lundi 4 mars 2013

A voir absolument : documentaire choc sur les services secrets Israéliens !



Six anciens directeurs des services de renseignements israéliens témoignent dans The Gatekeepers, diffusé sur Arte le 5 mars. Le documentaire montre une politique israélienne nationaliste, sécuritaire et paranoïaque, ce que la presse locale n’a guère apprécié.
Sorti en juillet 2012, le documentaire de Dror Moreh Shomrei Hasaf (diffusé à l’étranger sous le titre anglais The Gatekeepers) a d’abord été accueilli dans une indifférence relative. Indifférence relative car, si l’on excepte les pages cinéma des grands titres nationaux, l’écrasante majorité des réactions politiques et éditoriales ont été publiées dans le quotidien libéral et de centre gauche Ha’Aretz. 

Cette indifférence relative n’a été que peu démentie après l’octroi du Cinema for Peace Award à Berlin le 9 février et après la nomination du documentaire à l’oscar 2013 du meilleur documentaire.


Il faut dire que, de la vision de ce long "interrogatoire" de six anciens directeurs du Shabak [Service général de sécurité ou Shin Beth] par le réalisateur Dror Moreh, il ressort que les choix politiques et stratégiques opérés depuis 1967 par tous les gouvernements israéliens (à l’exception de celui dirigé pendant deux ans par Yitzhak Rabin) participent d’une vision du monde trop nationaliste, et sécuritaire. 

Les conclusions que tirent ces six anciens "durs" du renseignement intérieur israélien convergent toutes : Israël a négocié trop peu, trop tard et de manière trop procédurale par rapport à la hauteur des enjeux : la paix par la sécurité mais aussi par la réconciliation. 

La poursuite de l’occupation des territoires palestiniens non seulement corrompt et déshumanise la société juive israélienne, mais elle menace de destruction l’Etat hébreu. Cette vision pessimiste n’étant partagée que par la presse de gauche et de centre gauche, il n’est pas étonnant que les seules réactions dans la presse de droite et d’ultradroite aient oscillé entre l’indifférence contrainte et l’hostilité totale.

Il est donc tout naturel que l’essentiel des commentaires – positifs de surcroît – aient été publiés dans Ha’Aretz. Dans un éditorial titré : "On liquide et on pleure" [allusion à On tire et on pleure, documentaire de David Benchetrit, 2000], Allouf Ben, chroniqueur politique, écrit que The Gatekeepers n’est pas un film de gauche de plus. Non, c’est un film très israélien. 

C’est un film réalisé par des Israéliens, pour des Israéliens et sur les Israéliens. Le documentaire de Dror Moreh est l’histoire officieuse du Shabak depuis 1967, racontée de la bouche même de six de ses anciens directeurs. Il s’agit ici de la version du conflit israélo-palestinien fournie par le Shabak. C’est aussi l’histoire vue et écrite par une ’ancienne élite’ qui n’en peut plus de cette guerre éternelle."

Climat de haine

Toujours dans Ha’Aretz, Hemi Shalev, vétéran de la presse hébraïque et ancien rédacteur en chef de Maariv [droite], estime que “The Gatekeepers nous remémore cruellement les événements dramatiques qui ont ébranlé notre pays ces trois dernières décennies et que nous sommes hélas de plus en plus nombreux à vouloir oublier : les réseaux terroristes juifs, la répression militaire de la première Intifada, l’assassinat de Yitzhak Rabin [par un extrémiste juif de droite], la présence bruyante de Benyamin Nétanyahou sur la place de Sion [à Jérusalem, lors des manifestations de l’automne 1995 contre le processus de paix avec l’OLP] et l’inexorable progression des constructions en Cisjordanie, qui a fini par faire la pluie et le beau temps en Israël”. 

Interrogé par Hemi Shalev, Dror Moreh enfonce d’ailleurs le clou en dénonçant l’amnésie de trop d’Israéliens. “Non, je ne crois pas que Nétanyahou soit en soi responsable de l’assassinat de Yitzhak Rabin, mais, en participant de manière visible aux manifestations violentes contre les accords d’Oslo et contre Rabin, ces manifestations où le Premier ministre était représenté en nazi ou dans un cercueil, Nétanyahou a légitimé et entretenu un climat de haine qui a fini par armer les assassins.”

Précisément, si la plupart des chroniqueurs politiques des quotidiens de droite semblent délibérément ignorer le film ou son impact, ce n’est pas le cas d’un des anciens cadres d’un réseau juif démantelé en 1984, Hagaï Segal, qui publie régulièrement des tribunes dans Maariv ou dans Yediot Aharonot. Pour Hagaï Segal, “se pourrait-il que le Shabak soit tombé amoureux des Palestiniens ? Malheureusement, oui. Certes, il ne s’agit pas ici d’amour romantique, mais moral.

Ces hauts responsables du Shabak souffrent d’une sorte de syndrome de Stockholm à l’envers, en vertu duquel il arrive que des otages en arrivent à s’identifier à leurs ravisseurs. Il est plus rare que ce soient les gardiens qui finissent par s’identifier à leurs prisonniers. Ce travail de Sisyphe qu’est notre combat existentiel contre l’ennemi arabe semble avoir eu raison de la foi du Shabak en la justesse de notre position.

Le livre le plus populaire au monde [la Bible] et l’archéologie démontrent que nos ancêtres ont vécu à Hébron des millénaires avant que Mahmoud Abbas et ses semblables ne s’y installent. Certes, il est vrai que certains mécanismes du contrôle exercé par Israël sur la Judée-Samarie [Cisjordanie] rappellent une occupation militaire, parce que parfois il n’y a pas d’autre choix que celui de la force. Ces similitudes semblent avoir fini par aveugler jusqu’aux chefs de nos services de renseignement.”

Seule critique construite sur un strict registre cinématographique, le texte franchement mitigé publié sur le très populaire et très informé site internet Walla par le critique de cinéma Marat Parkhomovsky.“Ce documentaire est essentiel et secouant. Mais il est dommage qu’au lieu de s’appuyer simplement sur le matériau fantastique qu’il est parvenu à rassembler Moreh multiplie les effets appuyés pour ‘aider’ le spectateur israélien à se faire son opinion, au besoin en jouant sur l’émotion et en misant davantage sur l’affect que sur l’esprit, un comble pour un film dont l’objectif déclaré est de pousser les spectateurs à réfléchir.

 Ce procédé est particulièrement choquant dans le traitement de la mise à mort de Rabin et des accords d’Oslo, des accords dont l’échec est imputé à la seule extrême droite juive, comme si l’attitude au minimum ambiguë d’Arafat et de l’OLP face aux attentats terroristes palestiniens n’avaient joué aucun rôle. Dans ces moments-là, le documentaire perd de son intelligence, et donc de sa puissance et de sa signification.”


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