jeudi 5 septembre 2013

Le Liban survivra-t-il à la crise syrienne ?


En combattant en Syrie, le Hezbollah menace l’intégrité du pays voisin...


Liban, le 15 août, en route pour Beyrouth après la journée passée à la plage de Tyr dans le sud du pays, les visages sont dorés par le dur soleil méditerranéen, la conversation dans la voiture est joviale et légère. Le ciel bleu est dégagé.

 Soudain une détonation éclate, une épaisse fumée noire se dégage, les voitures zigzaguent, les passants s’agitent, une voiture a explosé nous dit-on. 

La douce journée estivale paraît déjà loin quand on nous annonce le nombre estimé de victimes de l’attentat. Le Liban et ses paradoxes, ce Liban qui condense en une journée le sable fin du Sud et la fumée d’un attentat.

L’explosion de la voiture piégée à Roueiss, fief du Hezbollah dans la banlieue sud, a fait 27 morts et 336 blessés, et marque une avancée dans la propagation du conflit syrien au Liban. Revendiqué par un groupuscule sunnite, l’attaque est censée venger l’intervention du parti de Dieu au côté de l’armée de Bachar Al-Assad. 

Le Hezbollah manifeste en effet un soutien indéfectible au régime baasiste depuis le début de la guerre. En avril dernier, le Hezbollah a reconnu publiquement son intervention militaire aux côtés du dictateur syrien, qui s’est déroulée notamment lors de la bataille de Qousseir, reprise aux mains des rebelles. 

Logique, tant le Hezbollah a intérêt à soutenir Bachar : la chute du régime syrien signerait un coup dur pour le parti chiite, qui est une pièce maîtresse de l’alliance syro-iranienne.

Or, l’implication du Hezbollah dans le conflit syrien projette le Liban dans une situation délicate. Au sein même de ce parti, des voix s’élèvent contre cette intervention, à l’instar de Sobhi al-Toufayli, l’un de ses fondateurs, qui estime que la participation du parti de Dieu à la guerre civile syrienne ne fait qu’exacerber les tensions entre sunnites et chiites. 

Tensions qui s’étendent d’ailleurs aux chrétiens. Le pays entier est profondément divisé ; la grande question à poser, non sans une pointe d’humour, à un chrétien est « Es-tu chrétien sunnite ou chrétien chiite »… !

 Cette plaisanterie revient à demander s’il fait partie des chrétiens hostiles à l’axe syro-iranien (« l’alliance du 14 mars », fondée au lendemain de l’assassinat de l’ancien premier ministre sunnite Hariri), ou au contraire s’il soutient la Syrie, aux côtés du Hezbollah, à l’instar du Courant Patriotique Libre de Michel Aoun.

Ripostes après ripostes, les quartiers sensibles du Liban s’enflamment. L’attentant de Tripoli, la grande ville du nord, emblématique de la division libanaise entre alaouites et sunnites, est un signal alarmant de la montée aux extrêmes ; le 23 août deux explosions ont fait 45 morts et plus de 500 blessés. Les deux attentats ont eu lieu près de deux mosquées sunnites. 

L’attentat n’a pas été revendiqué, mais il est possible qu’il tienne lieu de réponse à celui perpétré dans le fief du Hezbollah. 

Toutefois, il semble peu probable que le parti de Dieu soit à l’origine du double attentat tripolitain, le Hezbollah n’ayant aucun intérêt a un embrasement du Liban : véritable État dans l’État, il est la seule milice officiellement encore armée (contrevenant par là à la résolution 1559 de l’ONU) et possède un fort pouvoir politique, économique et militaire. Il jouit, par ailleurs, du grand prestige d’avoir fait reculer Israël pendant la guerre de 2006. 

On pourrait, plus probablement, imputer l’attentat de Tripoli au gouvernement syrien car cette ville est un lieu de recrutement de rebelles au régime syrien. On voit désormais que le Hezbollah se retrouve dans une position difficile : s’il continue à participer à la guerre civile syrienne, il y a de grandes chances pour que le Liban en fasse les frais, mais cette situation ne pourrait que lui porter préjudice, comme nous le confirmeL’Orient-Le Jour.

La possible propagation de la guerre syrienne au Liban pose aussi la question des réfugiés. On estime leur nombre à un million … pour une population de 4 millions de Libanais. 

Ceux-ci se retrouvent dans des camps, essentiellement dans la vallée de la Bekaa, dans des conditions sanitaires déplorables.Selon l’opinion libanaise commune, les camps de réfugiés seraient un nid de djihadistes, ce qui constitue une véritable angoisse. 

Un nombre certain de chrétiens libanais, que j’ai rencontrés, estiment que les djihadistes « sont les vrais terroristes », et non pas le Hezbollah comme on le dit en Occident. Se pose aussi le problème de la hausse de la délinquance résultant de la simple nécessité de vivre : face à l’augmentation des vols, le sentiment libanais oscille entre la compassion pour une population qui a tout perdu, et le rejet d’une population en exil.

Après le massacre de la Ghouta du 21 août, dont les responsabilités ne sont pas encore pourtant clairement établies, la ligne rouge fixée par l’Occident été franchie, et l’intervention en Syrie semble imminente. Il semble bien légitime de se demander ce qu’il adviendra du Liban, dont le destin semble actuellement si étroitement lié à celui de son voisin. 

En Syrie, les Occidentaux ont laissé la rébellion se faire récupérer par les djihadistes, au moment où les Iraniens et Russes ne cessaient de faire de l’ingérence. 

Dans ces conditions, des ripostes sont à craindre sur le territoire libanais, Assad exportant le chaos syrien au Liban. Tripoli sera certainement au centre du conflit, et deviendra peut-être alors, un nouvel Irak en miniature.
*Photo : carimachet.

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