PUBLIÉ PAR GUY MILLIÈRE LE 8 AVRIL 2016
J’ai consacré dans le dernier numéro d’Israel Magazine un long article à la stratégie de Vladimir Poutine au Proche Orient en général, et vis-à- vis d’Israël en particulier.
Ce qui se passe présentement en Syrie vient confirmer ce que j’écris dans cet article.
Obama a placé les Etats Unis quasiment hors jeu, et a laissé la place au chaos islamique. L’espace laissé vide par les Etats Unis est désormais occupé par la Russie. Le chaos islamique n’a pas cessé, mais seul Poutine est en mesure de l’endiguer si tant est que ce soit son intention.
Le régime Assad à Damas est sauvé. Le Liban est dominé par le Hezbollah. L’Iran est en position de puissance hégémonique régionale, sous le contrôle de Poutine. L’Egypte, l’Arabie Saoudite, les émirats du Golfe savent qu’ils sont à la merci de l’Iran et ont tout intérêt à s’entendre avec Poutine. La Turquie est dans la même position, et Poutine a freiné les ardeurs islamistes d’Erdogan et le soutien que celui-ci apporte à l’Etat Islamique.
L’Etat islamique n’a pas été combattu par Poutine pendant des mois, et Poutine l’a simplement endigué. Poutine pousse l’endiguement un peu plus loin, et a permis la reprise de Palmyre par l’armée d’Assad. S’il l’entend, il pourra pousser l’offensive vers Raqqa. Il n’est pas certain que ce soit son projet, car il n’est pas certain qu’il veuille voir le croissant chiite s’unifier, et l’Iran se renforcer à l’excès.
Le gouvernement israélien sait lui-même qu’il a tout intérêt à s’entendre avec Poutine, et c’est ce qu’il fait. Poutine voit en Israël une pièce importante de la stabilité régionale. Il voit dans les Juifs russes devenus israéliens, des Russes, et il est, plutôt, philosémite. Il ne laissera pas l’Iran aller trop loin dans ses menaces envers Israël et ses propos bellicistes. Il fait livrer néanmoins à l’Iran un système anti-missiles de dernière génération permettant au régime de se sanctuariser.
Le rapprochement tactique entre l’Egypte, l’Arabie Saoudite, les émirats du Golfe et Israël va se poursuivre.
L’Europe s’est trouvée elle-même placée hors jeu par la politique menée par Obama. Elle a renoué avec l’Iran, en se couchant devant les mollahs. Elle subit de plein fouet les conséquences de l’émergence de l’Etat Islamique, ce qu’on voit tant avec l’invasion migratoire venue de Syrie et de Libye qu’avec les attentats djihadistes qui ont frappé la France et la Belgique. Elle a tout intérêt, à court terme, et faute d’alternative, à se rapprocher de Poutine et à entériner le sauvetage du régime Assad, ce qu’elle fait. Elle pourrait bien devenir une zone d’influence russe. Elle est dans un contexte où l’Otan vacille, ce que Poutine accueille avec satisfaction.
Que, trois décennies après la chute de l’empire soviétique, la Russie se trouve dans la position où elle se trouve montre l’intelligence stratégique de Vladimir Poutine et l’ampleur du retournement résultant des années Obama.
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Est-ce une bonne nouvelle pour la liberté sur terre ? Non, absolument pas. La Russie est régie sur un mode autoritaire. Elle est, outre l’Iran des mollahs, l’alliée de la Chine et est au coeur du projet eurasien pensé par Alexandre Douguine.
C’est simplement ainsi que le monde se recompose au présent.
Ronald Reagan disait qu’il avait été élu pour changer l’Amérique et qu’il avait en fait changé le monde
Si Hillary Clinton devait être élue présidente, elle entérinerait cette recomposition du monde. Si Donald Trump était élu Président, ce qui n’est pas assuré, il devrait tenir compte de cette recomposition du monde, et ne pourrait en faire table rase. Ses propos en politique étrangère (sur l’OTAN, entre autres) doivent être lus en ce contexte, et pas dans l’abstrait.
Après huit années de présidence, Ronald Reagan disait qu’il avait été élu pour changer l’Amérique et qu’il avait en fait changé le monde. Pour le meilleur. Après huit années de présidence, Barack Obama pourra dire qu’il a changé l’Amérique et le monde. Il n’est pas du tout certain, vraiment pas du tout certain, que ce soit pour le meilleur.
Ceux qui en Europe se sont extasiés de l’élection de Barack Obama il y aura bientôt huit ans ne s’attendaient sans doute pas à se retrouver avec une Europe placée sous l’ombre du djihad, de l’Iran, et de Vladimir Poutine. C’est pourtant avec cette Europe qu’ils se retrouvent.
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