vendredi 1 novembre 2013

Mais que diable font les États-Unis au Proche-Orient ?


Suivre les méandres de la politique américaine dans notre région est devenu un exercice de divination plutôt que d’analyse rationnelle.

Assurément, tout n’est pas de la faute de Washington. La vague révolutionnaire qui a balayé le Maghreb et le Machrek était par définition imprévisible, tout comme les soubresauts qui s’en sont suivis. 

Concilier des principes contradictoires, comme l’exigence de la démocratie et la quête de stabilité, gérer des situations volatiles où la volonté des peuples est tout sauf évidente tout en se gardant de toute ingérence trop visible dans les affaires intérieures d’États souverains, sauvegarder les intérêts stratégiques des États-Unis et de leurs alliés dans une région où les lignes de force sont mouvantes au point d’être devenues illisibles, ce sont là des conditions peu propices à la définition d’une politique cohérente et efficace.

Il n’empêche, les prises de position et agissements de l’administration Obama laissent une impression pénible d’improvisation brouillonne et impuissante. Dans les mots polis de Turki al-Fayçal, l’ancien patron des services saoudiens, « Washington est incapable de concevoir une politique cohérente et compréhensible à l’égard de situations particulières. » Ainsi en Syrie, où son soutien à l’Armée libre est resté purement verbal, et ses « lignes rouges » se sont affaissées les unes après les autres. 

L’utilisation par le régime d’Assad de l’arme chimique était censée lui valoir les foudres américaines. Elle a eu le résultat opposé : c’est elle qui a permis au despote de Damas d’acquérir une nouvelle légitimité et de se poser en interlocuteur incontournable, le Secrétaire d’État John Kerry allant jusqu’à le féliciter de sa coopération dans le démantèlement de son arsenal chimique. Mieux, en décidant de porter l’affaire devant le Congrès, alors que la Constitution ne l’y obligeait pas, Obama s’est volontairement lié les mains et a ridiculisé au passage ses alliés, au premier rang desquels la France…
Si l’on peut comprendre, sinon justifier, ses volte-face en Syrie – hostilité de l’opinion américaine à une nouvelle aventure militaire, opposition systématique au Congrès, incertitude des buts de guerre comme des résultats -, en Egypte, la politique américaine a atteint des sommets d’incompétence. Réussir à passer pour favorable aux Frères musulmans aux yeux de leurs adversaires et complice des militaires aux yeux des Frères musulmans, voilà qui s’apparente à un véritable exploit. Il aurait fallu prendre acte de la victoire de ces derniers dans les urnes, comme de leur renversement par l’armée sous la pression populaire, et, dans les deux cas, accompagner du mieux des événements sur lesquels une puissance étrangère, fût-ce l’Amérique, n’a pas de prise. 
On a choisi d’y prêcher la démocratie, ce qui est inutile en tout temps, et carrément absurde en plein tsunami révolutionnaire. Pis, après avoir refusé de qualifier de coup d’Etat militaire le renversement en juillet dernier du président élu Morsi, la loi américaine interdisant toute aide à un régime issu d’un coup d’Etat, on a tout de même puni ce dernier en lui retirant une partie de son assistance militaire – une demi-mesure propre à rendre furieux l’armée et les Egyptiens, nombreux, qui les soutiennent, mais impuissante à peser sur leur politique.
Certes, que les Etats du golfe et Israël ne se montrent pas enthousiastes à l’égard du rapprochement inattendu entre Washington et Téhéran n’est pas une preuve que cette politique soit fausse en son principe. Encore faudrait-il que cette politique ne fût pas conçue à partir d’une position de faiblesse et d’indécision chroniques. Certes encore, les Etats-Unis restent une très grande puissance, et aucun de leurs amis, dans la région comme ailleurs, n’a d’alliés de rechange. 
Mais leurs adversaires commencent à en avoir. A la mi-octobre, à la faveur de l’absurde crise du shutdown, le président chinois Xi Jinping et son collègue russe Vladimir Poutine ont paradé sans rivaux au sommet de l’Asia-Pacific Economic Cooperation (APEC), à Bali, où la réorientation tant claironnée de la politique américaine vers l’Asie était censée se manifester avec éclat. Et, à la faveur de la crise syrienne, la Russie a opéré un retour spectaculaire dans la région. La voici réinstallée en interlocuteur unique des Etats-Unis, comme au temps glorieux de la guerre froide, capable de lui damer le pion à Damas comme au Caire.
Obama comprend-il que son seul moyen de redorer son blason serait de conduire à bon port les négociations israélo-palestiniennes ? Il lui reste six petits mois pour le prouver.

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