mercredi 20 février 2019

La Tunisie, c'est le pays où je suis né il y a 2000 ans...Par André Nahum :!:




Pour vous, c'est quoi la Tunisie ?

La Tunisie, c'est le pays où je suis né il y a 2.000 ans. Celui de mes 
aïeux, de mes morts, celui de mon enfance. Une terre à laquelle 
j'étais viscéralement attaché jusqu'au jour où l'on m'a fait 
comprendre qu'elle n'était plus mienne. "Tunis-la-Juive" est morte. 
Elle ne reviendra jamais plus. J'ai cru après l'indépendance qu'une 
minorité juive pourrait vivre dans un pays arabe. Je me suis trompé.


Pourquoi, selon vous, les Juifs de Tunisie ont-ils choisi l'exil ?

Je viens de vous le dire. A partir du moment où, du fait des 
nombreuses discriminations en tous genres, ils ont réalisé qu'ils 
n'auraient pas leur place en tant que citoyens à part entière dans 
cette nouvelle République, ils se sont résolus à partir. Ce ne fut pas 
de gaieté de coeur. Ce fut pour tous un déchirement que notre grand 
chanteur Raoul Journo a exprimé dans une chanson que tous les 
Juifs tunisiens ont fredonné un jour :
"Tunis, je ne peux t'oublier. 


La nuit je rêve de toi
Ô Dieu aide-moi et console-moi.... 
...Je t'ai quitté ô mon pays, pays de mes parents et de mes ancêtres.
J'ai quitté le paradis, la villégiature et la beauté
Que de regrets, que de regrets pour toi ô mon pays".

Le plus curieux dans cette histoire, le plus diabolique, c'est qu'on 
nous a poussés gentiment vers la sortie en nous faisant croire que 
l'on voulait nous garder.

Pourquoi, pour qui, maintenir vivace le souvenir d'une communauté 
juive millénaire dont seuls quelques centaines de membres sur plus 
de cent mille il y a un demi-siècle, vivent encore en Tunisie ?


Oui, nous étions près de cent cinquante mille. Il en reste là-bas un 
millier à peine. Pourquoi maintenir vivace le souvenir de notre 
communauté? D'abord, il faut que nos enfants et petits enfants 
connaissent leurs racines. Il faut leur enseigner, avec l'odeur du 
jasmin, les valeurs que nous véhiculons de génération en génération 
depuis des temps immémoriaux ainsi que notre joie de vivre et notre 
optimisme impénitent. Notre histoire est grande et belle. 


Depuis l'époque romaine, depuis la Kahéna, depuis le judaïsme de Kairouan 
au temps des Aglabides et des Fatimides. Nos ancêtres ont 
contribué à la création de ce pays. Ils se sont manifestés et ont 
souvent brillé dans tous les domaines : la médecine, la philosophie, 
la littérature, l'artisanat, le commerce, l'étude de la Thora. Pourquoi 
ne pas le dire à nos descendants ?


Par ailleurs on occulte trop souvent notre exil. Comme s'il avait été 
naturel, banal et inévitable. Il faut rétablir la vérité de l'histoire.Il 
faut que le monde se souvienne qu'un million de Juifs ont quitté de 
gré ou de force les pays arabes où ils étaient installés depuis des 
siècles et qu'ils ont dû se réinstaller par leurs propres moyens dans 
les pays d'accueil, sans aucune aide de l'ONU ni d'aucun organisme 
international. Que dans la réalité des faits, il y a eu dans ces pays un 
nettoyage ethnique parfaitement réussi.


Mais à la différence d'autres réfugiés, nous n'avons gardé pour notre 
pays natal et nos anciens concitoyens ni rancoeur ni colère, mais 
nous ne voulons pas qu'on nous oublie. Est-ce trop demander ? 

Propos recueillis par Jean-Pierre Allali


https://harissa.com/forums/read.php?56,37280

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