1929 : Boma et Simone Estène ouvrent l'hôtel Belles Rives.
Traverser le grand hall de réception, à peine un regard sur la mosaïque du sol et sa goélette toute voile gonflée, l’emblème de la maison. Filer droit sur la terrasse, couverte de carreaux de terra cotta soulignés de cabochon d’émail bleu. Descendre l’escalier qui conduit vers le ponton. Presser le pas en négligeant les sirènes qui dorent sur les transats, de même que l’horizon dont les brumes de chaleur mangent les îles de Lérins. Gagner le club de ski nautique (40 € la leçon d’une heure). Enfin, se retourner. Le Belles Rives apparaît alors dans toute sa majesté.
Dos à la Méditerranée, savourer, savourer encore, la plus belle image de cette maison à l’ancienne, cinq niveaux, balcons à chaque fenêtre, pierres beiges et tuiles rouges, 43 chambres et une légende, intacte, sans cesse redorée depuis 87 étés. Magnifique. Si le regard glisse en travelling, il balaye les maisons voisines, autant de façades grand chic azuréen des années 1920-1930 : à gauche, la villa Aigue-Marine qui vient d’être achetée par un magnat russe, actuellement en travaux ; la villa Picolette, la plus ancienne de Juan-les-Pins ; à droite, celle des Pahlavi, la famille impériale d’Iran, puis La Vigie, propriété des héritiers de Florence Gould, grande prêtresse du monde littéraire. Splendide carte postale sépia soulignée de bleu. Le Belles Rives commence à livrer son âme.
Scott, Zelda, Pablo et les autres
Pour en détailler le tempérament, il suffit de faire le chemin inverse. Le lobby d’abord. Une photo noir et blanc de Scott Fitzgerald, une autre de Zelda, l’épouse possessive et colérique. Ainsi qu’une plaque de marbre sur laquelle est gravée : « Alors que nous revenons dans la jolie villa de cette Riviera que j’aime, je suis plus heureux que j’ai été depuis des années. C’est un de ces moments étranges, précieux, éphémères surtout, quand tout dans la vie semble aller bien. »
Signé Francis Scott Fitzgerald, 15 mars 1926, Juan-les-Pins. Car c’est ici qu’ils passèrent leurs vacances, dans ce qui, à l’époque, était la villa Saint-Louis, une villégiature propre à flamber une poignée d’Américains en quête d’ailleurs, soirées déjantées comprises. Outre Scott et Zelda, on y croise Ernest Hemingway, Rudolph Valentino, Mistinguett, le couple Murphy, Picasso et sa muse, Olga… Le champagne coule à flots et la fête n’a pas d’heure. Les scènes orageuses du couple non plus. Fitzgerald boucle ici Tendre est la nuit. Un chef-d’œuvre. Puis la villa Saint-Louis change de destin. En 1929, la voici transformée en hôtel, le premier de la Côte d’Azur pieds dans l’eau.
La même famille en assure depuis la direction et entretient la légende de Scott et Zelda, passion comprise. Marianne Estène-Chauvin, petite-fille du fondateur, est aujourd’hui aux commandes. C’est elle qui veille à conserver l’esprit des lieux en créant, par exemple, le prix littéraire Fitzgerald ou en redonnant à l’hôtel sa décoration Art déco d’origine.
Passé le lobby, cet esprit plane sur trois lieux emblématiques : le bar (parquet ciré, bois, fauteuils tapissés panthère, superbe mobilier Art déco, toiles de maître…) où le piano accompagne les oiseaux de nuit venus chercher l’âme de Scott ; la terrasse ensuite, esplanade mythique de Juan-les-Pins, grande ouverte sur la baie qui fait danser les plus beaux yachts de la planète ; et le restaurant La Passagère, autre temple Art déco où le jeune chef formé à l’école Ducasse, Pascal Bardet, fait merveille et pourrait très vite décrocher son étoile. Reste la plage. Miniature. Une longueur de 20 pas, tout rond, et 55 transat blancs. Mais le plaisir d’un entre soi de belle compagnie.
Comme si le bain de soleil n’était qu’une paresse entre deux élégances. Un cocktail sous les parasols lorsque la baie se couvre d’or, un denti de Méditerranée clouté d’écorces de citron avec une belle passagère, enfin, une coupe au bar. L’esprit est là. Scott et Zelda vous saluent bien.
Le guide
Plein la vue
Depuis la terrasse ou depuis le balcon des chambres avec vue sur la mer (plus d’une vingtaine), panorama grandiose. À gauche, le port de plaisance, au loin, les îles de Lérins, à droite, la Côte d’Azur qui se poursuit jusque vers Cannes. Et au beau milieu de la baie, d’immenses yachts qui patientent avant une prochaine escale… Forcément, la curiosité s’impose : que peut-il bien se passer à bord ?
Fourchettes et parasols
Pascal Bardet, trentenaire et gueule d’ange, ex-Louis XV d’Alain Ducasse à Monaco, est au piano. Il installe ici des manières qui commencent à faire parler d’elles et vise clairement l’étoile. Cet adepte des produits paysans de la région et des pêches de la nuit propose un menu Retour du marché à 65 €. À la carte, autour de 100 €.
Tél. : 04 93 61 02 79.
Le Belles Rives intègre aussi un restaurant de plein air, au bord de l’eau et de la plage. Salades et poissons grillés pour 40 € environ. Noter aussi le somptueux buffet du petit déjeuner.
Sur le sable
Si la plage est minimale, en revanche, le bassin de baignade est immense puisqu’il suffit de faire quelques brasses pour se retrouver en baie de Juan-les-Pins. En outre, belle eau claire. Les plages publiques sont à quelques dizaines de mètres du Belles Rives, à droite comme à gauche.
Au choix : transat sur le ponton (28 € la journée) ou, moins intime, sur le sable (20 €).
Pour le parasol, tarif unique : 5 €. Tous les jours, de 9 heures à 19 heures.
La bonne idée
Aller déjeuner ou prendre un verre au bistro terrasse de l’hôtel Juana, un établissement qui appartient aux mêmes propriétaires que le Belles Rives. Le Juana est à 50 mètres, dans la même rue (www.hotel-juana.com) Ou bien demander à feuilleter le livre d’or : « Tous les souvenirs de mes belles années », signé Nadine de Rothschild, ou Daniel Cohn-Bendit qui remercie pour l’agréable nuit.
Regret
Certaines chambres restent de taille très modeste.
À quel prix
Durant l’été, à partir de 350 € la chambre simple. Pour la vue mer, c’est 600 € minimum. Pour la suite, compter 1 900 €. En hiver, ces tarifs passent respectivement à 58 €, 270 € et 855 €.
Repères
Hôtel Belles Rives 33, boulevard Édouard-Baudoin, 06160 – Juan-les-Pins-Capd’Antibes.
Tél. : 04 93 61 02 79 et www.bellesrives.com
Office du tourisme, 51, boulevard Charles-Guillaumont, 06160 Antibes-Juan-les-Pins.
Tél. : 04 97 23 11 10 et www.antibesjuanlespins.com
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