En France, plus de 2 millions d'adolescentes sont vaccinées préventivement contre le cancer du col de l'utérus.
Dangereux ou pas? Efficace ou inutile? L'Express vous aide à décrypter les enjeux de "l'affaire Gardasil"
Quel est l'intérêt de ce vaccin?
Le cancer du col de l'utérus touche environ 3000 femmes supplémentaires chaque année en France. Au total, 1000 femmes en meurent chaque année, et de nombreuses autres en subissent des conséquences graves (infertilité, lésions multiples, ablation de l'utérus, voire de la vessie ou du rectum).
Les deux vaccins actuellement commercialisés en France (le Gardasil et le Cevarix) concernent les deux formes les plus fréquentes de ce cancer: le HPV16 et le HPV18. Il faut en outre rappeler que ces deux formes de HPV sont impliquées dans 80% des cancers du vagin et de la vulve, et de 93% pour le cancer de l'anus, selon un rapport du Haut Comité de Santé Publique (HCSP) d'octobre 2011.
Il est bien entendu impossible de démontrer scientifiquement l'efficacité du vaccin, puisque ce dernier a été mis sur le marché en 2006, alors que le délai moyen entre une infection à HPV et la survenue d'un cancer est de 15 ans environ. Toutefois, différentes études internationales indiquent une efficacité certaine: avec un recul de 4 ans, celle-ci s'établit à 98,2%. En outre, l'incidence a été divisée par 2 chez les jeunes filles vaccinées en Australie.
A quand remontent les premières interrogations?
Très vite, les ligues anti-vaccinales sont montées au créneau, en raison à la fois du manque de recul sur ces deux vaccins et de l'âge précoce de recommandation de la vaccination. Par ailleurs des médecins, emmenés par le Dr De Chazournes écrivaient, dès juin 2011, une lettre ouverte au ministre de la santé d'alors, Xavier Bertrand, dans laquelle ils s'alarmaient de la campagne des pouvoirs publics en faveur de la vaccination fondée, selon eux, sur "une peur injustifiée". Dès cette époque aussi, des plaintes auraient été déposées auprès de différentes Commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CRCI) par de jeunes filles et leurs parents.
"Jamais un vaccin n'a été étudié avec autant d'attention", tempère le Pr Jean Levèque, chef de service de gynécologie au CHU de Rennes (1): plus de 50 000 patientes rien qu'en France.
De son côté, le HCSP analysait, dans son rapport de 2011, les données pharmacologiques disponibles pour l'Hexagone à cette date là. Il en ressort un taux de "2 à 4 cas toute gravité confondue pour 10 000 doses vaccinales", "7 à 8 cas graves" pour 100 000 doses, et "14 cas pour 100 000 " de maladies auto-immunes, soit un taux "inférieur" à ce qui est attendu dans la population générale.
Un lien de causalité a-t-il été établi entre le vaccin et ces effets secondaires?
Oui, affirme l'avocat de la plaignante. Non, rétorque le président du Comité technique de vaccination (CTV), Daniel Floret. Quant à la CRCI de la région Aquitaine, saisie de la question, elle répond "Oui... et non !". Allez donc vous y retrouver. Explication.
Pour l'avocat, Maitre Jean-Christophe Coubris, le diagnostic de sclérose en plaque a été "rapidement posé", a-t-il expliqué à l'AFP. D'où une plainte pour "atteinte involontaire à l'intégrité de la personne humaine" contre le laboratoire, doublée d'une autre plainte contre l'Agence du médicament (ANSM) pour "violation d'une obligation manifeste de sécurité et méconnaissance des principes de précaution et de prévention".
Interrogé par L'Express, le président du CTV, Daniel Floret, estime lui que le lien entre le vaccin et l'apparition d'une éventuelle maladie auto-immune est "uniquement temporel, en aucun cas causal". "Toutes les données scientifiques actuelles vont dans le même sens, ajoute-t-il: aucun lien n'a jamais été établi entre ces deux événements, que ce soit en France ou dans le reste du monde".
Quant à la CRCI, son avis s'apparente à un jugement de Salomon. Qu'on en juge...D'abord, les experts "concluent de manière formelle que les troubles neurologiques trouvent leur origine [...dans une] décompensation secondaire à un processus vaccinatoire".
Mais ils ajoutent ensuite qu'il "n'existe aucun argument scientifique en faveur de l'incrimination du Gardasil comme facteur causal". Un peu plus loin en revanche, ils précisent qu'il "existe un lien de causalité entre la 1ère injection du vaccin et la survenue d'une réaction inflammatoire aiguë du système nerveux central". Le tout, pour conclure que "le rapport bénéfice/risque [du vaccin] en termes de santé publique n'est pas discutable " et que " l'imputabilité total de la vaccination sur le dommage actuel [est estimée] à...50%". Difficile de comprendre.
Y a-t-il un danger particulier pour les jeunes filles déjà vaccinées?
Non, a priori aucun. En tout cas, à ce jour aucun événement indésirable grave n'est, semble-t-il, survenu des semaines, voire des mois après une première injection.
En tout état de cause, et la totalité des experts, médecins ou autres, en sont d'accord: vaccin ou pas vaccin, les femmes doivent absolument se faire dépister régulièrement par un frottis vaginal. Car "le problème numéro 1 en France, rappelle le Pr Levèque, c'est que l'absence de suivi gynécologique des femmes. Dans ma région, le centre-Bretagne, à peine 10% d'entre elles sont correctement suivies. Les plus suivies sont à la fois les moins exposées au virus et les plus aisées financièrement. En termes de santé publique, c'est une aberration!".
Cette affaire ressemble-t-elle à celle de l'hépatite B?
Oui car la population potentiellement concernée est très large et les bénéfices attendus importants. Oui aussi cette campagne de vaccination a été largement relayée par les pouvoirs publics. Oui encore car les effets secondaires sont apparemment graves (sclérose en plaques, maladies auto-immunes). Oui enfin un divorce important apparait au sein de la population française : la communauté médicale (dans sa très grande majorité) demeure en faveur de la vaccination - mais ce discours scientifique n'est pas audible quand il s'oppose à la force de conviction d'une victime, a fortiori s'il est soutenu par de "bons" avocats. Seul, en définitive, diffère le caractère obligatoire ou pas de la vaccination.
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