dimanche 19 mai 2013

Quarante islamistes sortent de prison chaque année en France..


INFOGRAPHIE - En fuite depuis dimanche, Saïd Arif est traqué par Interpol. Une affaire qui illustre les lacunes dans le suivi des djihadistes.

Combien d'islamistes dangereux échappent à la vigilance des services antiterroristes français? 
Le ministre de l'Intérieur vient de déclarer qu'il «fallait revoir les dispositions» concernant les djihadistes étrangers qui sortent des prisons françaises et se soustraient au suivi imposé par les autorités. 
Manuel Valls a même demandé que des «propositions» lui soient faites pour combler les failles de la législation, après la disparition, le week-end dernier, de Saïd Arif, ce djihadiste algérien qui, assigné à résidence depuis octobre 2012 à Brioude, en Haute-Loire, a pris la fuite à bord d'une voiture volée.
Arif n'est pas un cas isolé. Le Figaro est en mesure de révéler que sur la quarantaine d'activistes musulmans qui sortent de prison chaque année en France, «une demi-douzaine», selon un juge antiterroriste, «se soustraient régulièrement aux obligations de pointage dans les commissariats et les gendarmeries».
 «Il y a ceux qui, mis en examen, placé en détention un temps puis relâchés, attendent leur procès, et ceux qui, comme Arif, ont purgé leur peine, mais se soustraient au contrôle qu'impliquait leur statut d'étranger sous le coup d'une obligation de quitter le territoire», explique le magistrat.
Selon lui, «l'assignation à résidence pour ces cas particuliers n'est qu'un pis-aller. Mais puisque ces individus sont indésirables dans leur pays d'accueil ou que leur sécurité pourrait être mise en danger s'ils devaient y retourner, la Place Beauvau les envoie à la campagne, dans le Massif central ou ailleurs, en priant pour qu'ils se tiennent à carreau». Un pari à hauts risques.

Un système «ubuesque»

Le système est «ubuesque», proteste l'ancien patron de la justice antiterroriste Jean-Louis Bruguière, qui avait fait extrader Arif en 2004 pour qu'il soit jugé. 
L'ex-patron de l'antiterrorisme résume la situation par une image: «Nous attrapons les terroristes dans un filet aux mailles de plus en plus resserrées, pour les verser ensuite dans un seau rempli de trous, celui de l'exécution des peines.»
Chaque année, environ 80 à 90 islamistes sont arrêtés par les services antiterroristes nationaux (DCRI, SDAT, SAT de la brigade criminelle de Paris). La France interpelle même plus de la moitié des islamistes appréhendés dans toute l'Europe. 
Elle constitue bien le premier rempart de l'Union face à cette menace, selon les chiffres diffusés par l'office européen de police Europol, dans son rapport du 25 avril dernier sur le terrorisme. Sur ces 80 à 90 suspects, 40 à 50 filent tout droit en détention provisoire, en attendant l'instruction de leur affaire. 
On en juge une quinzaine par an. Le taux d'acquittement in fine pour faits de terrorisme est, selon Europol, de 7% en France.
L'essentiel est donc traité en correctionnelle, l'infraction d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste demeurant un outil de prévention efficace, mais qui a ses limites: dix ans de prison tout au plus. Un maximum très théorique.

Car selon Europol, le temps moyen infligé dans ces affaires est de cinq ans. Jean-Louis Bruguière ajoute: «Nombre de condamnés ne purgent pas la moitié de leur peine». Soit deux ans et demi de prison effective en moyenne. 
Saïd Arif est la parfaite illustration de cette règle, issue du droit commun, qui consiste à diviser par deux le temps d'emprisonnement prononcé à l'audience: condamné à dix ans, ce chef de réseau algérien est sorti au bout de cinq années seulement.
En 2005, Pascal Clément, alors ministre de la Justice, avait soutenu la création d'un juge d'application des peines national antiterroriste, pour centraliser à Paris le suivi carcéral des condamnés. 
Mais cela n'a pas suffi, même s'il permet d'harmoniser le régime des permissions de sortie et des libérations conditionnelles. Souvent le parquet fait appel des décisions prises.
«La Direction centrale du renseignement intérieur n'a pas les moyens humains suffisants pour suivre à la trace tous les islamistes sortis de prison. 
Elle est déjà concentrée sur les allers et venues des membres des filières qui émergent au fil des enquêtes», explique un préfet. Même incarcérés, certains djihadistes demeurent actifs. 
Le juge antiterroriste Marc Trévidic rappelle le cas de Safé Bourada, déjà condamné pour les attentats de 1995 et qui avait reconstitué un groupe terroriste en prison. 
Celui-ci projetait des attentats dans le métro parisien et contre l'aéroport d'Orly. L'arrestation de Saïd Arif, au profil tout aussi inquiétant, est une priorité pour la Place Beauvau.

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