jeudi 21 décembre 2017

TRUMP ABANDONNE LE FRONT DU SUD EN SYRIE Par Jacques BENILLOUCHE...


Le Front du Sud est une coalition militaire rebelle formée le 14 février 2014 pendant la guerre civile syrienne. Elle est active dans les gouvernorats de Deraa, de Quneitra et dans le sud de la Syrie, où elle est considérée comme la formation rebelle la plus puissante. Le Front du Sud, soutenu principalement par la Jordanie, l'Arabie saoudite et les États-Unis, est constitué de 55 brigades de l'Armée syrienne libre incluant près de 30.000 combattants, sous le commandement du lieutenant-colonel Majeed al-Sayed Ahmad.



Majeed al-Sayed Ahmad

            L’élément le plus important du Front est l'armée de Yarmouk de Bachar al-Zoubi, qui compte à elle seule 4.000 à 5.000 hommes. La Brigade des martyrs de Yarmouk a fait partie des groupes qui avaient fondé le Front du Sud. Initialement modéré, le groupe s’est radicalisé progressivement. Mais au printemps 2015, la Brigade avait été exclue du Front du Sud, pour avoir secrètement prêtée allégeance à l'État islamique. Rapidement, la guerre éclata entre la Brigade des martyrs de Yarmouk d'un côté et le Front al-Nosra et l'Armée syrienne libre de l'autre. En mars 2016, la brigade des Martyrs de Yarmouk avait conquis les confins ouest de la province, tout près des frontières de la Jordanie et du Golan en prenant le contrôle d’un territoire de près de 350 km2, avec leurs alliés de l’unité Muthana al-Islamya.


            Dans le cadre de sa politique de désengagement, Donald Trump a décidé de ne plus soutenir les rebelles anti-Assad à la fin de l’année 2017 et de livrer le sud de la Syrie à son sort. Or ces milices s’opposaient aux groupes chiites qui tentent, encore aujourd'hui, de s’approcher de la frontière du Golan et donc d’Israël. Selon les chiffres officiels, plus de 25.000 hommes ne percevront plus en 2018 de salaire du gouvernement américain alors que depuis quatre ans, ils étaient financés, contrôlés et armés par le MOC américain (Commandement des opérations militaires). Ces hommes représentent pourtant le groupe insurgé le plus puissant de la région, luttant à la fois contre le régime syrien et contre Daesh.

Miliciens du Front du Sud

            Depuis plus d’un an, le calme régnait dans une grande partie du sud de la Syrie à la suite de l’accord entre les États-Unis, la Russie et la Jordanie visant à soutenir une zone de désescalade à Quneitra, à Deraa et à Soueïda. La majeure partie de Deraa est sous contrôle des groupes d’opposition, considérés comme non extrémistes par les Israéliens parce qu’ils respectent un pacte tacite de non-agression. Ils sont arrivés à canaliser les miliciens du Hezbollah et les Gardiens de la révolution islamique iranienne. Si le MOC est coordonné par l’Arabie saoudite, le Qatar et le Royaume-Uni, les États-Unis fournissent le parapluie et tiennent à bout de bras le Front du Sud en le finançant à 60%.

Bachar El-Zoubi

            L’Armée de Yarmouk, les Brigades Omari et le Front révolutionnaire syrien (FRS), faisant partie des groupes soutenus par le MOC, luttent pour une Syrie laïque et démocratique avec pour objectif d’évincer le gouvernement syrien. Ils ont constitué une sorte de zone tampon qui sépare la Jordanie et Israël des milices chiites, en tenant la plus grande partie du terrain gagné depuis 2013. Le département d’État américain et la CIA ont refusé de préciser qui remplacera le MOC. En fait les observateurs ont compris que les bailleurs de fonds internationaux veulent éviter de laisser la guerre perdurer dès lors que le cessez-le-feu est en vigueur depuis six mois.

            Les Israéliens n’analysent pas la situation de la même façon. Les milices chiites, certes contenues à une dizaine de kilomètres du Golan, continuent à progresser vers le sud. L’abandon du Front du Sud risque de créer une situation explosive dans la région. En supprimant le salaire des combattants, on les pousse à être livrés à eux-mêmes avec le risque de les voir rejoindre des groupes de déstabilisation. Ceux qui n’ont pas de solution de reconversion civile, peuvent difficilement survivre sans allocation mensuelle. Ils risquent de plonger dans la criminalité (kidnappings, contrebande et pillage), d’être la proie d’extrémistes très riches, ou d’offrir leurs services au plus offrant comme mercenaires.

Soins aux blessés syriens

            Le chaos s’installerait certainement aux frontières de la Jordanie et d’Israël et les zones libérées seraient alors sans contrôle. Cette région serait soumise au bon vouloir des Russes qui ne semblent pas pressés d’éloigner les milices chiites des frontières israéliennes et jordaniennes. Israël a toujours maintenu sa politique officielle de non-intervention, à l’exception d’un soutien humanitaire à des groupes modérés dans le Golan. Mais si la barrière de combattants sunnites modérés disparaît, Israël n’aurait pas d’autres solutions que de faire intervenir plus souvent son aviation contre le Hezbollah et les milices chiites.

            Les Etats-Unis ont décidé de verser les derniers salaires pour les mois de novembre et de décembre. Mais rien n’est prévu au-delà. Un projet de transformer les miliciens du Front du Sud en gendarmes ou en gardes-frontières est envisagé, mais seuls 15.000 d’entre eux seraient recasés, sous réserve qu’ils renoncent à se battre contre Assad.  Mais le budget de ces miliciens, qui devraient assurer la sécurité à l’extérieur des villes, n’est pas couvert sachant qu’ils exigent un salaire mensuel de 100 dollars face aux 60 dollars actuels pour quitter le combat.
            Si le problème a été cerné, il semble que la solution est loin d’être trouvée. La décision de Trump semble inconséquente devant le chaos prévisible, pour quelques dollars de plus. Ce désengagement intervient au moment où la Russie a décidé de transformer ses installations portuaires à Tartous en base navale russe permanente.

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