« Gam, gam, gam », « Torah Tsiva lanou », « Siman tov oumazal tov » ou « La-El Barou’h », vous les entendez ces mélodies? Savez-vous que celles qui vous viennent certainement naturellement en tête ont été composées par Elie Botbol, le fondateur de la chorale des Chevatim?
Psychiatre de profession, Elie Botbol est aussi enseignant en kodech. Il a créé en 1979, un chœur d’enfants qui a traversé les âges et les générations. Ce passionné de musique, mais aussi de textes sacrés se distingue par son authenticité et son humilité dans son rapport à son art. Il vit en Israël depuis quelques mois. A l’occasion du Shabbat Shira, il raconte pour LPH ce »chant permanent » qu’il porte depuis des dizaines d’années.
Le P’tit Hebdo: Comment un psychiatre en arrive-t-il à fonder une chorale d’enfants?
Elie Botbol: Je crois profondément que chacun de nous est porteur d’un chant permanent. En fait, chaque élément de la création est habité par un chant. C’est ce que nous déclarons quotidiennement dans le »Nichmat Kol Haï ».
Nos textes sont remplis d’allusion au chant. Tout chante autour de nous. Le Cantique de la Mer Rouge en est une expression grandiose. Celui-ci intervient au moment d’une libération, pas seulement d’Egypte mais aussi de nos limites pour accéder à une dimension supérieure. Les Hébreux vont devenir un peuple lorsqu’ils vont chanter à l’unisson.
Chez certains, ce chant intérieur émerge, il permet d’exprimer ce qui nous habite.
Pour moi, le chant a une dimension de partage, de lien horizontal entre les hommes et vertical avec notre Créateur. Dans une salle de spectacle, autour d’un feu de camp, lors d’une réunion familiale, il est ce qui relie, ce qui crée la magie de l’instant. Lorsqu’on y fait participer l’âme, ce partage peut devenir une communion et faire lien avec le Créateur. Le Rav Kook parle de la prière permanente de l’âme qui n’est autre qu’un chant.
Voilà pourquoi, il a été naturel pour moi, de faire sortir ce chant par la création d’une chorale.
Lph: Pourquoi avoir choisi les enfants pour exprimer ce chant?
E.B.: Cela vient de mon parcours personnel. J’ai moi-même été enfant de chœur à la synagogue. Le chant de la chorale m’habite et la pureté du chant de l’enfant n’a pas d’égale.
Lph: Quels ont été les plus grands défis dans la direction d’une chorale comme les Chevatim?
E.B.: S’il y a aussi peu de chorales pour enfants comme les Chevatim, c’est parce que c’est effectivement, un défi permanent à relever. Le travail musical que nous effectuons s’inscrit dans un contexte particulier. Les enfants appartiennent à des familles pour lesquelles – et je le comprends – la scolarité est importante. Donc, nous possédons un temps limité pour les répétitions, il est difficile de prévoir des déplacements ou des spectacles tard le soir.
Diriger des enfants nécessite aussi de la psychologie, de la pédagogie parfois même auprès des parents. Le choix du soliste, par exemple, pouvait susciter des frustrations. Mais pour moi, le seul critère qui entrait en compte était celui des qualités vocales et de la présence scénique de l’enfant. Comme dans tous les arts, certains sont encore plus doués que les autres. C’est une leçon pour la vie.
Lph: Faire partie d’une chorale serait formateur pour les enfants au-delà de l’aspect strictement musical?
E.B.: Appartenir à un ensemble est très formateur. Outre la gestion des frustrations que j’évoquais précédemment, cela apprend le respect de l’autre. Dans une chorale, on doit tenir compte de tout le monde, s’intégrer dans un ensemble, ne pas couvrir l’autre, participer harmonieusement pour trouver sa place.
Et nous avons relevé ces défis, puisque nous avons traversé le temps. Nous avons sorti plusieurs disques et nous nous sommes produits à de nombreuses occasions dans des cadres communautaires mais aussi à l’Elysée devant les Présidents Nicolas Sarkozy et Shimon Peres, ou devant le Roi du Maroc. Parmi les anciens Chevatim, certains sont devenus musiciens, bénéficiant d’une expérience et d’une formation uniques.
Lph: Quand on entend vos titres, on a l’impression de les avoir toujours connus! Comment expliquez-vous cela?
E.B.: Je ne saurai l’expliquer. En tout cas, le fait que chacun se soit approprié ces chants est sans doute l’une de mes plus grandes satisfactions! Combien de fois ne me suis-je pas rendu dans un office où on entonnait »La-El Barou’h » sans savoir que c’était moi, assis là, qui avait composé cet air! C’est la beauté du chant, j’en suis heureux et touché.
Lph: »Gam, gam » a même traversé les frontières, malgré vous…
E.B.: En effet, des DJ italiens ont repris, sans mon autorisation, »Gam, Gam » et en ont fait un tube de discothèque! Nous avons été en procès, mais au-delà cela prouve à quel point ces airs, inspirés par des paroles de Torah, touchent le plus grand nombre.
Lph: Vos compositions, vos méthodes de direction de la chorale ont-elles évolué avec les années?
E.B.: Inévitablement, mes compositions ont suivi ma propre évolution affective, mon histoire tout en gardant ma griffe. Ces dernières années, comme si je préparais mon alya, j’ai composé des chansons comme »Soldat, mon frère ».
Lph: Qu’est-ce qui a motivé votre alya?
E.B.: Souvent, on pense qu’un Juif de France qui fait son alya fuit l’antisémitisme ou une situation qui se détériore en France. Pour notre part, à mon épouse et moi, il ne s’agit absolument pas de cela. Ce qui nous a fait venir, c’est essentiellement l’enseignement du Rav Kook, que j’ai essayé humblement de transmettre en France.
Eretz Israël n’est pas la cerise sur le gâteau, c’est l’essentiel du gâteau. Un Ben Israël ne peut se réaliser pleinement que sur la terre d’Israël. Il ne peut être connecté au destin de son peuple que sur la terre d’Israël; il ne peut être relié à la mission de son peuple que sur la terre d’Israël. J’ai »rencontré » le Rav Kook, il y a une dizaine d’années, il m’a fallu le temps de la maturation. On a maintenant décidé de faire arriver le moment de l’alya.
Lph: Quel est votre sentiment général, quelques mois après cette alya?
E.B.: Il est essentiel de donner à son alya une dimension spirituelle, cela renforce et aide à se soumettre à une double exigence fondamentale: la patience et l’humilité. L’alya est une véritable renaissance individuelle et collective. J’ai dû vendre mon piano à queue parce que dans mon appartement israélien, je n’ai pas la place pour le mettre; j’ai dû passer une équivalence de mes diplômes de psychiatre. Mais je sais que c’est pour le bien. Au réveil, on se dit »patience et humilité » et on est convaincu que nous sommes au bon endroit.
Lph: Tout cela ne vous a pas encore inspiré une chanson?
E.B.: Cela ne saurait tarder!
Lph: Les Chevatim en France c’est fini? Les Chevatim en Israël c’est pour quand?
E.B.: En France, nous avons fait nos adieux lors d’un concert exceptionnel organisé par la communauté de Boulogne, dont j’étais le vice-président. Lors de cette soirée intitulée »Merci et à bientôt à Jérusalem », j’avais réuni les Chevatim actuels et certains des anciens. Ce fut une soirée très émouvante.
Peut-être que je continuerai les Chevatim à Jérusalem. Si cela se concrétise, la chorale sera bien entendu composée de francophones mais aussi de non-francophones. On ne fait pas son alya à moitié. Je garde à l’esprit que les lettres d’Israël sont aussi celles de Shir – El: le chant pour D’ieu qui nous unit.
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