Des policiers en cagoule, ou le visage masqué par de grosses lunettes de protection. Ce sont les combattants du YAMAM, unité d’élite de la police, enveloppée de mystère malgré sa réputation internationale.
Le YAMAM, abréviation en hébreu de “Yeh’ida Meyouhedet Michtartit” (unité spéciale de la police) rebaptisée par les médias “Yeh’ida Mmichtartit negued ha-terror” (Unité anti-terroriste de la police) est l’unité d’intervention de la police israélienne. L’équivalent israélien du GIGN et du RAID en France ou du SWAT américain.
Zohar Dvir, préfet de la région nord, et commandant du YAMAM de 2001 à 2007, décrit ainsi l’unité : « Le YAMAM est une unité paramilitaire au service de la police. Nos hommes sont des policiers qui ont suivi un entraînement de commando si poussé qu’il est envié par toutes les forces de police du monde. Aujourd’hui nous sommes l’une des meilleurs unité d’intervention au monde – si ce n’est LA meilleure – car en plus de nos actions et expériences, nous avons gagné pendant plusieurs années consécutives des compétitions internationales inter-polices de tirs et d’interception.»
« Lorsque la police doit intervenir pour une interpellation ou une arrestation, elle a ses propres unités ou le Mishmar ha-gvoul (la police des frontières). Mais dès que cela devient plus compliqué ou dangereux, c’est à nous qu’on fait appel», explique l’adjudant E. Le colonel B, responsable des négociateurs de la police, et ancien du YAMAM, précise : « C’est l’unité des missions extrêmes.»
Les débuts de YAMAM
Tout a commencé en 1974, après l’affaire de Ma’alot. Un groupe terroriste palestinien, le FPLP avait alors pris en otage l’école de la ville et ses 105 élèves. L’armée intervint, mais cela tourna à la tragédie pour 22 enfants. C’est alors que fut décidée la création d’une unité de police spécialisée en prises d’otages ou interventions à gros risques.
Les membres de l’unité seront formés pour intervenir en un temps record dans toutes les situations d’agression sur terre, dans l’eau, dans le feu et dans les airs, via une formation acrobatique qui n’est pas sans rappeler Spiderman. Ces voltigeurs de la police ont été surnommés les “kofim” (singes) et il n’est pas rare pour le passant noctambule de Tel Aviv de les entrapercevoir la nuit s’entraînant en haut des tours Azrieli.
L’unité débute ses activités avec un tout petit noyau d’hommes, triés sur le volet, et peu de moyens. Comme elle participe aussi à la lutte contre la mafia et le grand banditisme, l’identité de ses membres est tenue secrète, et nombre de ses opérations ou réussites sont mises sur le compte de l’armée ou d’autres services de police. Le YAMAM opère ainsi dans la plus grande discrétion.
En 1988 toutefois, le YAMAM fait une entrée fracassante dans les médias avec l’affaire de “l’autobus des mères”. Un car de transport de femmes employées à l’usine atomique de Dimona est pris en otage par 3 terroristes. Après que les terroristes eurent abattu 3 passagers, l’ordre est donné au YAMAM de mener l’assaut. Les femmes sont libérées sans que l’on ait à déplorer de nouvelles victimes.
Armée ou police, destruction ou extraction, qui choisir ?
L’armée avait jusqu’alors été préférée pour ce type d’opérations, surtout Sayeret Matkal, l’unité d’Etat Major de l’armée, connue pour sa spectaculaire mission à Entebbe. Certains expliquent cette préférence par la présence écrasante de militaires au postes clé du gouvernement (tous bords confondus), qui auraient “instinctivement” tendance à confier la chose à leurs collègues d’antan, plutôt qu’à une force pourtant mieux formée à ce type de situations.
Qu’est ce qui différencie le YAMAM de Sayeret Matkal ?
L’adjudant E. écarte notre question d’un revers de la main : « Comment pouvez-vous comparer un jeune militaire de 18 ans – aussi vaillant soit il – avec un homme marié de 30 ans, ayant à son actif 10 à 15 années d’interventions sur le terrain ?» Le colonel B ajoute : « Les soldats sont très bons, mais ce sont des appelés. Nos hommes sont des professionnels qui depuis 10 ans ou plus, passent leurs journées à s’entraîner ou à être en opération sur toutes sortes de terrains. Cela leur donne une préparation et une expérience supérieure à n’importe quel adversaire.» Le Général S, actuel commandant du YAMAM, renchérit : « Les commandos de l’armée sont par définition formés à la “destruction” de cibles ou d’ennemis. Alors que les combattants du YAMAM sont formés à “l’extraction” : c’est une autre formation, et une autre spécialité. Notre mission principale, notre raison d’être, c’est de ramener tout le monde à la maison.»
“Ramener tout le monde à la maison”, cela signifie les otages, les combattants, et même les terroristes, qui doivent être capturés vivants pour être jugés, mais surtout interrogés. Ainsi, depuis la deuxième Intifada, le Shin Beth (Renseignement intérieur israélien) fait régulièrement appel au YAMAM et à ses capacités d’extraction rapide, pour capturer vivants des terroristes. « Ce n’est pas évident parce qu’il nous faut intervenir rapidement dans un environnement hostile, face à des adversaires souvent armés», confie le lieutenant L. Trois semaines après cet entretien, le lieutenant L sera grièvement blessé en tentant de capturer un terroriste à Djenine.
« Au YAMAM, chacun a été blessé au moins une fois »
Il y a aussi ceux qui ne rentrent jamais chez eux. Le cas le plus célèbre est peut-être celui de l’adjudant-chef Pascal Abrahami. Un “yamamiste” d’origine française, tué en 2011 à quelques kilomètres d’Eilat, en tentant d’empêcher un groupe armé de rentrer dans le pays depuis l’Egypte pour commettre des attentats. Après 27 ans de service et de nombreuses décorations, Abrahami (que ses hommes surnommaient “papa”) est devenu le plus vieux combattant actif de l’histoire de la police comme de l’armée. Sacrifiant ses loisirs pour son travail, il a vu défiler trois générations de policiers au YAMAM, dont certains finirent par devenir ses officiers supérieurs. Son courage, sa motivation sa modestie ont fait de lui le modèle de l’unité. Dans son bureau, le général S, entre les portraits des différents présidents et chefs d’Etat israéliens, expose fièrement une photo de Pascal Abrahami.
Un sur cent : des hommes de « valeurs »
Elitiste, le YAMAM attire beaucoup de candidats. Mais peu auront l’honneur de “porter la cagoule”. Les candidats doivent sortir de l’armée, où ils auront déjà passé 3 ou 4 ans dans des unités combattantes, de préférence des unités d’élites ou commandos. Après une première sélection, les admissibles vont passer une année de formation intensive, avec de nombreuses épreuves servant à écarter petit à petit les moins bons. A la fin de cette année “terrible” – d’après les dires des candidats – il ne reste plus qu’un candidat sur cent. « Nous ne cherchons pas des bagarreurs mais des personnalités», explique le général S. « Lors des premières sélections, nous ne retenons pas le meilleur au tir ou au combat. D’abord parce qu’ils sont déjà tous sous-officiers dans l’armée, et sont déjà très bons dans ces domaines, et aussi parce qu’avec la formation qu’ils recevront ici, ils le deviendront dans tous les cas. Mais nous regardons leur intelligence, leur rapidité de raisonnement, d’analyse, d’adaptation. Et surtout, nous jugeons leurs valeurs. Font-ils de bons compagnons ? Sont-ils capables de se dépasser ? Ont-ils du cœur ?» Car pour le général S, un policier d’élite doit avant tout être un modèle de moralité et un exemple pour la société. « Ici, c’est la fine fleur d’Israël», déclare-t-il fièrement.
Mais qu’est ce qui pousse ces jeunes à vouloir s’engager au YAMAM ?
Le préfet Zohar Dvir répond : « Risquer sa vie avec un acte spectaculaire et dangereux pour aider les autres, c’est une chose. Etre capable de le refaire tous les jours pendant 10 ans ou plus, c’en est une autre ! » L’adjudant Y. renchérit: « Celui qui ne recherche que l’action ou l’adrénaline, après s’être fait tirer dessus trois ou quatre fois – surtout s’il est marié et père de famille – vous dira ‘OK, j’ai donné, maintenant je m’en vais’. Il faut quelque chose de plus.»
Et de poursuivre : « Israël est comme une autoroute où circulent beaucoup de véhicules. Mais sous cette route, il existe une autre voie, souterraine, où travaillent des hommes, loin des spots et des médias, et qui pourtant accomplissent des exploits au service des autres – tous les jours et dans la plus grande discrétion. Pour moi, ce sont eux les vrais héros.»
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