mardi 26 novembre 2013

Nos médecins figurent parmi les meilleurs au monde....


L'Hexagone regorge de praticiens d'exception. Dommage qu’ils ne soient pas plus accessibles.

Dans son malheur, on peut dire qu’elle a eu de la chance. Atteinte d’un cancer du sein, cette Normande de 35 ans devait se faire opérer fin septembre dans un CHU de sa région. Mais pour obtenir un deuxième avis auprès d’une grosse pointure médicale, elle s’est rendue cet été à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif, en région parisienne. «Votre tumeur est de type triple négatif à développement rapide, lui a tout de suite fait savoir Marc Spielmann, le cancérologue qui l’a reçue. Il faut la faire enlever au plus vite.» La jeune femme est passée sur le billard en urgence la semaine suivante. «Si elle avait attendu plus longtemps, ses chances de survie auraient été bien plus ­réduites», assure le spécialiste.
Décidément, s’il y a un ­domaine dans lequel on n’est pas tous égaux, c’est bien celui de la santé. Question d’argent, bien sûr. Mais aussi de carnet d’adresses. Lorsqu’on n’a d’au­tres contacts parmi les blou­ses blanches que son médecin de famille, comment savoir à quelle porte frapper pour soigner un cancer du sein, se faire enlever la prostate ou réaliser un pontage coronarien ? Le palmarès exclusif des meilleurs médecins de France que nous publions ici ­devrait vous permettre d’y voir plus clair. Réalisé par le docteur Maurice Soustiel, fondateur de SOmedical.com (seconde opinion médicale), un site qui oriente les patients vers les professionnels reconnus, ce classement ne distingue pas les établissements, comme c’est habituellement le cas, mais les praticiens d’exception, pour trente des ­pathologies les plus courantes. Et le résultat est plutôt étonnant.
Premier constat : les deux tiers de ces ténors n’officient pas à Paris, mais en province, et la moitié d’entre eux seulement dans des centres hospitalo-­universitaires (CHU). Pour un bon tiers, ce ne sont d’ailleurs pas des professeurs des universités, mais de simples docteurs, qui ne font pas de recherche. Les mandarins ne sont pas toujours ceux que l’on croit…
Seconde surprise, comparés à leurs homologues étrangers, les spécialistes français sont loin d’être des seconds bistouris ! Dans de nombreux domaines, ils se retrouvent aux premières places mondiales, à peu près à égalité avec leurs confrères américains et loin devant les ­Allemands ou les Britanniques. C’est le cas notamment pour la pose de stents ou la chirurgie de la colonne vertébrale. «Ce résultat n’est pas surprenant, car nos médecins ont été des pionniers dans de nombreux domaines», décrypte Maurice Soustiel. La French touch est d’ailleurs si reconnue sur la planète que des milliers de blouses blanches viennent de partout pour se former dans l’Hexagone.
L’ennui, c’est que l’excellence de nos professionnels – le niveau moyen des médecins tricolores est, dans l’ensemble, très élevé – ne profite pas à tous. D’abord parce que l’accès à notre système de santé est de plus en plus inégalitaire. Certes, les services d’urgence restent ouverts à tous les patients, et les plus démunis peuvent très bien passer entre les mains de grands chirurgiens dans les hôpitaux publics. Mais selon le cabinet Jalma, 37% de nos compatriotes jugeaient difficile l’accès aux soins en 2012, contre 32% un an plus tôt. «Contrairement à ce que l’on croit, la France est aujourd’hui le pays d’Europe de l’Ouest le plus inégalitaire en matière de santé», pointe Claude Leicher, le président du principal syndicat de généralistes, MG France.
Il faut dire que les dépassements d’honoraires – qui ne sont pas remboursés par la Sécu et seulement en partie par les mutuelles – y sont devenus monnaie courante. D’après les derniers chiffres disponibles, 86% des chirurgiens, 77% des gynécologues et 60% des ophtalmologistes en facturent et, dans certaines régions comme l’Ile-de-France, Paca ou Rhône-Alpes, les taux sont encore bien supérieurs. A Paris, il est aujour­d’hui quasiment impossible de trouver un spécialiste de secteur 1 au tarif de la Sécu.
L’hôpital public n’échappe pas au phénomène. Pour éviter une fuite des meilleurs vers les cliniques, le gouvernement permet en effet aux praticiens hospitaliers de consacrer 20% de leur temps à une activité libérale dite «privée», et d’appliquer les prix qu’ils veulent. La plupart des grands pontes ne s’en privent pas. Résultat : un système à deux vitesses, avec d’un côté des consultations ou des interventions remboursées mais des délais d’attente de ­plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, et de l’autre des dépassements pouvant atteindre des centaines d’euros et quasiment pas de file d’attente. «Les abus, même s’ils sont peu nombreux et émanent d’une minorité, pervertissent le système», reconnaît le dernier rapport sur le sujet remis à la ministre de la Santé, Marisol Touraine.
Au reste, dans de nombreux départements, sortir son portefeuille ne suffit pas à raccourcir les délais d’attente. Car non seulement certaines spécialités manquent de bras, mais les ­médecins – qui, rappelons-le, peuvent s’installer où ils veulent – sont très mal répartis sur le territoire. Ainsi, alors que l’Eure ne compte que 172 praticiens pour 100 000 habitants, Paris en abrite plus de 800 ! Le phénomène de pénurie ne concerne pas que la campagne, il touche les grandes agglomérations (lire l’interview de Claude Leicher. Et les choses ne sont pas près de s’améliorer, car, ­selon les derniers chiffres du Conseil de l’ordre, près d’un quart des praticiens français ont plus de 60 ans…
Les patients sont aussi victimes de l’hétérogénéité des ­pratiques médicales. Car tous les docteurs ne travaillent pas de la même façon, loin s’en faut. «C’est l’un des plus gros problè­mes ­aujourd’hui», assure Jean de Kervasdoué, économiste au Conservatoire national des arts et métiers. En chirurgie par exemple, certains ont la main bien plus lourde que d’autres : pour une même pathologie, les taux d’intervention varient de 1 à 4 selon les régions ! Manifes­tement, bon nombre de pro­fessionnels n’hésitent pas à opérer sans nécessité…
Les chirurgiens n’ont pas non plus tous la même dextérité. Plus un geste est répété, mieux il est (a priori) rodé. Or le nombre d’opérations effectuées au quotidien oscille de 1 à 10 selon les blouses blan­ches. Et la présence d’un robot, qui permet une opération moins invasive, n’y change rien. «Si ­l’intervenant est mauvais, il reste mauvais avec la machine !», assure David Douglass, un ancien d’Intuitive Surgical, une société américaine leader sur le marché du robot médical. Surtout s’il laisse passer un peu trop de temps entre sa formation et sa première intervention assistée par ordinateur…«Au total, on peut estimer que 80% des professionnels ne sont pas au top», avance Bertrand Guil­lonneau, chef du service d’urologie aux Diaconesses, à Paris, qui a passé dix ans à New York. Selon lui, la solution pour remonter le niveau serait de créer un système d’évaluation.
Pour ne rien arranger, les moyens techniques divergent énormément d’un centre de soins à l’autre. Prenons par exemple la neurochirurgie. Si la Pitié-Salpêtrière, à Paris, dispose d’un plateau technique ultramo­der­ne, c’est loin d’être le cas partout. «La majorité des établissements ­offrent un matériel moins performant», constate Maurice Soustiel. Tout simplement parce que les services de neurochirurgie sont trop nombreux pour prétendre rester au top ­niveau mondial. «Pour maintenir une exigence de qualité, il faudrait regrouper les compétences et non les disperser sur l’ensemble de l’Hexagone.» Idem pour les centres de radiothérapie, qui accueillent les ­patients atteints d’un cancer. Pionnier dans ce domaine, notre pays ne dispose aujourd’hui que d’un tout petit nombre de structures de pointe, malgré de récents efforts. Le Centre Oscar-Lambret, à Lille, est ainsi l’un des très rares à ­posséder un Gamma Knife et un Cyberknife, qui permettent de limiter le nombre de séances de radiothérapie.
Au total, le tableau n’est pas très rassurant : «Les conditions de sécurité et de qualité ne sont pas toujours réunies dans les blocs opératoires», reconnaît Guy Vallancien, chef du service urologie à l’Institut Montsouris, à Paris, et président de l’Ecole européenne de chirurgie. Il faut dire que, sur les 110 salles d’opération qu’il recommandait de fermer pour cause ­d’activité insuffisante en 2006, seule une trentaine l’ont été.
Ces Français qui partent à l’étranger…
Spécialiste en ­cardiopathie congénitale, François Lacour-Gayet est ­aujourd’hui l’un des chirurgiens les plus reconnus dans son domaine. Malheureusement, après avoir pratiqué pendant près de vingt ans à l’hôpital Marie Lannelongue, en ­région parisienne, il opère aujourd’hui à… New York. «J’en avais ­assez de travailler comme un fou sans reconnaissance ­financière ni promotion en vue», soupire le ­mandarin. Autre ­cardiologue de renom, Didier Loulmet, qui a participé à l’une des premières opérations à cœur ouvert assistée par ordinateur en 1998, est également parti s’installer aux Etats-Unis. Des dizaines d’autres de nos as du bistouri ont ­choisi eux aussi de s’exiler. Ils auraient tort de se priver : de l’autre côté des frontières, on leur ­déroule le tapis rouge. «Tous les jours, je m’étonne des moyens qu’on m’accorde pour ­travailler», lance ­Olivier Rixe, un chirurgien du rein installé dans le sud des Etats-Unis, à Augusta. Pour lui, les tâches administratives et les ­querelles de baronnies ne sont plus que des mauvais souvenirs. «Je peux me concentrer sur l’essentiel : la ­recherche et les malades.»

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