vendredi 22 novembre 2013

Raymond Depardon, Brassaï, Anders Petersen : les expos photos à voir à Paris...


Les clichés couleur inédits de Depardon au Grand Palais, la première rétrospective du Suédois Anders Petersen à la BnF et Brassaï, l'amoureux d'un Paris nocturne, à l'Hôtel de Ville : trois expos photos à voir.
«La couleur est la métaphore de la curiosité.» À l’aide de cette simple définition, Depardon résume l’accrochage de ses 160 photographies en couleurs au Grand Palais, qui nous transportent à Glasgow et en Éthiopie, dans un Beyrouth en guerre et chez des touaregs maliens réfugiés en Algérie. On croise aussi une  Édith Piaf méconnaissable, des indiennes yanomami d’Amazonie et deux Chiliennes qui mangent une glace, vêtues de pulls et pantalons tricotés de laine jaune. Il ne s’agit pas que du témoignage, majoritairement de jeunesse, d’un photo-reporter qui a commencé sa carrière à 16 ans en montant à Paris, couvert la guerre du Viêt Nam et créé l’agence Gamma. 
On s’immisce avec bonheur dans la relation amoureuse qui lie Depardon à la couleur, élément chéri de son œuvre, amante qu’il découvre en 1984 dans la ferme familiale du Garet. C’est là qu’il photographie, dans cet endroit qui devait être amputé pour construire une autoroute, le tracteur rouge de son frère et la mobylette bleue de sa nièce. «Tout à coup, la couleur m’est apparue comme une évidence», explique-t-il. Il la quitte pour revenir au noir et blanc, avant de la retrouver dans les années 2000 grâce aux commandes de la Fondation Cartier
Des retrouvailles teintées de plaisir. Le «moment si doux», c’est le nom qu’il avait étiqueté sur une boîte qui contenait des photos couleur prises en Bolivie, en Argentine et en Équateur. C’est aussi cet agréable voyage d’un continent à l’autre, où l’on se surprend à éprouver de la nostalgie devant des clichés personnels, jusque-là restés inédits. Comme une caresse, Depardon nous dévoile l’art du bigarré.
 Jusqu'au 10 février 2014 au Grand Palais. Tous les jours de 10h à 20h, sauf le mardi, nocturnes jusqu’à 22h le mercredi. 11€, tarif réduit 8€
© Raymond Depardon Magnum PhotosRaymond Depardon, Beyrouth, Liban, 1978. 34x51 cm, © Raymond Depardon Magnum Photos
Des femmes, des hommes, des ados, des adultes. Ils boivent, ils chantent, ils parlent, ils font l’amour, ils rient à gorge déployée. Les modèles d’ Anders Petersen, approchés au fil de ses voyages et de ses rencontres ont ce trop plein d’énergie, cet enthousiasme d’être en vie qui les font invariablement sortir du cadre. On entend presque, au cœur de la BnF, le bruissement de leur vêtements et le timbre généreux de leurs voix. Le photographe suédois, qui a désormais presque 60 ans et parle de son travail avec une générosité communicative, l’admet sans détour: son œuvre est le fruit de rencontres et de hasards. 
Pour sa  première rétrospective à la BnF, Petersen expose 330 photos, dont certaines sont inédites, développées sur plusieurs formats (épreuves au sel d’argent, tirages d’époque, impressions numériques de grand format). Le parcours commence par ses séries «Roma» (2012) et «Reggio Emilia» (2012) et se termine par «Café Lehmitz» (1970), son œuvre la plus célèbre. Une série de photos prises par l’artiste dans un café de Hambourg, devant laquelle le spectateur fait la connaissance d’ouvriers, de serveurs, de prostituées, dans une valse de mains, de langues, de jambes et de corps. Un défilé de freaks dont l’une des pièces (Lilly and Rose) a servi à illustrer  la pochette du célèbre «Rain Dogs» de Tom Waits (1985). 
Le fil rouge de toutes ces photos? Petersen lui-même. Il a beau photographier des femmes et des hommes de toutes morphologies et origines, des chiens et des chats, son regard est le lien entre toutes ses œuvres. «Derrière toutes ces photos, il y a un homme. Un homme timide, mais enthousiaste, quelqu’un qui a envie de fusionner avec ces gens qu’il photographie. Mes photographies posent des questions mais ne cherchent pas de réponses», commente l’artiste. Il continue : «Pour faire ce travail, il faut être assez faible pour sentir, compatir, et il faut aussi être un peu fou.» La formule d’une œuvre passionnante.
 Jusqu’au 2 février 2014 à la BnF, site Richelieu. Du mardi au samedi de 10h à 19h, dimanche de 12h à 19h. 7€, tarif réduit 5€
Après  Doisneau, Izis et Willy Ronis, l’Hôtel de Ville accueille un autre photographe de Paris, le français d’origine hongroise Brassaï (1899-1984). Encore un amoureux de la Ville Lumière, que paradoxalement, il aimait surtout de nuit. Si l’entrée en matière se fait avec des clichés qui suggèrent la Belle-Époque de son enfance, courses Longchamp et enfants en culottes courtes au jardin du Luxembourg,  l’exposition privilégie  le regard de Brassaï sur les personnages nocturnes. 
Des voyous («Les Mauvais Garçons», 1932, «Pour un roman policier», 1931), des prostituées (les clichés «chez Suzy») et les habitués des cafés musettes, de «vrais noctambules, ceux qui appartiennent au monde du plaisir, de l’amour, du vice, du crime et de la drogue.» Les sources de lumière de l’artiste sont les becs de gaz, les phares de voiture ou les cigarettes, les mêmes qu’il utilisait dès 1929 lorsqu’il décida de sauver de l’oubli les graffiti qui le fascinaient sur les murs parisiens. Brassaï, qui multipliait aussi bien les vues des Halles à 2 heures du matin que les nus féminins et les danseuses des Folies-Bergère, considérait que la photographie permet de «débarrasser la vision de cette couche d’habitudes et de préjugés qui l’a encrassée.»  
Cette vision séduisit Picasso, qui l’invita à photographier ses ateliers et partagea avec lui un intérêt pour le cirque Médrano, dont les clowns et funambules les inspiraient pour dépeindre le caractère illusoire du monde. Parfois rieurs, parfois tristes ou énigmatiques, les sujets de Brassaï répondent bien à la  jolie formule de Prévert, «beauté dans le sinistre», qui qualifiait le mystère de la nuit.
Jusqu'au 8 mars 2014 à l'Hôtel de Ville de Paris. Du lundi au samedi de 10h à 19h. Gratuit
À la une : Raymond Depardon, Salon du camping, Porte de Vincennes, 1960. 25x25cm © Raymond Depardon Magnum Photos

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