Le Parc des Princes va-t-il changer de propriétaire ? Selon Le Parisien du vendredi 2 octobre, la Ville de Paris, détentrice de l’enceinte, et la direction qatarie du club de football du Paris-Saint-Germain (PSG) ont mené des discussions à propos d’une éventuelle cession du stade de la porte de Saint-Cloud.
Quelques heures plus tard, la mairie de Paris a tenu à démentir « formellement », dans un communiqué, l’information du quotidien « selon laquelle une offre aurait été faite au Paris-Saint-Germain en vue de lui vendre le Parc des Princes ». « La Ville rappelle qu’une convention d’occupation du domaine public avec le Paris-Saint-Germain est actuellement en cours pour l’occupation du Parc des Princes jusqu’en 2044, poursuit le texte.
Elle prévoit la réalisation de travaux d’envergure pour 75 millions d’euros avant l’Euro 2016, financés par le club. (…) Cette convention comprend également une redevance au bénéfice de la Ville de Paris, composée d’une part fixe de 1 million d’euros par an et d’une part variable liée à l’évolution du chiffre d’affaires du club réalisé au Parc des Princes. La vente de l’enceinte n’est donc pas du tout d’actualité. »
Pourtant, avant même la publication du démenti, la nouvelle avait suscité des réactions, notamment à gauche. « Nous ne souhaitons pas que le Parc des Princes soit vendu, ni au Qatar ni à personne, a averti David Belliard, coprésident du groupe écologiste de Paris. Nous ne cessons de rappeler qu’il faut privilégier les baux emphytéotiques à la vente du foncier, pour garder la maîtrise du sol mais aussi, d’un point de vue économique, pour une gestion saine de long terme des finances municipales. »
« Patrimoine de tous les Parisiens »
Joint par Le Monde, Yves Contassot, conseiller vert de la Ville de Paris, souligne que « la Ville a un gros souci financier : il lui manque 300 millions d’euros pour boucler son budget 2016. » Une vue à court terme se révélerait néanmoins néfaste selon lui : « La mairie nous indique qu’il est beaucoup moins rentable financièrement de louer que de vendre. Mais dans dix ou quinze ans, quand le patrimoine sera vendu, elle n’aura plus rien. Tous les propriétaires savent ce qu’il faut faire, il est étonnant de voir que la Ville de Paris ne veut pas le comprendre. »
Au Parti de gauche, le secrétaire national Alexis Corbière s’est fendu d’un tweet pour dénoncer ce qu’il considérerait comme une attaque au « patrimoine de tous les Parisiens ».
Mais au-delà du cas parisien et du démenti officiel de la mairie, l’agitation qu’a suscité la nouvelle souligne en creux une particularité hexagonale. Contrairement aux autres championnats européens, où les plus gros clubs sont propriétaires de leur enceinte, à l’image du Real Madrid, du FC Barcelone ou du Bayern Munich, la France reste marquée par une tradition de forte implication des pouvoirs publics dans les installations sportives des clubs de haut niveau.
« En France, il est dans les mœurs que les collectivités locales financent les infrastructures sportives, contextualise Jean-Pascal Gayant, économiste du sport et auteur d’un blog pour Lemonde.fr. Mais il y a une dissociation qui devient de plus en plus évidente entre les infrastructures pour le sport loisir et celles pour le sport professionnel, comme le football. »
Depuis plusieurs années, l’implication des pouvoirs publics dans le sport professionnel a été remise en cause, à mesure que le football a continué à engranger de plus en plus d’argent. Certains clubs, de leur côté, ont tenté d’être plus autonomes. « Ce questionnement s’est renforcé en 2006, lors de la Coupe du monde en Allemagne, où l’on a découvert que les stades étaient grands, modernes et rentables et que les clubs allemands étaient corrélativement dans une bonne santé financière, explique M. Gayant.
En France, on s’est dit qu’on devait faire de même. Avec une petite différence : les clubs allemands avaient financé leurs stades, tandis que les clubs français ont continué à faire financer le théâtre de leur création de valeurs par les collectivités locales. »
L’OL, un cas à part
De fait, Nice (Allianz Arena), Bordeaux (Matmut Atlantique) et Lille (stade Pierre-Mauroy) ont construit leurs nouveaux stades, ces dernières années, en ayant recours aux partenariats public-privé. Mais avec ce système, les clubs résidents, locataires des enceintes, doivent s’acquitter de charges fixes importantes.
« Même si les clubs prétendent vouloir être maîtres de leurs infrastructures, ils n’en ont en général pas les moyens, ajoute M. Gayant. Mis à part Lyon, tous les stades sont in fine financés par le contribuable local ou national – dans le cadre de l’Euro 2016, 158 millions d’euros ont été débloqués par l’Etat pour leur construction ou leur rénovation. »
En France, seul l’Olympique lyonnais, en effet, a choisi une voie différente, se serrant la ceinture sur le marché des transferts pendant plusieurs années, afin de pouvoir se construire son « stade des Lumières », dont le coût est estimé à 450 millions d’euros, avec des financements quasi exclusivement privés.
En novembre 2014, Jean-Michel Aulas, le président de l’OL, justifiait ainsi son choix dans les colonnes de France Football : « Il y a une corrélation directe entre le fait d’être propriétaires et le fait d’être dans les 15 premiers du classement à l’indice UEFA. On a bâti un plan sur dix ans qui va nous faire passer progressivement de 20 millions d’euros par an de revenus supplémentaires à 80 millions d’euros. »
Avec l’AJ Auxerre, l’AC Ajaccio – respectivement propriétaires des stades de l’Abbé-Deschamps et François-Coty – et bientôt le Gazélec d’Ajaccio – qui est en passe de racheter à la caisse centrale d’activités sociales, pour 1 million d’euros, le petit stade Ange-Casanova – l’OL va bientôt devenir l’un des très rares clubs professionnels français propriétaires de son stade.
De nombreux commerces devraient être installés aux alentours de l’enceinte, afin d’optimiser la rentabilité des lieux.
Paradoxe
En rachetant et en agrandissant le Parc des Princes – ils souhaitent porter sa capacité de 48 000 à 60 000 places –, les Qataris pourraient ainsi augmenter les rentrées financières liées à la billetterie. Dans ce domaine tout particulièrement, les clubs hexagonaux sont en retard. Selon l’Union des clubs professionnels de football, les recettes de billetterie en France s’élevaient à 139 millions d’euros lors de la saison 2012-2013, très loin derrière l’Angleterre (682), l’Allemagne (469), l’Espagne (402) et l’Italie (182).
Si les dirigeants de l’OL ont dû mener une longue bataille juridique face à la résistance d’habitants de Décines et de certains élus, écologistes notamment, la vague d’inquiétudes que suscite l’éventualité d’une vente du Parc des Princes à la direction qatarie apparaît différente. Car là où l’Olympique lyonnais a construit son propre stade, le PSG rachèterait à une collectivité publique l’enceinte inaugurée en 1972 par Georges Pompidou. La symbolique n’est plus la même.
Ainsi, certains élus à gauche qui ont souvent critiqué que les pouvoirs publics s’investissent financièrement dans les clubs professionnels, s’opposent-ils désormais à une éventuelle cession du stade. « On peut parler de paradoxe, estime Jean-Pascal Gayant. Le citoyen voudrait que les clubs de football, qui sont sur un magot très important, financent eux-mêmes le théâtre de création de la valeur privée (le stade, en l’occurrence), mais il a aussi peur de voir cette espèce de patrimoine commun partir totalement du champ public, de la sphère citoyenne. »
http://www.lemonde.fr/football/article/2015/10/02/parc-des-princes-les-clubs-francais-proprietaires-de-leur-stade-une-exception_4781584_1616938.html
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