« Pour un jeune homme de 21 ans comme moi, qui était loin d'avoir son avenir clair, Kennedy c'était l'espoir »
Maurice Lévy: «Aux États-Unis tout semblait possible et, avec Kennedy, c'était encore plus possible»
En 1963, le PDG de Publicis Group, avait 21 ans. «Le 22 novembre 1963, j'étais sur un nuage. Mon premier fils, Alain, était né la veille à Casablanca. Je n'ai pas écouté la radio, je n'ai parlé à personne: je vivais dans ma bulle. Le monde se limitait à ma femme - j'avais failli tourner de l'œil pendant l'accouchement et les infirmières m'avaient mis dehors - et à mon fils, qui braillait et que je tenais maladroitement à bout de bras. Ce n'est que le lendemain matin, le samedi, en allant à la clinique, que j'ai dû apprendre la nouvelle en découvrant la une de La Vigie marocaine. J'étais assommé.
Pour un jeune homme de 21 ans comme moi, qui était loin d'avoir son avenir clair, Kennedy c'était l'espoir. À cette époque, je ne savais pas s'il était un grand président ou pas, mais il était jeune, séduisant, plein d'idées. Il avait, par exemple, lancé ses «Volontaires pour la paix». Son assassinat, c'était comme si le monde s'arrêtait. Les questions se bousculaient dans ma tête: «Que va-t-il se passer si on tue le président des États-Unis?» On était quand même en pleine guerre froide.
Non seulement le président, mais aussi toute la famille Kennedy fascinaient. Plus récemment, Barack Obama a suscité le même engouement, mais pendant moins longtemps. Kennedy paraissait beaucoup plus moderne que la classe politique française. Il portait l'espoir, la modernité: avec lui, un monde neuf s'ouvrait. L'Amérique des années 1960 était triomphante. On était encore loin des «affaires», des restructurations, du «règne» de la finance. Le «rêve américain» avait un sens: ce n'était pas seulement Hollywood, mais aussi le business. Là-bas, tout semblait possible et, avec Kennedy, encore plus possible. On avait cette image d'Épinal d'un président qui incarnait la modernité et même plus, le futur…
En 1963, Maurice Lévy, aujourd'hui PDG de Publicis Groupe, avait 21 ans. Jacques Attali était élève à Polytechnique. Charles Rivkin, futur ambassadeur des États-Unis en France (2009-2013), vivait au Luxembourg où son père avait été nommé ambassadeur par John Kennedy. Les trois hommes se souviennent pour Le Figaro de ce 22 novembre 1963.En 1963, le futur « sherpa » de François Mitterrand, avait 20 ans et était élève à Polytechnique.
«Le 22 novembre 1963, j'étais sur un nuage. Mon premier fils, Alain, était né la veille à Casablanca. Je n'ai pas écouté la radio, je n'ai parlé à personne: je vivais dans ma bulle. Le monde se limitait à ma femme - j'avais failli tourner de l'œil pendant l'accouchement et les infirmières m'avaient mis dehors - et à mon fils, qui braillait et que je tenais maladroitement à bout de bras. Ce n'est que le lendemain matin, le samedi, en allant à la clinique, que j'ai dû apprendre la nouvelle en découvrant la une de La Vigie marocaine. J'étais assommé.
Pour un jeune homme de 21 ans comme moi, qui était loin d'avoir son avenir clair, Kennedy c'était l'espoir. À cette époque, je ne savais pas s'il était un grand président ou pas, mais il était jeune, séduisant, plein d'idées. Il avait, par exemple, lancé ses «Volontaires pour la paix». Son assassinat, c'était comme si le monde s'arrêtait. Les questions se bousculaient dans ma tête: «Que va-t-il se passer si on tue le président des États-Unis?» On était quand même en pleine guerre froide.
Non seulement le président mais aussi toute la famille Kennedy fascinaient. Plus récemment,Barack Obama a suscité le même engouement mais pendant moins longtemps. Kennedy paraissait beaucoup plus moderne que la classe politique française. Il portait l'espoir, la modernité: avec lui, un monde neuf s'ouvrait. L'Amérique des années 1960 était triomphante. On était encore loin des «affaires», des restructurations, du «règne» de la finance. Le «rêve américain» avait un sens: ce n'était pas seulement Hollywood mais aussi le business. Là-bas, tout semblait possible et, avec Kennedy, encore plus possible. On avait cette image d'Épinal d'un président qui incarnait la modernité et même plus, le futur.
Après le traumatisme provoqué par les spoutniks soviétiques, premiers engins spatiaux, il avait réagi en promettant: «Nous allons marcher sur la Lune»! La bagarre entre les Russes et les Américains était intense. Deux mondes s'opposaient, y compris physiquement. D'un côté, vous aviezKhrouchtchev tapant avec sa chaussure à l'ONU, de l'autre, Kennedy et son image glamour. Le tout séparé par le Rideau de fer.
À cette époque, je “mangeais États-Unis” dès le petit déjeuner et je n'étais pas le seul. Je dévorais tout ce qui parlait de l'Amérique - livres, journaux, films - et je parlais remarquablement bien anglais… avec un accent épouvantable! Mais, comme on disait aussi: “C'était loin l'Amérique”… Je n'allais découvrir les États-Unis que plus tard, en 1965, grâce à une bourse d'études qui me permit d'aller étudier à l'université du New Jersey.
Quant à l'attentat de Dallas, j'ai toujours pensé qu'il était inconcevable que Lee Harvey Oswald ait pu faire cela tout seul. Oswald, tué par Jack Ruby… tout cela paraissait tellement extravagant. J'ai enquêté comme tout le monde, j'ai tout suivi, la commission Warren, etc. Mais je n'ai jamais vraiment pu croire à la version officielle.»
Jacques Attali: «Une star qui nous faisait sortir du monde d'avant»
En 1963, le futur «sherpa» de François Mitterrand avait 20 ans et était élève à Polytechnique.
«Je venais de rentrer à Polytechnique et, ce vendredi soir-là, j'avais décidé de ne pas aller au ciné-club de l'école mais de rester travailler dans ma chambre. Lorsque j'ai appris la nouvelle, en écoutant Europe 1, je suis descendu et j'ai fait interrompre la projection du film. J'ai pris la parole et ainsi annoncé à la plupart des élèves, bouleversés, l'attentat. Je n'en ai vu les images qu'en rentrant chez moi, le lendemain.
Kennedy était une star qui nous faisait sortir du «monde d'avant». Le président précédent, Eisenhower, un général, était un homme de la guerre. On tournait la page de la Deuxième Guerre mondiale mais on entrait aussi dans celle de la guerre froide dont on a vraiment pris conscience avec la crise des missiles de Cuba en 1962. J'avais été extrêmement marqué par cette crise. Je me souviens m'être levé un matin et m'être dit: «Ce soir, peut-être que je ne rentrerai pas, peut-être que nous serons tous morts.» L'année 1963 marque aussi le début du «printemps occidental», de l'essor de la musique américaine et anglaise, des Rolling Stones et des Beatles.Les gens de gauche dont j'étais pensaient que les États-Unis allaient dans la bonne direction. Nous n'avions aucune raison de ne pas aimer l'Amérique.
La guerre de Corée, lointaine, n'avait été qu'un prolongement du deuxième conflit mondial, celle du Vietnam n'était pas encore entrée dans sa phase d'enlisement, la lutte pour les droits civiques était engagée. Les États-Unis de Kennedy, c'était, pour nous jeunesse corsetée dont les parents assistaient encore aux surprises-parties, la libération des mœurs… Une partie des élèves de Polytechnique ne rêvaient que d'une chose: aller continuer leurs études outre-Atlantique. Pour ma part, j'y suis allé pour la première fois en 1968, à l'occasion d'un stage dans une banque française, mais je suis rentré à Paris le 1er mai… pour partir aussitôt faire mon stage de l'ENA en préfecture, dans la Nièvre. John Kennedy était considéré comme un homme de gauche, très sympathique, bien qu'il ait été fabriqué par son père pour devenir un homme d'État.
Son adversaire lors de la campagne de 1960, Richard Nixon était, à l'inverse, un personnage antipathique, mal rasé. Mais, le vrai «cerveau», c'était Robert, le frère de John, dont on savait déjà qu'il avait joué un rôle déterminant dans la gestion de la crise des missiles. Ministre de la Justice, il avait engagé la lutte contre la mafia avec laquelle son père avait pourtant entretenu des liens. S'il n'avait pas été assassiné, il aurait fait un très grand président. La campagne Robert Kennedy-Richard Nixon, que le premier aurait gagnée, c'est le combat qui manque à l'Histoire.
On aurait eu une tout autre Amérique. Je n'ai pas d'opinion tranchée sur l'attentat. Acte isolé de Lee Harvey Oswald? Complot? Les deux thèses sont convaincantes, même si celle de la mafia n'a jamais été confortée par des éléments tangibles. Mais l'assassinat, en 1968, de Robert Kennedy, qui pouvait devenir président, donnait du sens à cette responsabilité de la mafia. Pour autant, je penche pour l'acte d'un farfelu.
Je n'ai pas souvenir d'en avoir plus tard parlé avec François Mitterrand. En revanche, j'ai évoqué la question avec tous les conseillers à la sécurité de la Maison-Blanche que j'ai successivement connus. Aucun ne m'a dit qu'une piste solide venait contredire la version officielle.»
Charles Rivkin: «Pour ma naissance, Robert, le frère de John, avait envoyé un télégramme à mes parents»
En 1963, le futur ambassadeur des Etats-Unis en France (2009-2013) vivait au Luxembourg, où son père avait été nommé ambassadeur par John F. Kennedy.
«Quand un leader mondial comme John Fitzgerald Kennedy, jeune et dynamique, est assassiné, l'impact est forcément immense. Il fut président pendant seulement trois ans mais on peut dire qu'il inspira le monde. Mon père avait été nommé par lui ambassadeur au Luxembourg. En 1965, quand il quitta son poste, il prononça un discours enjoignant ses enfants - j'avais à peine 3 ans - et toutes les générations futures à se comporter comme le président Kennedy. J'ai gardé l'original de ce discours. Ma famille était liée aux Kennedy. Pour ma naissance, Robert Kennedy, alors ministre de la Justice, avait envoyé un télégramme de félicitations à mes parents leur disant que ma place était réservée dans la «Kennedy family touch football», l'équipe du «clan» qui pratiquait cette variante du rugby, notamment dans sa résidence de Hyannis Port, en Nouvelle-Angleterre. Je n'y ai malheureusement jamais participé… mais j'ai conservé le télégramme qui, mis sous cadre, figure toujours en bonne place dans mon bureau. Comme tout un chacun, j'aimerais en savoir davantage sur ce qui s'est passé le 22 novembre 1963 à Dallas, mais je n'ai pas d'autres éléments que ce que j'ai lu dans les livres ou vu dans les films.»
CRIF
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