dimanche 20 janvier 2013

PRENDRE LE POULS ....


« Prendre le pouls » : un geste quotidien pour les médecins, les soignants, les urgentistes. Mais qu’est -ce que le pouls ? Comment le prendre ? Quels renseignements en attendre ? Voici en dix points un petit aperçu sur ce sujet de médecine pratique qui intéresse tout le monde.

ETYMOLOGIE

-Le mot « « pouls » vient du latin « pulsus » : battement, à l’origine de termes comme pulsion, pulsar, impulser. En effet, le débit cardiaque n’est pas continu comme l’eau du robinet, mais discontinu, le cœur se remplissant et chassant le sang de façon cyclique, comme une pompe aspirante et refoulante.

-Une autre étymologie plus rare vient du grec « sphygmos » signifiant vie que l’on retrouve dans des termes comme bradyspphygmie : pouls lent ou sphygmomanomètre synonyme de tensiomètre, la tension artérielle et le pouls étant deux phénomènes physiologiques étroitement reliés.

BREVE HISTOIRE DU POULS

-Le pouls est connu depuis l’antiquité, mais il a fallu William Harvey, médecin anglais du XVIIème siècle, contemporain de Molière, pour comprendre la circulation sanguine.
-La description du pouls est à la base des « traités du pouls ». 

Galien, le grand médecin de l’antiquité (on parle encore aujourd’hui de préparation galénique) décrivait par exemple le « pouls celer » ou le pouls « vehemens ». Avicenne parlait du « pouls de gazelle ». Un papyrus trouvé à Louxor affirme que « le pouls est la parole du cœur ». 

On connaît aussi l’importance du pouls dans la médecine chinoise. Récemment, les manuels pour étudiants en médecine décrivaient le pouls de l’état de choc : « petit, rapide, filant, incomptable. » et le pouls de l’insuffisance aortique : « ample, bondissant, rapidement défaillant ». On parlait dans les enregistrements du pouls carotidien de « pulsus bisferiens », de « pouls dicrote ».

-Il faut bien voir que l’histoire du pouls est liée à celle de l’invention du chronomètre portable capable de compter les secondes. Il s’agissait d’un instrument rare et cher, présent à la fois au laboratoire et chez le médecin, apportant pour la première fois en cardiologie une notion chiffrée scientifique. L’image du médecin tenant d’une main le poignet du patient tout en regardant le trotteur de sa montre est devenue le symbole de la médecine clinique.

-Enfin, c’est Marey qui a le premier enregistré le pouls.

Marey était un bricoleur de génie qui avait mis au point un « canon photographique » permettant de prendre des photos séparées par des intervalles égaux et d’étudier ainsi le mouvement, par exemple d’un homme qui marche. A ce titre, il est cité dans les livres d’Histoire comme l’un des pionniers du cinématographe.

En cardiologie, il inventa le sphygmographe permettant d’enregistrer le pouls à l’aide d’un stylet frottant une plaque de verre enduite de noir de fumée, se déplaçant à vitesse constante grâce à un mécanisme d’horlogerie. Il a fait entrer ainsi la cardiologie dans l’ère des enregistrements. Encore récemment, on employait une « capsule de Marey » pour enregistrer le pouls carotidien appelé « carotidogramme ».

A QUOI CORRESPOND LE POULS ?

Le pouls correspond à l’éjection du sang dans les artères. Pendant la contraction du ventricule gauche, appelée « systole », l’augmentation de pression ouvre la valve aortique et propulse le sang dans l’aorte. Quand la pression retombe, cette valve se referme, empêchant le sang de refluer. 

Le pouls et donc compris entre l’ouverture et la fermeture de la valve aortique. Pendant cette phase, l’aorte et le ventricule gauche sont en communication et la pression artérielle systolique est le reflet de la pression dans le ventricule gauche, autour de 140 mm de mercure. La force du pouls donne une idée de la force de contraction du ventricule gauche. (1)

OU PRENDRE LE POULS ?

Le pouls se prend traditionnellement au poignet, au niveau du radius (l’os de l’avant- bras qui tourne autour du cubitus dans le geste de préhension). C’est le pouls radial dans la gouttière du pouls.

Regardez votre main, paume ouverte vers le ciel. On peut observer une légère dépression, en forme de gouttière, au niveau du poignet, entre le bord de l’avant- bras du côté du pouce et un tendon que l’on voit et que l’on sent bien en fléchissant la main. L’artère radiale est très superficielle et passe juste sous la peau à cet endroit.

Il existe d’autres pouls : carotidien que l’on examine dans les accidents vasculaires cérébraux
(A.V.C.), huméral qui sert à prendre la tension artérielle en comprimant le brassard, des jambes (fémoral, poplité, tibial, pédieux) qui peuvent être abolis dans l’artérite. 

COMMENT PRENDRE LE POULS ?

-Le geste consiste à replier trois doigts (l’index, le majeur et l’annulaire ensemble) en crochet sur la gouttière du pouls en appuyant assez fort (sinon, on ne sent rien) mais pas trop (sinon, un écrase l’artère) de façon à sentir nettement sous ses doigts battre l’artère radiale en veillant à ne pas confondre ces battements avec ceux de la pulpe de ses propres doigts. 

-On peut alors compter la fréquence du pouls sur l’aiguille de la trotteuse de sa montre, en principe sur une minute .Pour aller plus vite, si le pouls est régulier , on peut le compter sur un quart de minute en multipliant le résultat par quatre, mais avec une petite marge d’erreur. Par exemple, pour un pouls à 60 par minute, si on compte 14 battements sur 15 secondes au lieu de 15, cela fera une fréquence cardiaque de 56 au lieu de 60. 

LE POULS NORMAL

La palpation du pouls apporte de nombreux renseignements :

-sur le rythme cardiaque : régulier ou irrégulier, rapide ou lent. Le pouls normal est au repos entre 50 et 100 par minute. Dans un malaise, la première chose à faire est de prendre le pouls. Un pouls bien frappé est un signe rassurant. 

-sur la contraction cardiaque : un pouls normal, vigoureux, fort et bien palpable, on dit : « bien frappé », traduit une bonne tension artérielle, une bonne contraction cardiaque et un bon débit cardiaque, aussi bien qu’un échocardiogramme. 

-sur l’état des artères : le pouls est normalement souple sous les doigts. En cas d’artériosclérose et de calcifications, il peut être induré, parfois décrit comme un « fil de fer barbelé ».

-sur l’état général :
Il est rapide en cas d’émotion, de stress, d’effort, de fièvre, mais aussi dans l’anémie, l’hyperthyroïdie, la phlébite et l’embolie pulmonaire.

Il est lent chez certaines personnes dites « vagotoniques », chez certains grands sportifs très entraînés de type coureurs de Marathon, mais aussi dans l’insuffisance thyroïdienne et avec certains médicaments.
La surveillance du pouls est en effet la meilleure façon de suivre certains traitements : hormones thyroïdiennes, digitaline, bêtabloquants, anti-arythmiques (amiodarone, vérapamil)

A l’hôpital, la courbe du pouls, inscrite en rouge, est avec celle de la tension, de la température, du poids et de la diurèse l’une des principales « constantes physiologiques » soigneusement notées sur la feuille de surveillance que l’on appelait naguère « la pancarte », affichée au mur ou au pied du lit, véritable « tableau de bord » de l’hospitalisation (2) 

LE POULS IRREGULIER

Si l’on constate que le pouls n’est pas régulier, plusieurs cas sont possibles :

-L’arythmie respiratoire :
Il existe parfois de légères variations respiratoires du pouls. Le cœur s’accélère à l’inspiration et se ralentit à l’expiration. L’expiration forcée à glotte boquée est d’ailleurs un moyen d’arrêter parfois une crise de tachycardie paroxystique bénigne.

-L’arythmie extrasystolique 
En prenant le pouls, on note parfois un battement manquant, comme s’il s’agissait des « ratés » d’un moteur, avec un doublement de la durée entre deux battements. La personne ressent alors une sensation de vide, d’arrêt. A la reprise, le remplissage ayant duré deux fois plus longtemps, le battement suivant est plus fort. Ceci peut correspondre à un authentique bloc intermittent de l’influx électrique cardiaque, mais le plus souvent, il s’agit d’un simple repos compensateur après une extrasystole.

Qu’est ce qu’une extrasystole ?

C’est un battement cardiaque prématuré. Les extrasystoles forment un gros chapitre de la cardiologie. Certaines peuvent être graves, notamment si le terrain cardiaque est fragile, mais, très souvent, il s’agit d’extrasystoles bénignes sur cœur sain.

-L’arythmie complète :
Enfin, il peut s’agir d’une désynchronisation complète des oreillettes appelée fibrillation auriculaire : c’est l’arythmie complète par fibrillation auriculaire (A.C. par F.A.), où le pouls est plus ou moins rapide et surtout complètement irrégulier


LE POULS TROP RAPIDE

On parle de tachycardie de tachy= rapide et cardie= cœur.Par définition, le terme de tachycardie s’emploie quand la fréquence du pouls est à 100 par minute ou plus. 
La palpation du pouls permet de se faire une idée du diagnostic de la tachycardie avant même l’électrocardiogramme.


-Une tachycardie irrégulière a toutes les chances d’être une tachyarythmie complète par fibrillation auriculaire.
-Une tachycardie régulière à 150 par minute est souvent d’être ce que l’on appelle un flutter auriculaire avec un aspect en dents de scie sur l’électrocardiogramme.

-Une tachycardie à 180-200 par minute, régulière, survenue brusquement chez une personne jeune, a toutes les chances d’être ce que l’on appelle une crise de Bouveret, ou tachycardie paroxystique bénigne. Dans les cas favorables, la crise s’arrête en bloquant la respiration ou en buvant un verre d’eau et la personne peut vérifier que la crise est finie en constatant que son pouls est revenu vers 70 par minute.

-Enfin une tachycardie modérée, vers 100 par minute est probablement physiologique, de cause extra cardiaque : stress, effort, fièvre, anémie, hyperthyroïdie.

LE POULS TROP LENT

Par définition, on appelle bradycardie (cœur lent :de brady=lent et cardie= cœur) ou bradysphygmie (pouls lent) une fréquence cardiaque inférieure à 50 par minute.

-Il peut s’agir d’une bradycardie physiologique, modérée, vers 50 par minute : caractère calme, appelé vagotonique, entraînement sportif important, phase profonde du sommeil, insuffisance thyroïdienne, médicaments bradycardisants comme les bétabloquants. Dans un malaise, un pouls un peu lent vers 40 ou 50 par minute suggère dans le conteste de lipothymie un malaise vagal.

-Par contre, en pratique, un pouls très lent autour de 30 par minute est très probablement anormal et provoqué par une usure du centre de commande électrique du cœur situé dans l’oreillette droite dénommé « nœud sinusal », ou par un blocage de l’influx nerveux cardiaque dans le cablage entre les oreillettes et les ventricules appelé « bloc auriculo-ventriculaire (B.A.V.).

Cette maladie appelée « le pouls lent permanent » ou paroxystique est responsable d’essoufflement par insuffisance cardiaque et de syncopes et se soigne par la pose d’une stimulateur artificiel appelé « pace maker », geste spécialisé devenu assez banal de nos jours.

Le contrôle régulier de la fréquence du pouls est d’ailleurs le moyen le plus simple pour surveiller ensuite le bon fonctionnement d’un pace maker. 

Connaissant la fréquence de dépannage au dessous de laquelle le stimulateur se déclenche, par exemple 60 par minute, on pourra observer un rythme spontané plus rapide, mais on ne devra pas trouver une fréquence du pouls inférieure à 60, par exemple à 40 par minute, ce qui révélerait une panne ou une usure du pace maker dont la pile serait à changer. 

LE POULS ACTUELLEMENT

La surveillance du pouls s’est enrichie de toute la panoplie des techniques de la médecine actuelle avec :

-Les mécanogrammes comme l’enregistrement du pouls carotidien appelé carotidogramme sur le lequel on peut mesurer le temps d’éjection (T.E.), c’est-à-dire la durée du pouls, entre l’ouverture et la fermeture de la valve aortique, soit environ 0,30 seconde pour un pouls à 60 /mn.

-Le Doppler cardiaque qui enregistre la vitesse du sang (V) à la racine de l’aorte , à 1 mètre par seconde environ (100 cm/s).
On peut ainsi calculer le débit cardiaque (D.C.) au Doppler, sachant que la racine de l’aorte fait une surface (S) d’environ 3 cm2 selon la formule :
DC= TE x V x S DC= 0,3 x 100 x 3 soit environ 90 cm3 par systole, c’est-à-dire la valeur d’un verre. Mais cela fait par minute pour un pouls à 60 par minute plus de 5 litres par minute (90 x 60 =5400 ml) et par heure 5 x 60 : 300 litres à l’heure en circuit fermé !

 Le cœur est une sacrée pompe !

-Le Doppler artériel en angiologie permet d’enregistrer également les différents pouls de l’organisme, comme le doppler carotidien en cas de crainte d’accident vasculaire cérébral.

-La tension artérielle est également pulsée, comme le pouls, avec une tension systolique et une tension diastolique (schématiquement 140 – 80 mm de mercure)

-Enfin, en réanimation, on peut poser au bout du doigt un capteur de pouls qui permet de surveiller au scope le pouls et la saturation du sang en oxygène (normalement 90%)

Prendre le pouls est ainsi un geste ancien traditionnel et un geste moderne au centre de l’examen cardio-vasculaire. 

La palpation du pouls est un exemple typique comme quoi un geste de médecine clinique, simple et facile en apparence peut être très précis, très scientifique et très moderne et apporter des renseignements précieux aussi utiles que ceux apportés par les techniques les plus modernes. 

Références sur Guysen Santé 
1-Le moteur cardiaque : comment ça marche? 
GIN : 4 janvier 2012
2- Votre médecin : d’abord un clinicien.
GIN : 10 juin 2012

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