vendredi 17 mai 2013

Cannes 2013 : Jeune et Jolie de François Ozon, une pute mention très bien...


Dans son nouveau film, présenté en compétition, le cinéaste français suit à la trace une lycéenne aisée qui s’adonne à la prostitution. Un film mystérieux et perturbant.
Une décennie tout juste après  Swimming Pool et son tohu-bohu érotique et sulfureux autour d’une piscine où s’ébrouaient Ludivine Sagnier et Charlotte Rampling,  François Ozonrevient en compétition cannoise avec Jeune et jolie, un film que la rumeur annonce depuis sa sélection comme… érotique et sulfureux. Bis Repetita et bégaiement artistique ? Assurément, non.
En une décennie, contrairement aux apparences, Ozon n’a en aucun cas fait du surplace. Au contraire, à un rythme frénétique (à chaque année au moins son film), le cinéaste a multiplié les coups d’éclat imprévisibles et, cerise sur son gâteau, a su rameuter en masse les spectateurs dans les salles avec des opus inclassables et tordus, comme, récemment, Potiche ou, en septembre dernier Dans la maison.
Du lycée Henri IV à l’hôtel
Dans Jeune et jolie, titre lisse comme la couverture d’un magazine féminin et de ce fait énigmatique, Ozon filme sur quatre saisons et avec moult ellipses, l’itinéraire d’Isabelle, 17 ans, une jeune fille de la bourgeoisie éclairée parisienne qui vit a priori en parfaite harmonie avec maman, beau-papa, petit frère et ses aimables camarades du Lycée Henri IV. L’été, sous le soleil exactement, Isabelle (Marine Vacth, une vraie révélation) rencontre un garçon de son âge et, avec lui, perd sa virginité, sans plaisir. Dès l’automne, Isabelle se trouve un second prénom et une seconde identité. 
Elle s’appelle dès lors Léa et, profitant de sa très aimable plastique, exerce comme prostituée dans les hôtels parisiens où elle donne rendez-vous à des clients fortunés, recrutés sur le net. Pourquoi ce passage à l’acte chez cette jeune fille en aucun cas dans le besoin financier et, a priori, en tout point « normale » ? Ozon se garde d’apporter de réconfortantes réponses à la question et suit à la trace son héroïne, adolescente qui jouit (en apparence) de son propre mystère, de son secret essentiel et qui, sans même s’en apercevoir, applique à son échelle la loi libérale de l’offre et de la demande.
© Mars distribution© Mars distribution
Une époque formidable
« On n’est pas sérieux quand on a 17 ans », racontait Rimbaud en son temps (cité dans le film). Certes, et l’on n’est pas non plus forcément heureux ou embarrassé de considérations morales ou d’accord avec soi-même, si tant est que ledit « soi-même » ait un sens. 
Avec une rigueur extrême, sans jamais céder aux surenchères glauques, Ozon, en quatre chapitres et une heure trente tendue à l’extrême, met en scène avec une dérangeante inspiration l’aventure d’une fille qui, au-delà du bien et du mal, éprouve son pouvoir (sur les hommes, ses parents, ceux de son âge) et accomplit un parcours initiatique qui ne l’entrainera pas nécessairement à mieux se connaître. A la fois portrait ambigu de l’époque (circulation névrotique du fric, omniprésence numérique et tutti quanti) et radiographie perturbante des zones d’ombre identitaires 
(LA grande obsession qui parcourt la filmographie ozonienne, depuis 2001 et Sous le sable), Jeune et jolie, avec un calme et une froideur également perturbants, arpente des territoires ambivalents et frappe fort et juste. S’il n’est pas certain du tout que le puritain président Spielberg apprécie le spectacle, le film, lui, au-delà des considérations festivalières, ne s’oubliera pas de sitôt.

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