Le réalisateur de « Kill Bill » et « Inglorious Basterds » arrose de ketchup le western spaghetti et réchauffe le tout au micro-onde. 2h44 de cuisson pour une recette indigeste qui a suscité quelques polémiques mais a aussi remporté le Golden Globe du meilleur scénario.
© SPREn ce moment, les baby-sitters se frottent les mains. Avec une flopée de films qui flirtent avec des durées inhumaines (trois heures), les sorties parentales sont bonnes pour le business. Après l’overdose de nains du Hobbit, et avant Les Misérables (trois heures de misère en chantant) ou Lincoln (2h30 de biopic par Spielberg), Tarantino offre sa plâtrée de western-spaghetti : deux heures et quarante-quatre minutes !
Après le film noir (Reservoir dogs) ou le film de guerre (Inglourious Basterds), pour ne citer que ces deux là, Tarantino se frotte au western, genre qui n’en finit plus d’être moribond mais qui continue de titiller certains cinéastes américains. Et peut produire quelques chefs d’œuvres, du John McCabede Robert Altman (1971) au True Grit des frères Coen (2011) en passant par Impitoyable de Clint Eastwood (1992).
L’esclavage, c’est coton
Sony pictures ReleasingQuentin a eu une panoplie de cow-boy à Noël – celui de 2011 - et s’amuse donc pendant près de trois heures avec des revolvers et des chevaux. Fidèle à ses habitudes, il s’inspire d’un autre film, ici le Django de Sergio Cobucci, un western spaghetti de 1966, genre qui est déjà une relecture au second degré du western tout court, celui de l’âge classique hollywoodien, pour le meilleur (les Sergio Leone) et pour le pire (les Terence Hill). L’ancien employé de videoclub Tarantino, lui, ajoute une couche de troisième degré à une histoire d’esclave noir (Jamie Foxx est Django) qui devient chasseur de primes pour retrouver et libérer sa femme, Broomhilda, à la veille de la Guerre de Sécession. Après les nazis dans Inglourious Basterds, le réalisateur se farcit les contremaîtres des plantations, des blancs très méchants qui donnent leurs nègres désobéissants à manger aux chiens - d'où plusieurs polémiques :
trop de niggersdans les dialogues selon Spike Lee, trop de complaisance pour la violence pour une partie de la presse US. Christoph Waltz établit le lien entre les deux films en passant d’horrible nazi à Schultz, un personnage de faux dentiste et vrai chasseur de primes humaniste qui affranchit Django. Il cabotine surtout toujours autant et fait passer ses partenaires pour des modèles d’underacting, alors que Leonard Di Caprio, propriétaire de plantation borderline (Calvin Candie), et Samuel L. Jackson, en Oncle Ben’s servile, en font pourtant des tonnes.
De la dynamite
© SPRLa première heure du film semble sortie du Shérif est en prison (1974) de Mel Brooks. L’ex-roi de la parodie n’aurait pas renié la scène de chasse à l’homme où les cavaliers racistes se plaignent de leur cagoule, vulgaire sac avec deux trous pas forcément en face des yeux, dans lesquels on respire mal. Un intermède franchement comique dans un buddy-movie où le menu devient vite monotone : pruneau et purée. Django et Schultz collent des pruneaux à des types dont la tête est mise à prix avant de deviser autour d’une assiette de purée le soir à la belle étoile.
Enfin, c’est surtout Schultz qui parle. Et qui continue à parler, encore et encore, même après que le duo a retrouvé la belle Broomhilda chez Calvin Candie. Quand il se tait enfin, Tarantino peut enfin jouer à « qui c’est qui a le plus gros ? » avec des gunfights au ralenti sur du gros son hip-hop. Et, comme dans le Hobbit, film de puceau du geek Peter Jackson, où la seule femme est une Elfe diaphane et éthérée, les femmes excellent en potiches et appellent cette question : où est passé le Tarantino féministe de Kill Bill ou de Boulevard de la mort ? Le même Tarantino se réserve un rôle de blanc benêt qui explose avec des bâtons de dynamite à la main. Belle lucidité : au lieu de dynamiter le genre, le western lui pète à la figure. Bien sûr, tout cela est inoffensif. Le sang, du ketchup. Même pas une bonne sauce bolognaise faite maison.
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