Elle concerne tous les écrans, toutes les classes sociales, et s’étend désormais au-delà de sept jours… La télévision de rattrapage, dont l’usage a augmenté de 25 % en 2017, joue désormais les premiers rôles.
Pas de panique, notre bon vieil écran de télé n’est pas près d’être mis au rebut. Nous consacrons en moyenne dix minutes par jour au replay, contre trois heures quarante-cinq au visionnage « linéaire » des programmes, au moment de leur diffusion à l’antenne. Mais derrière ces dix minutes se cache une révolution car elles permettent à certaines émissions de doubler leur audience. Ce replay se consomme encore essentiellement sur un téléviseur (66 %), mais aussi sur ordinateur (19 %) ou écrans mobiles (17 %…Une lame de fond concernant cette année 5,7 millions de téléspectateurs chaque jour, soit une augmentation de 25 % sur un an, selon les chiffres de Médiamétrie.
Un nouveau réflexe. De nouveaux comportements entérinés par le président Emmanuel Macron lui-même, à en juger par son intervention sur le sujet le 17 décembre face à Laurent Delahousse. Et les statistiques lui donnent raison : 75 % des Français ont déjà succombé aux avantages du différé, et notamment les jeunes de 18 à 34 ans, séduits à 86 %, pointait BVA fin octobre dans son étude annuelle sur les Français et la télé (*). « Le replay n’est plus une consommation secondaire de la télévision, comparable au DVD, résume Alain Le Diberder, directeur des programmes d’Arte. C’est un usage standard, et pour une majorité de téléspectateurs, c’est devenu insupportable de ne pas y avoir accès ». Même son de cloche à Canal +. « On parle de moins en moins de « rattrapage », pour nous c’est de la consommation pure et dure », confie t-on à la direction de la chaîne cryptée, où les films et séries réalisent désormais la moitié de leur audience en différé.
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De Paris à Marseille. Le phénomène n’a rien d’une marotte pour jeunes urbains surbookés. Au contraire, il transcende les âges, les régions et les catégories socio-professionnelles. Depuis le début de l’année 2017, 41,3 % des adeptes du replay ont plus de 50 ans, 38,7 % sont inactifs et 82,6 % habitent en dehors de la région parisienne, selon le CNC qui publie un baromètre mensuel sur la télévision de rattrapage.
La percée sur mobile. Savez-vous qui décroche 99 places dans le top 100 des replay sur PC, mobiles et tablettes ? Ce n’est pas TF1 ni M 6, pourtant classés en tête des chaînes les plus consommées en différé mais… W9, grâce à sa téléréalité, « Les Marseillais », qui gagne jusqu’à 400 000 téléspectateurs supplémentaires. C’est mieux que les cadors « Koh-Lanta » ou « Le Meilleur Pâtissier ». Et c’est grâce aux jeunes, friands de replay sur smartphones et tablettes. Lesquels, en augmentant de 20 % en 2017, jouent désormais d’égal à égal avec l’écran d’ordinateur.
Juge de touche des programmes. Dûment mesurée, l’audience du rattrapage n’est pas (encore) un critère décisif pour reconduire un programme. Mais elle pèse déjà. Ainsi, le feuilleton quotidien de TF1 « Demain nous appartient » capte 500.000 téléspectateurs de plus en moyenne grâce au replay. C’est trois fois plus que « The Voice » ! Et cela permet surtout à la série de passer en tête des programmes auprès des ménagères (22 % de part d’audience). Assez pour intéresser les annonceurs et convaincre la chaîne de commander 60 nouveaux épisodes pour une diffusion au moins jusqu’en mars.
La pub s’y intéresse. D’après le Syndicat des régies Internet (SRI), l’investissement des marques dans des programmes télé disponibles en replay représentait 30 millions d’euros en 2015. Ce montant est passé à 45 millions d’euros en 2016, soit une augmentation de 50 % en un an. « Et cela devrait même atteindre 60 millions en 2017 », évalue Philippe Nouchy, directeur de l’expertise média de PublicisMédia. Certes les annonceurs investissent toujours essentiellement dans les pubs télé « en direct » (3,25 milliards d’euros, en 2016). Globalement, pour une audience comparable, les diffuseurs engrangent moins d’argent avec le différé. « Même s’il n’y a pas de réglementation, le volume de pub est beaucoup plus faible en replay pour ne pas faire fuir les téléspectateurs », explique le spécialiste médias. Mais Stéphane Joffre, directeur des programmes de NRJ 12 et Chérie 25, se félicite que « les programmes en replay commencent à être monétisables ». Son enthousiasme pour la télé de rattrapage — « c’est le sens de l’histoire » — se comprend d’autant plus que l’une de ses émissions phares, la téléréalité « Les Anges », principalement regardée par des jeunes, cartonne en différé, pouvant gagner jusqu’à 264 000 téléspectateurs supplémentaires, soit… 63 % de son audience totale.
Rattraper… et anticiper. Sur leurs plateformes de TV à la demande, les chaînes multiplient avant-premières et autres bonus. Que ce soit le premier épisode de la téléréalité de W9 « Les Princes et les princesses de l’amour » ou celui du feuilleton de TF1 « Le tueur du lac » respectivement dévoilés sur 6Play et MyTF1 quelques jours avant leur programmation à l’antenne. Quant à Arte, elle avait carrément mis l’intégralité de sa série « Transferts » à disposition avant sa diffusion. Une pratique devenue commune, comme celle de reproposer aux téléspectateurs les saisons précédentes de certaines séries phares, avant l’arrivée des inédits à l’antenne. Comme la Une et Canal + le font avec « Clem » ou « Engrenages ».
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