par Gerard FredjUn documentaire du réalisateur New Yorkais Jeff Liebermann met en lumière la tribu des Igbos, du Nigéria, qui revendique sa judeïté.
Le film de Liebermann est un témoignage sur la vie quotidienne qui vit sous la menace constante d'extermination, au milieu des massacres entre chrétiens et musulmans, sans être prise vraiment en compte par le monde juif ni Israël.
Ce groupe fait partie d'une des plus importantes tribus du Nigéria, les Igbos, qui comptent des millions de membres.
Dans cette importante tribu, vit une communauté qui se définit elle-même comme juive. D'ailleurs, ils trouveraient offensants qu'on leur propose de se convertir au judaïsme traditionnaliste tant ils le vivent ! Pour eux, ils sont aussi juifs que n'importe quel juif.
Selon Lieberman, ce lien au judaïsme s'explique par l'histoire locale du Nigéria: les Igbos ont été largement influencés par les missionnaires arrivés dans les bagages du colonialisme britannique.
La similarité entre ce que les missionnaires proposaient et les traditions de la tribu ont conduit à une conversion massive au christianisme, avec, en plus, les promesses d'une vie meilleure en embrassant cette religion. Certains ont choisi parmi les enseignements des missionnaires, de ne retenir que l'Ancien testament.
Les Ibgos ont toujours été appelés "juifs du Nigéria" : ils ont leurs pratiques, de fortes relations sociales, travaillent dur…et ont souvent été persécutés !
Dans cette communauté qui se revendique comme juive, les traditions sont vivaces, comme la certitude d'être partie prenante d'une "autre" histoire, que personne ne peut définir, mais que les pères transmettent depuis des générations à leurs enfants : ils viennent d'Israël et sont les descendants des "anciens hébreux"
Les traditions modernes de la liturgie, les prières, ils les ont apprises quand les plus jeunes ont commencé à utiliser internet et les ont enseignées.
Auparavant, ils vivaient leurs traditions mais étaient coupés du monde juif contemporain.
Le projet du film est né lorsque Lieberman, qui vit à Los Angeles, participe à une conférence dans une synagogue : un rabbin "conservative" qui venait de visiter l'Ouganda et le Nigeria a montré des photos prises chez les Ibgos, dont l'une, dans les bois, montrait une petite maison barrée d'une gigantesque étoile de David.
Lieberman qui cherchait un sujet de documentaire sent alors qu'il a trouvé son sujet et propose au rabbin, si celui-ci retourne en Afrique, de l'accompagner avec sa caméra.
Dans le même temps, au début des années 2000, les Ibgos, grâce à Internet, adoptent un rituel moderne : l'observance du shabbat, le mikve, les prières journalières.
Et découvrent l'ostracisme, alors que les communautés chrétiennes de la tribu commencent à ostraciser ceux qui revendiquent leur appartenance au judaïsme et dans certains cas, à faire montrer de violence à leur égard.
Vivre en tant que juif au Nigéria peut conduire à la mort, une mort qui fait partie de la routine quotidienne tant sont violents entre les chrétiens de l'ouest du pays, et les musulmans du nord.
D'après Lieberman, la présence de groupes terroristes radicaux liés notamment à Al Qaïda est une réalité, mais ils n'ont probablement pas vu qu'une communauté juive vivait et se développait sous leur nez – ce qui pourra faire alors courir un risque létal à la tribu.
Le réalisateur s'est d'ailleurs demandé si la sortie de son film n'allait pas faire courir un vrai danger à cette communauté.
Mais les membres eux-mêmes des Ibgos ont pensés qu'il était plus important que l'on entende parler d'eux, que ln monde juif les considère et les reconnaisse, plutôt que poursuivre leur vie dans l'indifférence du judaïsme mondial – ajoutant par ailleurs que si ils étaient menacés, ils espéraient que les communautés juives viendraient les secourir.
Au regard d'Israël cependant, ceux des Ibgos qui se revendiquent comme juifs ont cependant une attitude partagée : ils aiment leur terre et être juif n'est, pour eux, pas une raison pour la quitter.
Ceux d'entre eux qui se sont rendus en Israël sont contents "d'avoir pu voir la terre de leurs ancêtres", mais c'est tout.
Israël a de toutes façons, semble-t-il, rejeté leur demande de citoyenneté – pour ceux qui l'ont demandée. Mais ils n'ont globalement pas d'aspiration à la alyah, ils veulent simplement être reconnus comme juifs, et être en lien avec la nation juive.
Les réactions au film de Lieberman ont été diverses : de nombreuses communautés juives aux Etats-Unis ont été passionnées, montrant leur intérêt pour tout autre juif "différent" dans le monde.
Mais d'autres ont complètement rejeté l'idée que cette communauté, en dépit de ses revendications, puisse être considérée comme juive et se sont montrés très dubitatifs, pour ne pas dire suspicieux.
Pour Lieberman, ce fil reste "une expérience remarquable"; il dit lui-même avoir été accueilli à bras ouverts par les Ibgos, au point de s'être senti totalement intégré à la tribu.
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