Le documentaire de Stéphanie Valloatton, en salles le 28 mai, et le livre l’accompagnant (aux éditions Actes Sud) rendent un bel hommage au travail des dessinateurs de presse.
«C’est un hommage à ces hommes et ces femmes caricaturistes et à la fois journalistes, artistes, humoristes et combattants : une leçon d’humanité et de courage pour chacun d’entre nous que l’on peut décliner dans tous les domaines» explique la réalisatrice Stéphanie Valloatto. Pour rendre hommage au dessin de presse et à son importance dans les sociétés modernes, elle est partie aux quatre coins du monde rencontrer douze caricaturistes. Souvent accompagné du dessinateur du Monde Plantu, figure centrale dudocumentaire, elle leur a donné rendez-vous chez eux et leur a parlé de leur travail. Dans chaque pays, en France, en Russie, en Tunisie, en Algérie, ils dérangent. En France, une caricature gênante aboutit à un passage au tribunal. En Russie, les caricaturistes ont une interdiction formelle de représenter Poutine. Le documentaire passe de l'un à l'autre en montrant que, même si les sanctions changent d'un pays à l'autre, le symbole reste le même :la liberté d'expression est en péril.
Grâce au travail de Stéphanie Valloatto et au très beau recueil qui l’accompagne (Caricaturistes, fantassins de la démocratie, éd. Actes Sud) le travail de ces «fantassins de la démocratie» est enfin mis en lumière. Des pressions qu’ils subissent aux intimidations quotidiennes, jusqu’aux bouleversantes larmes de certains, Caricaturistes permet de prendre toute la mesure des menaces qui pèsent chaque jour sur la démocratie. On passe d'une scène où Nadia Khiari taggue la maison de Ben Ali à une autre où Rayma ouvre avec émotion le courrier de soutien qu'elle reçoit quotidiennement. C’est surtout leur rire et leur indécrottable espoir qui forment le message fort du film et qui donnent raison à Boris Vian, qui écrivait que l’humour est la politesse du désespoir.
Retour sur ces caricaturistes marquants du film.
Willis from Tunis
© Europa Corp
Nadia Khiari est une jeune dessinatrice, née en 1973 à Tunis, qui a commencé à poster des caricatures sur Facebook en janvier 2011. Avec ses dessins de chats, qui représentent le pouvoir et Ben Ali, la caricaturiste fait rire ses compatriotes et remporte un immense succès. «J'ai conscience que mon chat dérange, explique-t-elle dans Caricaturistes (Ed. Actes Sud). Mais si je dois vivre dans la peur, j'arrête tout, je plie baggage et je pars.»
Zlatovsky
© Europa Corp
Après des études de science, Zlatovksy devient dessinateur de presse dans les années 70. Depuis, il dérange le pouvoir avec ses caricatures acerbes et évite plusieurs fois la prison. Malgré son immense talent, il est obligé de devenir chauffeur de taxi pour gagner sa vie, et est interdit d'exercer son métier et de dessiner Poutine. «Je montre le précipice [dans mes dessins] explique-t-il pour que les gens s'en éloignent et n'y tombent pas.»
Danziger
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Danziger est un caricaturiste américain, qui réfléchit beaucoup aux inégalités dans son pays et aux notions de patriotisme, notamment à travers des dessins sur la guerre du Vietnam. Il dessine pour de nombreux journaux parmi lesquels The New York Times, Courrier International ou le Wall Street Journal. Pour lui, «pour être un bon caricaturiste, il faut être un bon artiste.»
Zohoré
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Dessinateur de presse ivoirien, Zohoré a fondé le journal Gbich! Pour lui, la caricature est à la fois un moyen de faire réfléchir les lecteurs, mais aussi de détendre une atmosphère nationale souvent compliquée. Il a participé à analyser la situation de son pays, depuis le début des années 2000. «Quand vous faites un dessin, explique le caricaturiste, vous ne percevez pas forcément la force d'un détail, mais le villageois analphabète peut le percevoir, lui. C'est en faisant cette expérience que j'ai pris conscience de la puissance, de l'importance du dessin.»
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