découvre qu'Upstream s'appuie sur quatre programmes (Blarney, Fairview, Oakstar et Stormbrew) dont on ne connaît, à ce jour, que les grandes lignes. Fairview, par exemple, porterait en grande partie sur les interceptions des conversations téléphoniques via les grands opérateurs américains.
OUTILS D'ANALYSE DES DONNÉES
De nombreux outils sont nécessaires pour trier cette masse de données interceptées. L'un d'eux s'appelle XKeyscore, et son fonctionnement a été détaillé dans les colonnes du Guardian. L'extrême précision des données recueillies y apparaît clairement. Grâce à XKeyscore, les analystes peuvent accéder aux contenus des courriels échangés, à la liste des sites Internet visités par leur cible, voire aux mots-clés saisis par cette dernière dans les moteurs de recherche.
Regarder la vidéo Comment la NSA vous surveille (expliqué en patates)
L'encadrement de ces recherches est peu contraignant, explique aussi leGuardian, et de nombreuses données concernant des Américains sont rendues accessibles aux agents. Selon les documents de présentation, destinés àpromouvoir les capacités de l'outil, trois cents terroristes ont été arrêtés depuis 2008 grâce à XKeyscore.
La NSA et le GCHQ ne consacrent pas uniquement leurs importants moyens de surveillance à la lutte contre le terrorisme, mais également à l'espionnage de pays alliés. Au G20 de Londres, en 2009, les ordinateurs de diplomates et de chefs d'Etat ont été surveillés par le GCHQ, de même que certains de leurs appels téléphoniques. La NSA, elle, s'est concentrée sur l'Union européenne (UE), comme l'a révélé le Spiegel, toujours sur la base des documents Snowden. La NSA a installé des mouchards dans les locaux de la représentation de l'Union à Washington.
La délégation de l'UE auprès de l'ONU, à New York, ainsi que le bâtiment du Conseil de l'Union européenne à Bruxelles ont aussi été scrutés par l'agence américaine. Le Brésil fait également partie des pays victimes de cet espionnage. Selon le groupe de médias brésilien O Globo, ses dirigeants politiques comme certaines entreprises ont été ciblés.
Les documents Snowden ont éclairé les efforts considérables mis en œuvre par les Etats-Unis pour se mettre à l'écoute d'Internet, dans un cadre juridique parfois flou et le plus souvent à l'écart de réels débats démocratiques. Interrogées par Le Monde, les autorités américaines ont assuré que le programme Prism avait fait l'objet d'un débat parlementaire aux Etats-Unis et qu'il fonctionnait dans un cadre légal strictement réglementé.
Questionné le 12 septembre sur les révélations de Snowden, James Clapper, le directeur national du renseignement américain, a répondu : "Ce qui s'est passé – et qui est nuisible – a suscité des conversations et un débat qui étaient en fait probablement nécessaires."
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