Ouahh!!!! Michel Fugain est un ouragan mais un ouragan de gentillesse, de générosité et s’il est allé retrouver le bonheur et la sérénité en Corse, il n’en demeure pas moins à l’écoute du monde.On jauge la qualité d’une interview à ce que l’interview vous apporte et j’avoue être sorti de cette interview quelque peu admiratif de l’homme auquel j’ai dit ‘enchanté’ en guise de bonjour au début de notre conversation tout en lui confiant dans un fou-rire commun que je le connaissais pourtant depuis 40 ans.
Interview d’André Darm on réalisée en 2008.
André Darmon : Michel Fugain, vous êtes très attendu le 7 juillet en Israël, et par moi le premier. Dans quel état d’esprit êtes-vous, curieux, anxieux, peut-être à cause du contexte un peu particulier de ce concert ou est-ce une date comme une autre sur le parcours de votre tournée.
Michel Fugain : Chanter en Israël, bien évidemment n’est pas une date comme une autre. Je viens dans un esprit curieux, gourmand, intéressé. Je viens chanter et me retrouver devant un peuple particulier que je connais bien, qui aime la vie, je languis cette rencontre, j’attends ce moment avec impatience. Nous irons partout et en particulier c’est certain nous recueillir au Mur Occidental. Je vais vous faire une confidence, je suis le goy le plus juif de Paris. J’ai vécu tout au début de ma carrière, pendant neuf mois dans une famille juive sépharade, la famille Sindres, dont les ancêtres avaient été chassés par Isabelle la catholique. Les Sindres m’ont tous chaleureusement accueilli chez eux comme un fils, à l’époque où je n’avais pas de quoi me payer une location tout seul, et je peux dire que je sais ce qu’est une maman juive, un père juif toujours attentionné, une tante juive qui cuisinait merveilleusement. J’ai connu toutes les fêtes religieuses juives et ce fut un moment unique dans ma vie. La famille Sindres est demeurée comme une seconde famille pour moi, même si elle a été décimée par la maladie depuis. Et si j’avais un message particulier à adresser au peuple juif ce serait celui de ma reconnaissance avec en particulier ma reconnaissance avec le peuple juif parisien car lorsque j’étais au fond du trou et que je n’avais pas un sou dans les années 1980/1985 après avoir connu la gloire et bien, pour vivre, j’ai fait tous les mariages feujs de Paris. Et là j’ai découvert une communauté qui sait ce que c’est que faire la fête, des fêtes incroyables et des femmes tellement belles. La communauté juive m’a sauvé la vie. C’est une culture magnifique et à la maison on s’intéresse de près à l’histoire de la religion juive.
AD. En 1969, je me souviens avoir vu apparaitre à la télé française un grand jeune homme barbu qui chantait, ‘Je n’aurais pas le temps’, votre chanson qui par ailleurs n’a pas pris une ride. Michel Fugain, avez vous eu le temps de faire tout ce que vous vouliez faire, de faire aboutir tous vos projets artistiques. Rêvez-vous encore ?
MF. Mais je suis en plein dedans. Je n’ai jamais de chansons en stock. Je travaille en flux tendu. C’est simple. Je ne suis pas un pisse copie. Je n’ai rien, pas de chansons dans mes tiroirs. Je suis mes pulsions. Je peux composer une mélodie le soir et l’abandonner le lendemain. J’invente en permanence de la musique. Oui, je rêve encore de plein de trucs mais aujourd’hui que des choses raisonnables.
AD. Quelqu’un a écrit et je souscris à ses propos qu’il aurait pu vivre difficilement sans vos merveilleuses chansons. Michel, est-ce que les artistes et a fortiori les grands artistes ont-ils conscience du poids et de l’impact de leurs de leurs chansons, non seulement du contenu de leurs textes mais du fait que ces chansons rythment les événements de la vie des gens depuis leur naissance.
MF. J’ai mis du temps à comprendre l’importance de notre travail d’artiste bien qu’il faille tout relativiser. Car j’ai été pris dans la tornade du travail pendant des années, du succès puis ensuite de l’aventure du Big Bazar. Nous avons bossé longtemps comme des fous puis j’ai monté une compagnie théâtrale puis un atelier à Nice où je faisais travailler 60 affamés. Des affamés qui voulaient tout apprendre, tout savoir, qui prenaient tout et qui ne rendaient rien. Alors ensuite au sortir de l’Atelier, j’étais vide et j’ai voulu décrocher totalement du show business ; et pendant cinq ans je me suis occupé de courses de bagnoles, de courses de bateaux. C’est à ce moment-là avec la distance que je me suis rendu compte de l’importance de ce métier, que les gens se mariaient, divorçaient, mourraient aussi sur vos chansons. J’ai compris qu‘au bout de nos chansons il y avait des gens et des gens qui s’approprient vos chansons. Car nos mots déclenchent des émotions fortes, positives.
Je me suis aperçu qu’en tant qu’auteur que j’avais une grosse responsabilité, et qu’un homme en perdition qui écoutait ‘Chante la vie chante comme si tu devais mourir demain’, cela pouvait être dangereux. Je vois aussi après 43 ans de travail l’influence de mes chansons dans mes rapports que j’ai avec les gens, particulièrement ici en Corse. Nous avons des liens qui n’ont pas besoin de la parole. Il y du respect, on fait partie de la famille.
Dieudonné, c’est l’écume du bourbier
AD. Une question un peu plus politique, la seule. Il y a un parti en France qui s’est présenté aux européennes le parti conduit par Dieudonné et qui se proclame antisioniste mais surtout tout le monde l’a compris anti juif. Vous qui avez chanté ‘le Chiffon rouge’, vous le fils de résistant, qu’est ce que vous inspire ce parti et le personnage de ce comique qui ne fait plus rire personne depuis longtemps.
MF. Dieudonné, c’est l’écume du bourbier. Au début, je n’ai pas compris, je me suis dit Il fait sa promo ou quoi? Dieudonné c’est une tendance nauséabonde, un type qui utilise des mots qui dépassent son entendement, des mots qui ne valent rien. Il ya encore des crétins qui s’ancrent comme lui dans des attitudes indéfendables. Rien que penser à ce type qui ne fait rire personne, j’ai l’impression de me salir le cerveau. Je regardais il y a quelques jours une émission sur la collaboration Il ne faut pas oublier que la France de 40 était pétainiste. Et personne n’est capable de dire, c’est extraordinaire, je me suis trompé. . On ne va pas le fusiller, ce type n’a encore rien fait car il n’en a pas les moyens mais s’il les avait il passerait à l’action.
AD. Vous disiez avoir changé vos priorités après le drame qui a touché votre famille en 2002*. Vous disiez aussi en paraphrasant un proverbe que pour guérir d’un passé douloureux, il fallait traverser une eau.
MF. C’est un proverbe juif, vous le saviez ?
AD. Non, je ne savais pas. Avez-vous retrouvé la sérénité en Corse et est-ce que vos rapports ont changé avec le gens, avec le ciel?’Chaque jour de plus est-il un jour de trop.*’
MF. En 2002, je suis mort avec ma fille, Laurette. Cela a été une déflagration dans notre famille et tout le monde n’a pas eu la même façon de se sortir d’un tel cauchemar. Stéphanie, mon ex-femme a choisi son chemin et elle partie et je me suis retrouvé tout seul. Mais je m’en suis sorti. Puis j’ai été aidé par une personne qui est devenue ensuite ma compagne, Sanda. Elle m’a dit ‘tu n’es pas fait pour être au fond de la mer’. J’ai eu mal aux poumons mais je suis remonté à la surface. Mais j’ai la vie chevillée au corps. C’est parce que l’on meurt que l’on peut revivre. Il faut savoir mourir pour revivre. J’ai une cicatrice ouverte et je n’ai pas envie qu’elle se referme. J’avance avec elle. Il faut regarder la vie, ne pas la perdre de vue, ne pas en perdre une miette.
Il faut vivre sa vie, bordel!
AD. Est-ce à dire que vous qui avez chanté ‘l’Amour est une forteresse’, autre admirable chanson, peut-on vous demander même si cette question effleure un peu ce que j’appellerais le people si vous avez escaladé avec succès cette forteresse.
MF. On va essayer de depeopliser cette question. Sanda, ma compagne est musicienne, roumaine ce qui veut dire qu’elle a l’oreille absolue. Il y a un dialogue permanent entre nous une complicité totale. J ai retrouve grâce à elle un statut de jeune homme. Elle n’est jamais bien loin, elle est vigilante et croyez moi avec elle un si bémol est un si bémol. Je n’ai qu’à faire de la musique à coté d’une femme que j’aime. Je vais me dévorer de bonheur jusqu’à la fin de mes jours jusqu’au jour elle me fermera les yeux. Des fois, il m’arrive d’avoir peur de tout de ce bonheur, oui j’ai peur. De payer.
AD. Mais Michel, vous avez déjà payé
M.F Vous avez raison.
2002* Laurette, la fille de Michel et Stéphanie Fugain décède d’une leucémie à 22 ans
‘*Chaque jour de plus, chanson de Michel Fugain.’

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