mercredi 2 mars 2016

Quand Serge Gainsbourg imaginait sa mort dans "Libération"


Le 2 mars 1991, il y a 25 ans, la France pleure le décès du chanteur. Les titres de Gainsbourg tournent en boucle à la radio. Le quotidien s'arrache.


Gainsbarre se barre ! J'avais 14 ans quand Serge Gainsbourg cassa sa pipe. Je chialai près d'une semaine aux abords de mon lycée, Charlemagne, dans le 4e arrondissement de Paris. J'avais mes raisons d'ado boutonneux : Gainsbourg y était né. J'allais en pèlerinage rue de Verneuil, dans le 7e arrondissement et au cimetière du Montparnasse, dans le 14e, où un chou avait été déposé sur sa tombe.
Avec les copains, on se réunissait dans une chambre de bonne pour écouter religieusement l'intégrale du dandy. Je découvrais l'album Melody Nelson, alors que je connaissais plutôt le vinyle L'Homme à la tête de chou et son entêtant "Variations sur Marilou" que je massacrai tantôt sur mon piano droit Zimmermann. 
Et puis, est paru le 4 mars 1991, ce Libération spécial Gainsbourg. Je l'ai préservé religieusement dans un carton aux côtés de la une de L'Équipe du 13 juillet 1998 : "Pour l'éternité." Le numéro de Libé se vend à plus de 800 000 exemplaires à l'époque. Un record qui a de quoi faire pâlir le quotidien d'aujourd'hui, tombé depuis longtemps sous la barre des 100 000 ventes quotidiennes...
L'entretien est signé Bruno Bayon. En 1981, il propose au chanteur de raconter sa propre mort. « Il a accepté tout de suite le principe de l'interview. Je l'ai pris de plein fouet, comme il fallait. Ça l'a sûrement angoissé, et comme il avait du cran, il l'a pris comme un vrai défi », a raconté Bayon.
 Bon, je suis mort, je fais un bilan 
Serge Gainsbourg avait presque tout prévu, sauf la date de sa mort : pas en octobre 1989, mais le 2 mars 1991, à l'âge de 62 ans.
Morceaux choisis de cette interview mythique de Libération retranscrite dans un livre de Bayon aux éditions Grasset.
- Gainsbourg : Bon, je suis mort, je fais un bilan.
- On est en quelle année ?
- Gainsbourg : On est en quatre-vingt-neuf.
- Comment ça s'est passé ?
- Gainsbourg : Ça s'est passé en octobre. Un jour froid. Une nuit froide. La nuit c'est mieux, hein ? Caniveau.
- Est-ce que tu as un message urgent pour quelqu'un de chez nous ?
- Gainsbourg : Je ne dirai pas son nom, mais je dirai : « Va te faire foutre ! »
 Est-ce que ta mort a fait monter la vente de tes disques ? 
- Est-ce que tu fais encore des trucs là-dessous ? Six pieds sous mer...
- Gainsbourg : Six pieds... non. Deux, trois kilomètres. Je suis encore en train de descendre. Plus on descend, plus la densité augmente. Je ne sais même pas si le Titanic est arrivé... la densité est telle qu'on doit faire un centimètre par...
- Par siècle !
- Gainsbourg : Non, pas par siècle... C'est très long.
- Ça s'arrange depuis que tu es mort ?
- Gainsbourg : Ce qui ne s'arrange pas, c'est dessous. C'est le merdier.
- Une question sordide : est-ce que ta mort a fait monter la vente de tes disques ?
- Gainsbourg : Énormément. « J'entends encore les rotatives... »

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