jeudi 16 mai 2013

Cannes 2013 : avec Gatsby, Baz Luhrmann fait du nouveau riche avec du vieux....



Douze ans après « Moulin rouge », le réalisateur australien fait l’ouverture du festival de Cannes avec une version tape-à-l’œil du roman de Fitzgerald. Actuellement dans les salles.
Dans une édition du Livre de Poche du début des années 1960, le roman de Fitzgerald, écrit en 1924, a droit à trois préfaces, signées de trois plumes, et non des moindres : Antoine Blondin, Bernard Frank et Jean-François Revel. 
Les trois disent à peu près la même chose, mais chacun à sa façon. Blondin : « On ne peut pas en même temps jouir de la fête et l’organiser, s’en inquiéter, être à la fois "au-dedans" et "au-dehors" sans impunité. C’est une ambition pauvre et fière. Seuls les aristocrates, les riches par naissance, survivent au spectacle. Les autres cotisent, ils n’émargent pas. 
C’est ce qu’illustre  Gatsby le Magnifique, admirable fable moderne où scintillent la fascination de l’argent et les pépites de l’esprit d’aventure, dans une société en pleine compétition. » Frank lui emboîte le pas et prouve à son tour que les écrivains sont les meilleurs lecteurs et critiques : « Fitzgerald avait compris quelque chose de très calé et de très simple : que la vie, c’est-à-dire la fête, était aux mains des riches. 
Et que ce n’était vraiment pas possible de la leur laisser toujours, tout le temps. (…) Ce fou de Fitzgerald se ruina (je parle, bien entendu, de sa santé aussi bien que de sa fortune) en essayant de créer une Compagnie qui concurrencerait celle des riches. Les riches sans les riches. Ce genre d’exercice ne pardonne pas. Il mourut à quarante-quatre ans, complètement usé. »
Gatsby, un mauvais scénario 
Revel, enfin, enfonce le clou : « Gatsby, ce roman d’amour où l’on ne sent jamais l’amour mais seulement l’argent qui le permet ou qui l’empêche, est fait d’un grand sujet qui s’appuie sur une exécrable histoire : on frémit à l’idée de ce qu’aurait pu donner, entre des mains grossières, cette affabulation mélodramatique et même rocambolesque. Preuve que d’une intrigue quelque peu artificielle, 
qui pourrait être un mauvais scénario, la vérité pure peut émerger par l’irréfutable qualité de chaque détail : beauté des sensations, des descriptions, des couleurs et des lumières, des robes et des rideaux, des bruits de voix, des impressions de froid, de chaleur, de jour, de nuit, des passages de l’intérieur à l’extérieur des maisons et inversement… » Gatsby, un mauvais scénario ? 
Une intrigue de roman de gare, de mélo sirupeux, transcendée par le style de Fitzgerald. Entre les mains de  Baz Luhrmann, Gatsby devient l’attraction « Années folles » en 3D d’un parc clinquant. Fêtes orgiaques, champagne à gogo, voitures rutilantes sur fond de BO anachronique (Jay Z, The XX, Florence and The Machine, Lana Del Rey, Beyoncé)… Baz fait péter les basses et les couleurs criardes d’un New York années 20 numérique et fantasmatique. Beaucoup de bruit pour rien. Et quand le réalisateur australien mouline moins vite, la romance tragique et sa mise en scène laissent apparaître leurs faiblesses – voir les retrouvailles entre Gatsby et Daisy autour d’un thé, jouées et filmées comme dans une romcom badine et banale.

Back to Robert Redford
Pour la « beauté des sensations, des descriptions, des couleurs et des lumières » dont parle Revel dans sa préface, il vaut mieux revoir le  Gatsby de Jack Clayton (scénario de Francis Ford Coppola), adaptation de 1976 qui ressort en salles et dans une nouvelle édition DVD et Blu-ray. Robert Redford dans le rôle du parvenu romantique y est autrement plus mystérieux que Leonardo DiCaprio. 
Quant à Mia Farrow, elle reste une Daisy autrement plus ambigüe que la transparente Carey Mulligan. Dans le livre comme dans la version de Clayton, le couple formé par Daisy et son mari Tom Buchanan illustre la quintessence d’une classe sociale cruelle et clanique. Pour cela, en 2013, bien plus qu’une taxe à 75 %, les riches ont à craindre le roman de Fitzgerald.
Crédits : © Warner Bros. Pictures France

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