jeudi 25 avril 2013

Misogyne, pro français, élitiste… cinq clichés sur le Festival de Cannes au banc d’essai...



Misogyne, pro français et américain, réservé à un cercle fermé... Les lieux communs accolés à la compétition du Festival de Cannes sont nombreux. Disent-ils la vérité, un peu, beaucoup ou pas du tout ? Evene fait le tri.

Du 15 au 26 mai, comme chaque année, le festival de Cannes déploie ses fastes et son tapis tout rouge pour le plus grand plaisir des cinéphiles, des starlettes et des médias (le Festival est le second événement le plus « couvert » au monde après les Jeux Olympiques). Comme toute institution, Cannes génère ses jalousies, ses indignations, ses poncifs. Parmi ces derniers, cinq sont particulièrement tenaces et ressurgissent en toute logique à quelques jours de l’ouverture des hostilités. Les voici examinés à la loupe.

1. « Cannes n’aime pas les femmes »
DR« La Leçon de piano », de Jane Campion, Palme d'Or en 1993, DRLes polémiques de l’an passé (redevables, entre autres, au collectif féministe La Barbe) n’auraient-elles servi à rien ? Alors que le cru cannois 2012 se distinguait par son absence absolue de réalisatrices en compétition, l’édition 2013 fait à peine mieux avec la présence d’une seule cinéaste pouvant décrocher la palme d’or : Valeria Bruni-Tedeschi avec sonChâteau en Italie. Comme s’ils voulaient échapper au procès en machisme, les sélectionneurs, du coup, ont « placé » des filles partout en dehors de la compétition. D’abord, au sein du jury, où quatre femmes (Vidya Balan, Naomi Kawase, Nicole Kidman, Lynne Ramsay) feront face à cinq messieurs (Steven Spielberg, Daniel Auteuil, Ang Lee, Cristian Mungiu, Christopher Waltz), soit une égalité (presque) parfaite. Ensuite, dans la section « Un certain regard », réputée pour être l’antichambre de la compétition, où les réalisatrices (entre autres  Claire Denis, Rebecca Zlotowski et  Sofia Coppola) se bousculent au portillon. De l’antichambre à la chambre, il n’y a qu’un pas… qui ne sera donc pas encore franchi cette année. Comme nous n’avons pas encore vu les films, contrairement aux sélectionneurs, on se gardera d’accuser ces derniers de mille maux misogynes. Et l’on constatera sobrement que, au cinéma comme ailleurs, la parité demeure une vue de l’esprit. Rappelons que, à ce jour, en 65 éditions, une seule palme d’or fut décernée à une femme,  Jane Campion, championne en 1993 pour La leçon de piano, mais championne ex aequo (il ne faut pas déconner non plus) puisqu’elle dut partager son prix avec un homme : Chen Kaige pour Adieu ma concubine. Bonne chance Valéria.

2. « On voit toujours les mêmes cinéastes à Cannes »
© Wild Bunch Distribution« The Immigrant », de James Gray, © Wild Bunch Distribution« Ils ont leur rond de serviette au festival », « Ils connaissent le 06 de Thierry Frémaux par cœur »… Qui sont-ils ? Les « habitués », bien sûr, ces cinéastes que l’on retrouve sur la Croisette avec une régularité de métronome. Pas de doute, cette année, comme toutes les autres, ils sont présents en force.  Roman Polanski(La Vénus à la fourrure), les frères Coen(Inside Llewyn Davis) et  Steven Soderbergh (Ma vie avec Liberace) ont déjà remporté une palme par le passé. Quant à  Arnaud Desplechin (Jimmy P), Paolo Sorrentino (The Great Beauty) ou James Gray (The Immigrant), les voir s’agiter guillerets sur la Croisette n’est en rien une surprise puisque tous leurs films, ou presque, ont déjà figuré en compétition. Est-il pour autant bien raisonnable d’hurler au favoritisme ? Même pas, puisque les metteurs en scène sus cités, incontestablement, font partie du « gratin » de la scène mondiale et que les persifleurs persifleraient probablement encore plus si le festival les ignorait. Par ailleurs, preuve que prévaut une certaine diversité, des cinéastes notables font cette année leur première apparition dans la compétition : Abdellatif Kechiche (La vie d’Adèle),  Asghar Farhadi (Le passé), Amat Escelante  (Heli)… Cela dit, le nouveau Steven Soderbergh - celui qui décroche la Palme d’or en 1989 avec son premier long métrage, Sexe, mensonge et vidéo – ne sera pas découvert cette année puisqu’on ne compte (pour l’instant) aucun premier film en compétition.

3. « Les présidents américains favorisent les cinéastes américains »
© Madame FigaroSean Penn remet la Palme d'Or à Laurent Cantet en 2008 pour « Entre les Murs », © Madame FigaroUn président du jury américain juge-t-il avec une coupable complaisance les œuvres de ses compatriotes ? Jeter un œil, même distrait, aux palmarès cannois des deux dernières décennies ne permet en rien de déceler une quelconque préférence nationale. Certes, Clint Eastwood pesa de tout son poids en 1994 pour que Quentin Tarantino décrochât la timbale avec Pulp Fiction. Certes bis, le même Tarantino, en 2004, célébra son compère Michael Moore avec Farenheit 9/11. Certes ter, le laconique Robert De Niro remercia son contemporain non moins laconique Terrence Malick pour The Tree of life en 2011. Mais Tim Burton, lui, ignora la bannière étoilée en 2010 pour palmer un Thaïlandais au non imprononçable : Apichatpong Weerasethakul et son  Oncle Boonmee. Quant à Sean Penn, en 2008, il célébra « a wonderful french film » : Entre les murs, de Laurent Cantet. Idem pour Francis Ford Coppola en 1996 (vainqueur : Mike Leigh avec Secrets et mensonges) ou David Lynch en 2002 (vainqueur du Grand Prix du Jury : Michael Haneke et La Pianiste). Pourtant, le soupçon n’épargne aucun président du jury puisque, l’an passé, l’Italien Nanni Moretti a provoqué un début de polémique en remettant le Grand prix du jury à son compatriote Matteo Garrone pour Reality. Le trait récurrent des présidents du jury, qu’ils soient américains, français ou esquimaux ? En général, aux antipodes des considérations nationalistes, travailler à la gloire de cinéastes qui n’entretiennent aucun rapport esthétique avec eux. Vu son pedigree, cela ne devrait pas être compliqué pour Spielberg de confirmer l’adage cette année.

4. « Les Français sont honteusement favorisés »
© Mars Distribution« Jeune et Jolie » de François Ozon, © Mars DistributionAvec cinq films signés par des Français, la compétition 2013 établit une sorte de record. Outre Valéria Bruni-Tedeschi, Abdellatif Kechiche et Arnaud Desplechin, on retrouvera cette année sur les marches le très prolifique  François Ozon (Jeune et jolie) et le très austère  Arnaud Despallières (Michael Kohlhass). Cet embouteillage tricolore multiplie-t-il les chances de conquérir une palme le dernier dimanche de mai ? Jouer à domicile est-il un avantage ? Un regard dans le rétro prouve que non, puisque, depuis Sous le soleil de Satan, de Maurice Pialat en 1987, un seul film français fut palmé : Entre les murs, de Laurent Cantet en 2008. Deux Palmes d’or en 25 ans, c’est peu, très peu même. Par ailleurs, il ne faut pas compter cette année sur le chauvinisme du jury, puisqu’un seul de ses membres porte le béret : Daniel Auteuil.

5. « Il y a des cinéastes maudits à Cannes »
DRMichael Haneke reçoit sa deuxième Palme d'Or pour « Amour », DROui, en effet. Pour cela, il suffit d’être un « habitué » (lire ci-dessus) et de repartir de Cannes systématiquement bredouille ou presque. Cette année, en l’absence de Pedro Almodovar (LE maudit parmi les maudits), James Gray (toujours présent, jamais gagnant) et Arnaud Desplechin (même constat) ont les tronches de l’emploi. Deux bonnes raisons de ne pas pleurer toutefois. Primo, dans la logique festivalière, les malédictions s’interrompent parfois (après une longue disette, Michael Haneke fut deux fois sacré ces dernières années, pour Le ruban blanc, en 2009 et pour  Amour l’an passé). Secundo, d’illustres cinéastes ne furent jamais honorés d’une palme - Kubrick, Bergman, Allen… - ce qui ne les a pas empêchés de connaître l’illustre carrière que l’on sait. Il s’agirait de ne pas l’oublier : il n’y a pas que Cannes dans la vie.

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