« L’as des espions » c’est ainsi qu’est surnommé le célèbre espion aventurier des années 20, Shlomo Rosenblum alias Lt Sydney Reilly qui remplira plusieurs missions dangereuses dans la Russie bolchevique à la solde britannique.
Il représente selon les historiens le premier prototype du super-espion du 20ème siècle et inspirera ainsi à l’écrivain Ian Fleming son héros légendaire, James Bond 007.
C’est en 1873 à Kherson, province à majorité juive de la Russie tsariste, que naît le modèle original du célèbre Bond…James Bond.
Fils d’un riche entrepreneur et d’une pianiste, il grandit dans une famille activement engagée dans le mouvement d’émancipation juive.
Etudiant en chimie à Odessa, le jeune Rosenblum est arrêté en 1892 par l’Ochrana, la police impériale russe, alors qu’il transportait des messages pour un groupe révolutionnaire.
Après sa libération, il est à nouveau mêlé à un complot politique, mais cette fois l’affaire est sérieuse : Rosenblum fuit la Russie après avoir simulé sa mort dans les eaux du port d’Odessa.
Aprés un passage supposé au Brésil, puis en France où il aurait amassé une petite fortune, nous retrouvons notre homme établi à Londres en 1895.
Il possède la société « Ozone Preparations Company » qui commercialise médicaments et remèdes miracles.
L’affaire est prospère, mais son goût compulsif du jeu, des voyages exotiques, des belles femmes, des vêtements de luxe, des mets raffinés… bref d’une vie d’hédoniste que Fleming prêtera à son héros, engloutit ses bénéfices.
C’est motivé alors par un besoin pressant d’argent que Rosenblum accepte d’être informateur pour Scotland Yard.
En effet, en 1896, le superintendant en chef de la branche spéciale de Scotland Yard, William Melville, repère Rosenblum.
Instruit, discret, celui dont la devise latine sera sa vie durant « Mundo Nulla Fides » (ne se fier à personne), collectera pour le Yard des renseignements sur les exilés politiques et immigrants, infiltrera des mouvements criminels ou anarchistes russes, devenant très vite pour Melville « l’homme qui sait tout ».
1898, Shlomo Rosenblum devient Sydney Georges Reilly.
Melville vient de lui créer une couverture.
Son but : lui confier des missions de reconnaissance à l’étranger. Une occasion pour Reilly de revoir sa Russie.
En 1903, Melville quitte Scotland Yard et devient directeur des services secrets britanniques, le SIS, précurseur du fameux MI6.
Sous Melville, Reilly sera espion indépendant.
Non contrôlé, les historiens avanceront qu’il aurait été un agent double, triple et même quadruple.
Ainsi, en Mandchourie, durant la guerre russo-japonaise en 1905, il sert l’intérêt à la fois britannique et japonnais.
Polyglotte comme Bond, doté d’une audace à toute épreuve et d’une intelligence très vive,
Rosenblum est aussi un as du déguisement. Sous différentes apparences, il apparaît en divers points du globe.
Parmi ses nombreuses missions : « l’affaire d’Arcy » dans le sud de la France, déguisé en prêtre catholique pour approcher le riche entrepreneur de l’industrie pétrochimique en Iran, William Knox d’Arcy.
Il parvient ainsi à procurer à l’amirauté britannique des concessions de pétrole iranien juste avant qu’elles ne soient négociées et ne tombent en d’autres mains.
Puis à Francfort, en 1909, à une fête aérienne, en pilote de démonstration.
Ce jour-là un avion, probablement saboté s’écrase.
Avec la complicité d’un autre agent chargé de détourner l’attention, Reilly s’empare d’une pièce appartenant au moteur de l’épave allemande et supposée être d’un modèle avancé.
A la veille de la première guerre mondiale, à Essen, en Allemagne, sous les traits de Karl Hahn, un ouvrier des chantiers navals.
Pour cette mission, il apprend le métier de soudeur.
Objectif : voler les plans de nouvelles armes allemandes.
Localisant les plans dans les bureaux d’un contremaître, il réussit à se faire intégrer dans son équipe.
Mais en forçant la porte, il se fait surprendre par ce dernier.
Reilly l’étrangle et s’enfuit. Par sécurité, il déchire les plans en quatre morceaux et les expédie séparément
A ses nombreuses conquêtes féminines dont quatre épouses, vont se rajouter les femmes proches d’officiers ou ministres, qu’il séduit pour le besoin des missions. (Tout comme sa copie fictive).
En pleine guerre, il se fait parachuter à plusieurs occasions derrière les lignes ennemies.
Déguisé une fois en officier allemand, il passera trois semaines au sein du Reich rassemblant des informations sur les plans des futures offensives contre les alliés.
Pour sa conduite héroïque, le Lieutenant Reilly reçoit la Croix Militaire.
En 1918, le SIS engage officiellement Reilly.
Il est désormais l’espion répondant au nom de code ST1. Réputé impitoyable dans l’action, ses exploits audacieux le distinguent des autres agents.
Le successeur de Melville, Mansfield Smith-Cumming aussi appelé « C » (d’où « M »dans la fiction), tient là sa recrue pour une opération de grande envergure : déterminer si le tout nouveau gouvernement bolchevique va pactiser avec l’Allemagne et le cas échéant, renverser Lénine.
C’est durant cette mission que Reilly fait la connaissance de l’agent qu’on lui adjoint, Robert Bruce Lockhart, ancien vice-consul à Moscou lors de la Révolution d’Octobre.
C’est Lockhart qui relatera les prouesses de ST1 à son ami proche Ian Fleming…
Selon les historiens, Reilly sera le premier espion à s’être introduit au Kremlin. Mais approcher Lénine n’est pas une mince affaire.
Toutefois, un autre plan bien huilé pour faire tomber le leader soviétique est prévu.
Reilly a déjà préparé un futur gouvernement provisoire, un réseau de partisans anti-bolchévique monté par Lockhart et Reilly est en place lorsqu’un évènement imprévu survient : le 30 août 1918, Fanya Kaplan, une révolutionnaire juive tire sur Lénine, ruinant tous leurs efforts.
Immédiatement, le CHEKA (ancêtre du KGB), sous les ordres de Lénine, trouve là le prétexte de lancer la « Terreur Rouge » pour contrer la résistance anti-communiste.
Lockhart et tous les membres du complot sont arrêtés, impliqués à tort dans l’attentat et condamnés à mort.
Reilly parvient à s’enfuir, mais considéré le cerveau de l’affaire, sa tête est mise à prix depuis cette période.
Lockhart est libéré, échangé contre un espion russe détenu en Angleterre.
Bravant le danger, ST1 retourne pour plusieurs autres missions en Russie.
Cependant « C » ignore la haine farouche que voue désormais Reilly à l’idéologie communiste.
Dès lors, il fait de son combat sur le terrain une affaire personnelle.
Il entre en contact avec le terroriste révolutionnaire Boris Savinkov.
Il finance la lutte anti-bolchévique de ce dernier et y participe.
Même si ses missions sont menées à bien, sa manie « de n’en faire qu’à sa tête » au dernier moment (comme 007) plait de moins en moins à « C ».
Ses initiatives personnelles mettent en péril les opérations et les autres agents.
Mais nous ne sommes pas à Hollywood : malgré la renommée de ST1 dans le milieu, la patience de « C » a des limites et les activités clandestines menées en parallèle aux missions sonnent le glas de la carrière d’espion de Reilly.
Son renvoi en 1922 est un coup dur et le début de la fin.
Poursuivant sa résistance contre la « terreur rouge », Reilly tombe en 1925 dans les filets depuis longtemps tendus par les services secrets russes.
Staline ordonne son exécution qui a lieu le 5 novembre 1925.
Cette mort lève le doute chez ceux qui le suspectaient d’être un agent double.
Classé à l’unanimité par les historiens comme l’espion le plus remarquable et professionnel de son temps, il captive les imaginations pour devenir une légende à travers la littérature, le cinéma et la télévision avec notamment la célèbre série américaine « Reilly, l’as des espions »tiré du livre que Lockhart écrira à la mémoire de son ami.
Aux cinéphiles : lors de la projection d’un « James Bond », n’oubliez pas d’avoir une pensée pour le véritable 007, le juif russe Shlomo Rosenblum.
Perla Amiel/Le Monde Juif
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