On sait tous ce que vaut Luchini : il nous le montre assez, il nous le fait assez savoir.
Il y a, pour un lecteur, des moments magiques, un miracle qui maintient chaque page au plus haut de l’excellence, où questions et réponses s’entrecroisent dans un dialogue à la fois très courtois, urbain et vigoureux, voire profond.
Jean-Christophe Buisson en face de Fabrice Luchini : un régal.
Pas étonnant, me dira-t-on. Impossible, pour un journaliste de talent, de décevoir avec un tel interlocuteur. On sait tous ce que vaut Luchini : il nous le montre assez, il nous le fait assez savoir.
Culture, finesse d’analyse, ironie bien dosée, curiosité infinie, pas trop de révérence pour le siècle mais sans amertume – elle serait indécente de la part de quelqu’un qui exploite merveilleusement les tares de la modernité –, alacrité intellectuelle avec ce qu’il faut d’éthique, par exemple sa fidélité amicale pour Gérard Depardieu, lucidité, enfin, sur les ridicules contemporains et la comédie sociale.
Il y a tout dans cette personnalité pour que le plus difficile des juges soit comblé. Nous ne sommes pas obligés d’aimer mais nous ne pouvons qu’applaudir l’exercice et l’artiste parce qu’en l’occurrence, l’un et l’autre sont authentiques et sincères.[...]
Si ce dialogue avec Jean-Christophe Buisson est si complet et achevé dans tous les sens du terme, cela tient surtout au fait que le Luchini de l’écrit n’a heureusement rien à voir avec celui de la télévision, le comédien vif et brillant avec sa caricature médiatique proche parfois de l’histrionnisme.
Pour qui est passionné par l’expression et sa technique, la différence fondamentale entre les réponses de Luchini au Figaro Magazine et les numéros de celui-ci ailleurs, notamment un soir au journal de France 2 avec Laurent Delahousse, tient au fait que, dans le premier cas, la quintessence et la justesse du propos sont accueillies, recueillies telles quelles par le lecteur et qu’il n’est pas troublé par le personnage de Luchini qui ferait écran et commettrait un détournement d’attention.
Dans la seconde situation, au contraire, l’expansion de son être, la complaisance avec laquelle il profite de la liberté qu’on lui laisse – dommage, car il est si bon avec les réalisateurs qui le cadrent sans l’étouffer –, le sentiment qu’il a de pouvoir tout dire et de faire n’importe quoi, la vanité subtile et ostensible qui s’empare de lui comme un inévitable poison, prennent toute la place.
Il fait du Luchini de telle sorte qu’étourdis par ce saltimbanque du mot et de la pirouette, nous devenons prisonniers de l’image qu’il nous offre, qu’il nous tend au lieu de l’être par la force et la fiabilité de son discours.[...]
Grâce à Jean-Christophe Buisson et au Luchini impeccablement naturel, on prend de plein fouet ce que cette personne a d’irremplaçable dans l’espace artistique et médiatique, d’abord par son culte de la grande littérature, sa dilection pour le beau langage, son envie de comprendre et d’admirer et sa géniale emprise pour les faire partager.[...]
On reproche si souvent à Luchini d’en faire trop sans que je sois persuadé de la pertinence de cette critique.[...]
En tout cas, Fabrice Luchini, avec Jean-Christophe Buisson, en fait assez et si on n’en redemande pas tout de suite, c’est qu’on a de la nourriture pour longtemps.
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