LONDRES – Pour marquer le 70ème anniversaire de la libération des camps de concentration nazis de leurs parents et grands-parents à la fin de la Seconde Guerre mondiale, un groupe de familles a littéralement cousu ensemble leurs souvenirs de l’Holocauste via un patchwork dynamique...
Les quatre patchworks « souvenirs », actuellement exposés au musée juif de Londres, dépeignent chacun les histoires de survivants, pièce par pièce, des « Garçons », un groupe de 732 enfants survivants (qui compte en fait 80 filles) d’Europe de l’est.
Selon la société d’aide ’45, une organisation formée par les survivants après la guerre, le gouvernement britannique a permis à l’époque à 1 000 orphelins juifs des camps de s’installer en Grande-Bretagne, mais malheureusement seulement 732 ont pu être trouvés.
Beaucoup sont restés pour reconstruire leurs vies, mais d’autres sont partis en Israël, en Amérique du Nord et en Australie.
« De la destruction terrible sont venues ces vies incroyables, a déclaré Abigail Morris, la directrice du musée. La beauté de ces magnifiques patchworks parle pour elles. »
Le projet patchwork a été conçu il y a quelques années par Julia Burton – dont le père est l’un des « Garçons » – quand elle travaillait comme volontaire artistique dans une maison de retraite. C’est là que Burton a rencontré l’artiste textile Sheree Charalampous, qui lui a montré un patchwork qu’elle a fait avec les personnes souffrant de démence.
En 2013, quand la Deuxième génération – une association regroupant des enfants et petits-enfants des « Garçons » – se demandait comment célébrer le 70ème anniversaire de leur libération, Burton s’est souvenu de ce patchwork particulier et l’organisation a été d’accord pour créer quelque chose de similaire.
« On nous a demandé de produire quelque chose d’important dans nos vies, qui représenterait notre histoire », a expliqué Joanna Millan, 73 ans (née Bela Rosenthal), l’une des 80 femmes des « Garçons ».
Née à Berlin, Millan a été déportée dans le camp de concentration allemand de Theresienstadt (maintenant situé en République tchèque) en juin 1943, où elle est restée jusqu’à la libération en mai 1945. A tout juste trois ans, elle est arrivée en Angleterre où elle a finalement été adoptée.
Pour le projet patchwork, la petite-fille adolescente de Millan a aidé à concevoir son carré, qui est brodé de fleurs pourpres qui s’entrelacent avec une grande étoile jaune de David. Son nom de naissance, Bela, flotte au sommet et une tête de fille, couverte par une masse de cheveux roux ondulants, s’incline légèrement, son regard fixé sur quelques papillons colorés avec de petits oiseaux au-dessus d’elle.
« [Cela] me représente moi-même comme une jeune fille seule, arrivant dans un pays étrange, a expliqué Millan. La première chose que je me souviens avoir vue en arrivant en Angleterre au printemps est un tapis de violettes ».
Chacun des quatre patchworks fait deux mètres (6 pieds) de haut, avec 156 carrés individuels au total. Exposés ensemble le long d’un mur, ils forment une collection colorée et hypnotisante d’images qui ont été méticuleusement cousues, peintes, photographiées, dessinées ou collées. Chaque carré est un rappel non seulement de familles et de communautés perdues, mais également de la force du groupe, de la survie et de la continuité.
Née en Pologne en 1930, Solly Irving était le seul survivant de sa famille. Son carré dépeint un arbre de vie, avec des feuilles vertes, régénératrices représentant les générations futures de sa famille. Leurs noms sont écrits en hébreu avec de belles lettres dorées, et des feuilles marron portant les noms des membres de sa famille qui sont morts pendant l’Holocauste.
Décrivant le dessin, la fille de Solly, Hazel Irving, a déclaré : « Les feuilles montrent comment, même s’ils ont essayé, l’arbre n’a pas été tué et continue à grandir, depuis mon père [jusqu’à] deux arrière-petit-fils ».
Pour Burton, avec son équipe de volontaires créatifs, qui comprend des designers, des brodeurs et Sheree Charalampous, le projet s’est montré demandeur et intense, puisqu’ils ont vite réalisé que certaines personnes auraient besoin de plus d’aide que prévues. Ils ont donc mis en place des ateliers hebdomadaires de patchworks pour aider les survivants et leurs familles qui luttaient pour traduire leurs idées sur le tissu.
En même temps, ils ont essayé de joindre autant que possible des « Garçons » et de leurs familles autour du monde. Cela aussi a été compliqué, les bases de données de Deuxième génération et la société d’aide ’45 n’étant pas à jour.
Malgré des obstacles considérables, tous les 732 « Garçons » ont été représentés sur ces patchworks. Des cartes d’Allemagne, d’Autriche, de Tchécoslovaquie de Hongrie et de Pologne ont été fabriquées pour inclure les noms de ceux pour qui la seule information était leur lieu de naissance.
La carte d’avant guerre de la Pologne est elle-même une œuvre d’art remarquable, sa forme a été créée avec les 350 noms calligraphiés des « Garçons » polonais. Et pourtant, il y avait encore des noms dont ils ne savaient rien, pas même la date de naissance. Leurs noms ont été cousus sur les bordures des patchworks.
Les patchworks ont été dévoilés en mai à la réunion annuelle pour la libération des « Garçons ». Depuis, ils ont été exposés au festival des patchworks du Royaume-Uni ainsi qu’au centre sur l’Holocauste Beth Shalom de Nottinghamshire.
Un livre, « Le souvenir de la société d’aide ’45 pour les Garçons », a également été édité, qui contient les histoires derrière les pièces de tissus.
Burton espère que les patchworks voyageront dans des musés, des galeries et des synagogues à l’étranger, mais elle tient aussi à ce qu’une demeure permanente leur soit finalement trouvée.
Les patchworks rayonnent de joie et d’énergie, a déclaré Burton, « Ils ont un hommage aux vies que « les Garçons » ont créées. Ils sont une célébration de la vie. »
Memory Quilts: Triumph Over Adversity sera en exposition au musée juif de Londres jusqu’au 5 février 2016.
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