vendredi 17 juin 2011

Lune de miel & hypermarché....





Lune de miel & hypermarché....

Nous venons de finir la fête de Chavouot qui vient célébrer les épousailles entre le peuple d’Israël et Dieu. La Tradition séfarade, au moment de l’ouverture du Hékhal (arche), impose même la lecture de la « kétouba » qui est le contrat de mariage que chaque couple juif possède depuis le jour fatidique où les deux inconscients se sont dit « oui ». En réalité, en h’outs laarets (en dehors d’Israël) où 2 jours de fêtes sont consacrées à cette fête, on lit même 2 kétouvot.Le premier jour pour associer Dieu, le marié, aux Enfants d’Israël, la future épouse. Et le lendemain pour unir cette fois-ci le peuple hébreu, l’homme, à la Torah, représentant la femmme .

Une sorte de ménage à trois qui à été officialisé ce fameux 6 Sivan, en l’an 2448 après la Création, devant 600 000 hommes soit environ 4 millions d’individus (femmes, enfants et vieillards compris).C’est aussi normalement le début de la Lune de Miel même s’il serait judicieux de remplacer le nectar de Rosh Hashana par un Cheesecake de circonstance.
33 siècles plus tard. Quittons les contrées bibliques du Sinaï où les deux couronnes de la Torah nous ont été remises par les anges, pour nous plonger dans la faune d’un hypermarché parisien de petite couronne celle-là, ouvert malgré le jour férié (de la Pentecôte justement).


Intéressons-nous à cette population, nombreuse, formée d’un homme et d’une femme que l’on nomme communément un couple. Surtout à l’approche des caisses lorsque le caddie de madame vient rejoindre celui de monsieur. Et que chacun découvre les emplettes de l’autre – enfin surtout monsieur.

Tendons l’oreille (et en général cet effort n’est même pas nécessaire) et admirons le décalage entre ce qui a pu être, pendant leur lune de miel, tous ces couples d’amoureux transis vivant l’un pour l’autre et ces mêmes individus en train de s’envoyer à la figure des « ah ça pour dépenser l’argent que tu ne gagnes pas, t’es la première » et autres » j’aurai dû écouter ma mère qui me disait bien de ne pas épouser un radin comme toi!« . Sans compter aussi comme le dit le Rav Benchetrit toute cette flopée d’adjectifs qualificatifs – encore et toujours absents du dictionnaire.

Oui vraiment, les Ikéa, Conforama, Lapeyre et autre Auchan demeurent des terrains d’expérimentations de premier choix pour tout sociologue du couple. La vraie réalité de l’autre se dévoile parfois entre le rayon des conserves et celui des dentifrices. Bien plus en tous cas qu’entre robes de soirée et diners au restaurant.
Mais surtout cela révèle que les relations conflictuelles entre un homme et une femme peuvent dégénérer et que toutes proportions et mesures peuvent être oubliées. Rien de nouveau évidemment (un documentaire de 1989 avec Michael Douglas et Kathleen Turner traite d’ailleurs de ce sujet, la « Guerre des Roses » ) .



Ce qui est un peu plus angoissant quand on y pense, en revanche c’est que la relation maritale est aussi et surtout célébrée entre Dieu et les juifs…
Et si nous considérons le 6 Sivan 2448 comme étant la date du mariage, on voit bien que la lune de miel n’a pas duré très longtemps.
Tout le livre de Bamidbar ( « Les Nombres » en traduction pentateuquienne) que nous sommes précisément en train de lire, peut apparaître comme une succession de scènes de ménages entre Dieu et Son peuple:



Moïse n’était il pas encore descendu de la montagne que déjà (certains) des hébreux folâtraient gaiement devant un veau d’or
La Manne céleste encore sur la table, que ces « ingrats » d’ex-esclaves réclamaient derechef de la viande



Des Princes d’Israël, qui jouant les explorateurs, vont démoraliser la Nation juive et remettre en cause un des deux plus merveilleux cadeaux d’Hachem, après la Torah, la Terre d’Israël
Korah’ qui démagogique/ment va soulever le peuple et risquer de le rompre
Inutile de rappeler l’épisode des femmes de Balaq s’offrant aux appétits de (certains de) nos ancêtres
On peut continuer avec les plaintes sur la soif, la faim, les épidémies…


Bref, vu de l’extérieur, on est tenté de dire qu’au sujet du couple Dieu-Israël, ces « deux là » sont partis d’un mauvais pied.Par dix fois en effet Moïse va sermonner les Enfants d’Israël.
Dix fois ça peut paraître beaucoup pour un peuple qui a vu et vécu ce qu’aucune autre génération avant elle n’avait pu ne serait-ce qu’imaginer: les dix plaies, la sortie d’Égypte, la traversée de la Mer des Joncs, les nuées ardentes, le Don de la Torah, la manne, le puits de Myriam, les vêtements en forfait pressing illimité, les différentes victoires militaires.Dix « erreurs » qui ont exaspérer Moïse et déçus Hachem.

Mais comme le dit Yehouda Halévy dans son Kouzari, 10 fautes en 40 ans: Mais quel peuple sur terre peut se prévaloir d’un tel palmarès ?Aujourd’hui encore ce chiffre est atteint quotidiennement en page 2 du « Figaro » (ou en couverture de « Minute ») !
Si l’on abandonne cette vision superficielle visant à condamner ce peuple d’impie, on découvre qu’au contraire même dans leur erreurs, le peuple juif demeure dans une fantastique proximité avec Dieu.Qu’il n’y a pas et qu’il n’y aura jamais un « nouvel » Israël, plus pur, plus aimant, plus jeune, plus docile.

Parce que si l’on revient dans notre hypermarché, ce couple qui se déchire sur le montant de la facture où l’option mat ou laqué du énième meuble *indispensable* à la maisonnée, ce couple donc communique, échange.Au final, lorsque l’on se dispute, ça veut surtout dire que l’on discute. Encore. Ensemble.
Ma femme m’a dit une fois:
L’inverse de la l’amour ce n’est pas la haine. C’est l’indifférence.


Par dix fois dans le désert le couple que forme les Bné Israël et Hachem, a montré qu’ils étaient concernés l’un par l’autre. Qu’aucune haine has véshalom n’est même venu ternir cette union, « juste » une qualité de « am keché oref » – ce Peuple à la nuque roide, que certains grands rabbanim francophones ont traduit malicieusement par ‘opiniâtreté’.


Que l’Amour que porte Dieu à Son peuple est entier et immuable, comme l’est en retour la soumission heureuse et sereine des juifs au travers de l’étude de la Torah et de l’acceptation des Mitsvot.Penser le contraire reviendrait à ignorer toute la pensée juive dans une de ses composantes les plus remarquables, celle du hassidisme. Un mouvement que l’on croit bien connaître de par ses représentants Loubavitch ou Breslev mais dont en réalité on ne mesure pas assez l’importance du message primordial qu’il diffuse, celui de la devequt, cette communion avec le Divin prôné comme étant le stade ultime, fusionnel, entre Hachem et Son peuple.

Rabbi Haïm de Volozine par exemple, dans son Nefesh haHaïm même s’il recadre la devequt ne dit pas autre chose : l’union qui lie Dieu à Israël est une union d’Amour. Un sentiment transcendant et immanent , moyen et fin, cause et conséquence tout à la fois.

La relation que nous célébrons à Chavouot est loin de n’être que celle que nous contemplons dans le film de Cecil B. Demille. Nous ne fêtons pas que la cérémonie de mariage. Mais d’abord est avant tout la vie de couple.

C’est par cette approche uniquement que l’on peut comprendre pourquoi dans le Talmud l’on débat sur la nature des Yamim Tovim (Roch Hachanna et les Chaloch Régualim dont fait partie Chavouot) :« Partie pour Dieu, partie pour soi » qui est la règle tranchée et appliquée de nos jours, ne semblait pas aller de soi à l’époque du Talmud : après tout si Hachem me gratifie d’un jour de Yom Tov, je devrais m’ investir tout entier dans l’étude de la Torah et ne pas gaspiller ces précieux moments à manger, me promener ou faire la sieste. La règle du Yom Tov devrait être « Tout pour Dieu » ! j’ai tellement d’autres jours dans l’année pour me soucier de mon bien-être !

Or cette discussion concerne tous les Yamim Tovim sauf un seul. Il y a une fête, pour laquelle tous les Sages sont unanimes quant au partage des plaisirs. Vous l’avez deviné, il s’agit de Chavouot.Quel plus grand paradoxe que le jour même du Don de la Torah, le Judaïsme n’en revendique pas pour autant une dédicace exclusive vers l’Étude.
Et pour quelle raison ? Parce que comme expliqué plus haut, nous ne devons pas nous contenter de célébrer le mariage, aussi somptueux soit-il. Nous devons nous installer dans la vie à deux. Parce que le jour du Don de le Torah ce n’est pas que le 6 Sivan.

Mais c’est tous les jours, à chaque instant.
Si l’on félicite un couple le jour de son union, il n’en demeure pas moins vrai que c’est la durée de ce mariage qui justifiera rétroactivement tous ces vœux de bonheur. Dans la vie à deux, au-delà des orages, des crises, des pleurs et des hypermarchés, l’essentiel de l’amour reste tout de même préservé lorsque l’on constate que la relation dure. Si certains esprits chafouins jugent hâtivement que « Lune de Miel » avec le Divin fût de courte durée, ce serait persévérer dans l’erreur que de ne pas admettre que l’union est encore d’actualité. Car qui peut expliquer ne serait-ce que la survivance du Judaïsme depuis des millénaires et malgré les crimes impardonnables à son endroit, sans le recours salvateur d’Hachem ?

Dieu n’a pas divorcé d’Israël et ne s’est pas unit avec un autre peuple – quoique certains éconduits peuvent le clamer depuis deux mille ans.

Nous avons épousé Hachem, qui en retour nous a unit à Sa Torah. C’est signé et il faut à présent d’une part respecter notre contrat et d’autres part ne pas craindre les critiques de personnes extérieures qui, tels les clients esseulés ricanant doucement des scènes de ménages près des caisses, ne réalisent pas que, l’orage passé, l’Amour reprendra sa place. Et le mari ses factures…


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