Rebondissement dans l'affaire Gurlitt. Parmi les cinquante-quatre nouvelles œuvres publiées vendredi , les enquêteurs ont découvert de nombreux dessins et gravures du célèbre auteur du Cri.
Les cinq experts emmenés par l'historien d'art allemand Uwe Hartmann poursuivent l'identification de la collection saisie à Munich chez Cornelius Gurlitt, fils d'un collectionneur proche des nazis.
Reinhard Nemetz le procureur général d'Augsbourg a autorisé la publication sur le site www.lostart.de de 54 nouvelles œuvres litigieuses. On en connaissait déjà 25 parmi les 1 280 placées sous séquestre. Sur ce stock 380 relèvent du critère «art dégénéré». Elles ont été décrochées des musées allemands et vendues légalement ; les nazis ayant promulgué une loi leur donnant ce droit en 1938. Elles resteraient donc à Gurlitt qui, pour l'instant simplement soupçonné de fraude fiscale et de recel, est laissé libre.
690 œuvres pourraient être rendues à Gurlitt
Un deuxième groupe de 310 œuvres serait également au-dessus de tout soupçon puisque acquis avant les années 1930 et faisant partie du fonds familial. Elles pourraient lui être partiellement rendue. Demeure un soupçon pour 590 autres. Il faut connaître les réclamants, et c'est pour cela qu'ils sont progressivement publiés.
Parmi les 54 qui sont désormais précisément décrites, on remarque pas moins de dix-sept dessins, gravures et lithographies d'Edvard Munch (l'auteur du «Cri») dont un portrait du dramaturge August Strindberg. Également une majorité de Max Liebermann, ce grand impressionniste allemand dont une huile - Cavaliers sur la plage exécutée en 1901 avait déjà été repérée dans le stock Gurlitt. Dans les cartons de Cornelius Gurlitt, il est l'auteur de paysages et de vues urbaines ainsi que d'illustrations pour un recueil de poésies de Goethe. Autrement des nom nouveaux étoffe la collection. Apparaissent ceux de Bonaventura Genelli, Carl Spitzweg ou encore de Ludwig Godenschweg après ceux de Matisse, Daumier, Canaletto, Franz Marc ou Otto Dix (pour une toile, deux aquarelles et un dessin).
À propos de ce dernier, Nana Dix, la petite-fille du peintre allemand s'est exprimée sur l'affaire. Elle juge «scandaleuse» l'attitude de Berlin dans le dossier des spoliations du troisième Reich. «L'Allemagne, d'une façon générale, ne s'est jamais penchée sur le problème des œuvres d'art confisquées par les nazis. Elle aurait dû le faire bien plus tôt, dès l'après-guerre», estime-t-elle dans un entretien à l'Agence France Presse.
«Cela ne s'est pas produit et maintenant cela éclate, et c'est un immense scandale», ajoute cette artiste munichoise, dont le grand-père, grand pacifiste, fut persécuté par les nazis, qui considéraient ses œuvres comme «dégénérées». Cet expressionniste avait largement puisé dans ses atroces souvenirs de la Première Guerre mondiale, une expérience qualifiée de «bestiale» et «hideuse» ce qui n'était évidemment pas en phase avec l'idéologie du reich.
Pour Nana Dix, les autorités devraient publier les photos de toutes les œuvres retrouvées chez Cornelius Gurlitt. «Les familles d'ayants droit pourraient les regarder. Et cela faciliterait peut-être le travail de recherche. Car c'est un vrai puzzle», dit-elle, estimant que la justice avait beaucoup trop tardé à informer le public.
«Cornelius Gurlitt ne doit pas avoir mené une vie très heureuse.»
«De mon grand-père, je connaissais La vieille dame au chapeau. J'ignorais l'existence des trois autres, un autoportrait, et les deux aquarelles: La dame dans une loge et La dompteuse», déclare Nana Dix, qui avait sept ans à la mort de son grand-père en juillet 1969.
«Je me suis réjouis quand j'ai appris leur découverte. Cela fait naturellement plaisir, de savoir qu'elles n'ont pas été détruites ou brûlées, raconte-t-elle. D'un autre côté, un sentiment bizarre m'a envahi. De savoir que pendant des années, ces œuvres ont été cachées chez Cornelius Gurlitt qui vivait dans le mensonge. Cet homme ne doit pas avoir mené une vie très heureuse.»
Et cette découverte a été pour Nana Dix d'autant plus étrange qu'elle demeure à moins d'un kilomètre de l'immeuble où vivait Cornelius Gurlitt.
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