On ne peut trouver une réponse claire à la question de savoir si Tsahal est correctement préparée à une guerre, que dans les détails classifiés du rapport publié par la Sous-commission de la Knesset. Ce rapport vague diffusé à l’attention du public, lundi, fournit la réponse suivante : cela dépend du type de guerre dans la quelle nous nous trouvons engagés.
Le rapport public concernant la perception sécuritaire et la constitution des forces de Tsahal, publié lundi par la Commission des affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, qui a effectué un travail louable et sans précédent, commet probablement une injustice envers le rapport classifié. Il comprend un grand nombre d’allusions ésotériques, qui ne peuvent réellement être compris que par un petit groupe d’experts ayant autorité au sein de Tsahal.
Mais le rapport public est destiné à l’homme de la rue, qui veut obtenir une réponse simple à la question suivante : Tsahal est-elle prête à entrer en guerre demain matin, si nécessaire? La réponse claire peut, probablement, être trouvée dans le rapport classifié et détaillé, alors que des parties entières mises à la disposition du public restent vagues et sophistiquées. Après l’avoir lu, la réponse est : cela dépend dans quel type de guerre nous sommes entraînés.
Le rapport indique que le Plan quinquennal Gideon, qui est censé préparer l’armée à la prochaine guerre, est d’abord et avant tout, une forme d’aveu de la part de Tsahal que, jusqu’à l’opération Bordure Protectrice, l’armée s’est structurée pour une autre guerre que celle à laquelle elle a été confrontée et qu’elle doit se préparer différemment. Tout au long du rapport rendu public, cependant, celui-ci félicite le chef d’Etat-Major pour avoir admis qu’il y a un besoin de changement et d’une nouvelle stratégie pour l’armée, ainsi que d’un plan adapté aux menaces auxquelles l’armée prédit de devoir faire face à l’avenir.

L’armée ne s’est pas bâtie de façon approrpiée face à la menace rencontrée durant Bordure Protectrice et absolument pas en fonction de l’agenda qui lui a été imposé (Photo: AFP)
Les décisions prises par le Chef d’Etat-Major, jusqu’à présent, selon ce rapport, sont essentiellement justes. Il s’avère, cependant, que l’armée joue aux échecs avec elle-même. Elle détermine les besoins de sécurité, les menaces et comment s’y préparer. L’échelon politique n’est pas impliqué. Au mieux, c’est une approbation sans discussion. Mais quand survient le jour crucial, comme dans tous les récents conflits, l’échelon politique peut prendre des décisions stratégiques différentes de celles prévues par Tsahal comme correspondant à ses propres perceptions et besoins.
Durant la seconde Guerre du Liban, par exemple, Tsahal n’était pas bien préparée à un conflit prolongé qui lui a été imposé par l’échelon politique. Tsahal ne s’est pas, non plus, préparée de façon appropriée pour faire face à la menace qu’a révélée Bordure Protectrice et certainement pas pour le calendrier qui lui a été imposé. Quelqu’un peut-il promettre que ce que le Chef d’Etat-Major Gadi Eizenkot prévoit aujourd’hui correspondra aux besoins de l’échelon politique et à ses exigences au cours du prochain conflit?
L’armée a commencé à travailler sur le Plan Gideon avant la grande tourmente qui a agité la région au cours des dernières décennies : les Russes sont entrés en Syrie avec leur force militaire expéditionnaire et prévoient de rester là longtemps. La conséquence est que le Président Bachar el Assad est en train de gagner la guerre qu’il perdait et que les Iraniens s’installent en Syrie. Quand on a lancé le plan Gideon et que Tsahal parlait de construire des forces de frappes manœuvrables (mobiles), elle avait l’arène libanaise essentiellement en tête. Ce plan a été bâti selon un scénario d’un théâtre principal d’opérations et d’une scène palestinienne marginale.
Aujourd’hui, un autre front, plein de nouvelles implications, pourrait s’ouvrir en Syrie, forçant probablement Tsahal à agir avec sa pleine puissance sur plusieurs théâtres possibles d’opérations, simultanément. Le Plan Gideon tient-il compte de ce scénario? Le rapport soulève la question, et on peut probablement trouver la réponse dans la partie confidentielle. Tsahal est-elle parvenue à atteindre une masse-critique en employant un armement primordial pour conduire le camp ennemi à la défaite? Probablement pas, semble indiquer la partie disponible du rapport au public.
Il peut se trouver une situation dans laquelle le Cabinet est convoqué et adopte une certaine stratégie. Par exemple, la principale menace reste Téhéran et son programme nucléaire. Il peut alors s’en référer au Plan Gideon, utiliser des chapitres sélectionnés à cet effet, et faire un cerf-volant avec le reste.
La Commission déclare qu’en ce moment, le Cabinet n’est pas guidé par Tsahal, mais que c’est l’inverse. Les scénarios de référence et les réponses adaptées sont dictées par Tsahal. La commission critique aussi le scénario de référence de Tsahal, qu’elle perçoit comme irréaliste : » Les plans opérationnels doivent s’ajuster à la situation réelle et à un examen réaliste des capacités (de réplique) ».
Les membres de la commission ne sont pas certains, en dépit de l’excellent Plan Gideon, que Tsahal soit préparé à une guerre à grande échelle (de type régional). Le rapport public comporte une phrase qui dissimule de très nombreuses pages présentes derrière elle dans le rapport confidentiel : « Le rythme de l’armement et du renforcement des troupes découle des options prises et ne comble pas toujours les écarts subsistant dans les différentes zones, que la commission a découvert au fur et à mesure de son travail… Il existe un certain nombre de domaines cruciaux qui requièrent des ajustements dans le rythme de renforcement des effectifs et moyens, y compris au détriment d’autres capacités à mettre en oeuvre ». Cette phrase pointe une difficulté qui rend impossible de dire avec certitude que Tsahal est prêt, de manière tout-à-fait appropriée, à partir en guerre, dès demain matin.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire