vendredi 9 novembre 2012

Marc Chagall à La Piscine, la déferlante des rêves.....



Après avoir présenté sa céramique il y a cinq ans, le musée d’art et d’industrie de Roubaix inaugure une nouvelle saison avec « Marc Chagall, l’épaisseur des rêves ». Une exposition inédite de La Piscine, présentée en cinq œuvres par Evene.
Deux femmes se fondent dans la masse des journalistes invités au vernissage de l’exposition, vendredi 12 octobre. Discrètes et modestes, ce sont pourtant elles qui ont permis à l’exposition de voir le jour, après cinq longues années de préparation : Meret et Bella Meyer, petites-filles de Marc Chagall et déjà collaboratrices d’une première exposition dédié aux céramiques de l’artiste à qui l’on doit les décors de l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du Plateau d'Assy, en Haute-Savoie. Ses descendantes ont en tout cas renouvelé leur attachement à La Piscine. « Avec elles, je veux bien faire une expo Chagall tous les ans. 
Elles ont rendu possible un rêve encore irréalisable il y a une décennie », s’enthousiasme Bruno Gaudichon, conservateur-en chef du musée de Roubaix. En partenariat avec celui de Dallas (États-Unis), « L’épaisseur des rêves » s’appuie sur 220 pièces (1887-1985), pour en proposer une lecture nouvelle, celle du volume. Car sur une période artistique allant de 1909 à 1985, Chagall n’a pas fait que peindre : on lui doit projets décoratifs et scéniques, collages, dessins et bien entendu, des sculptures.

© Centre PompidouDouble portrait au verre de vin, 1918, © Centre Pompidou

Double portrait au verre de vin
Prêté par le centre Pompidou et en provenance directe de l’exposition « 1917 » à Metz, le « Double portrait au verre de vin » n’ouvre pas l’exposition par hasard. Ses figures géométriques et visages à facettes, qui donnent l’impression de se déboîter, gagnent en relief par de remarquables échos de couleurs. Une colonne sépare la toile en deux : le peintre, un verre à la main, s’est juché sur les épaules de son épouse Bella, vêtue d’une robe de mariée. D’un côté, la veste et le vin rouges connotent l’ivresse de l’amour, de l’autre, le bas mauve que la femme laisse apercevoir dans une attitude provocante renvoie à l’ange volant au-dessus d’eux, une allusion à l’unique fille du couple, née en 1916. De part et d’autre de ce totem amoureux, le fleuve Dvina, une cathédrale orthodoxe et un ouvrage semblable au Pont Neuf parisien : entre la biélorusse Vitebsk, sa ville d’origine, et Paris, sa ville d’adoption, Chagall célèbre le bonheur conjugal.
Photo : Marc Chagall, Le nu au-dessus de Vitebsk, 1933, huile sur toile, 87 x 113 cm © Archives Marc et Ida Chagall. © ADAGP, Paris 2012 


Costumes du ballet Aleko
Une dizaine de costumes habillent des mannequins, disposés en demi-cercle sur des estrades de différents niveaux. Ce sont les productions originales du ballet Aleko, réalisées en 1942 par le peintre, inspiré à la fois par l’imaginaire juif russe et les traditions mexicaines. En témoignent une gitane en robe de cartes à jouer, des masques d’animaux et un porteur à chandelier au pantalon recouvert de têtes de mort, les calaveras, symboles du Jour des morts mexicain. Conservés dans un entrepôt jusqu’en 1991, les costumes ont été nettoyés et restaurés par une artiste spécialisée dans les tissus. 
« Ce qui est étonnant, précise Bella Meyer, c’est que chaque costume a été fait avec très peu de moyens. Les effets scénographiques apparaissent grâce au jeu entre les tissus et les touches de peintures, qui essayent de les faire vivre encore davantage. » Avant d’ajouter : « Chagalll aimait travailler les détails sur les textiles, car selon lui les costumes devaient respirer avec les danseurs. » En complément de ce défilé statique, des archives vidéo permettent de voir l’œuvre en mouvement, lors d’une représentation sur scène.

Deux nus ou Adam et Eve ou Sculpture colonne
En correspondance avec la peinture, Chagall trouve l’expression absolue du volume dans la sculpture. Influencé par l’art médiéval et les récits bibliques, comme dans le marbre « Adam et Eve », il s’inscrit dans la tradition de la taille directe. Cette technique, qui refuse le modèle intermédiaire, consiste à dessiner la composition sur la pierre, avant de la donner à creuser. 
« Chagall aimait tant la variété des matériaux qu’il en était insatiable, raconte Meret Meyer. Sa compréhension de l’espace de la peinture, il la travaillait à travers les matériaux, pour ensuite transposer cette exploration dans l’art figuratif. Bruno Gaudichon ajoute : « Pour lui, le monde rêvé était le monde nécessaire. L’épaisseur donnait une existence physique à son œuvre, plus palpable que dans la peinture. »

Le plafond de l’opéra de Paris
« Fait à son image, c’est le plafond que Garnier attendait. » Le conservateur ne tarit pas d’éloges sur la commande réalisée par Chagall à la demande d’André Malraux. Pas moins de six maquettes du travail préparatoire révèlent l’évolution de cette œuvre inaugurée en 1964, dont la maquette définitive offre la possibilité, enfin, de la découvrir dans les moindres détails. 
Les références à l’art lyrique sont divisées en cinq espaces de couleurs : vert pour Berlioz et Wagner, jaune pour Tchaïkovski, bleu pour Mozart et Moussorgski, rouge pour Ravel et Stravinsky et blanc pour Debussy et Rameau. À côté des références au paysage parisien, comme la Tour Eiffel et l’Arc de Triomphe, apparaissent des éléments tout droit sortis de l’iconographie de Chagall. Un bouc au violon et un ange à la tête de coq suffisent à résumer son univers sur cette œuvre monumentale. 

Nu
Après la Seconde Guerre mondiale et ses atrocités, l’attitude générale à l’égard de l’art devient méfiante. « On pensait alors qu’un tableau ne suffisait plus à représenter le monde », analyse Bruno Gaudichon. 
Mais Chagall, lui, reste persuadé de la prédominance de la peinture, et va même jusqu’à inventer un nouvel ordre pictural, dans lequel il laisse libre cours à sa joie de travailler la couleur. Pour la première fois, on a accès à l’ensemble complet de ses dessins noir et blanc et de ses collages, sur lesquels il créait du relief au moyen d’un traitement particulier du papier. 
Collages de tissus et papier pour « Esquisse pour parade », lavis de gris qui fait ressortir les rondeurs blanches de la femme du « Nu », ou utilisation de sable sur toile, comme dans le « Nu Mauve », pour une mise en relief étonnante d’un clown, un musicien et un animal fantastique, certains des thèmes les plus fondamentaux de l’artiste.





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