En 1973, la nouvelle ambassade de France à Varsovie est truffée de micros. Aspiro, le service chargé du "nettoyage", va entièrement désosser le bâtiment !
Le MI6 britannique a ses sweepers, ses « balayeurs », chargés de nettoyer les bureaux de tout système d'écoute indiscret. Formés à leur école au temps de la France libre, les services secrets français ont perfectionné la technique, comme l'indique le surnom donné à la section compétente : Aspiro. Ses techniciens font le tour du monde des extraterritorialités françaises, passant au peigne fin nos ambassades, consulats et résidences officielles.
Quand leurs détecteurs repèrent une « attaque », c'est-à-dire la présence de micros ou de caméras, la riposte peut aller jusqu'au désossage complet du bâtiment : ce fut le cas en 1973, dans la toute neuve ambassade de France à Varsovie, dont l'architecture futuriste incluait un impressionnant réseau de capteurs.
« Très graves lacunes »
Le 5 janvier 1973, Alexandre de Marenches, directeur général du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), alerte le ministre des Affaires étrangères, Michel Jobert. Un rapport d'inspection démontre que l'ambassade est truffée de micros : « Outre l'importance du matériel clandestin découvert, ce rapport fait ressortir l'extrême vulnérabilité en matière de sécurité de l'ambassade pratiquement ouverte aux services adverses.
» Ravi sans doute de prendre en défaut les diplomates, « Porthos » mobilise ses mousquetaires : « Vous conviendrez avec moi […] que des dispositions doivent être prises d'extrême urgence pour parer à ces très graves lacunes, et mon service se tient dès maintenant à la disposition du département des Affaires étrangères pour lui apporter toute l'aide nécessaire. »
« Une véritable merveille d'électronique miniaturisée »
Construite entre 1963 et 1971, l'ambassade de France à Varsovie accueille donc l'équipe Aspiro et ses 300 kilos de matériel. Les nettoyeurs font des saignées dans les murs, démontent les plinthes, creusent des fossés extérieurs pour couper les câbles qui transmettent les informations aux « grandes oreilles » polonaises. Au cours d'une visite, le député de Paris Jacques Marette découvre avec surprise « l'ampleur de cette installation », qu'il révèle à ses collègues, dans l'hémicycle, le 12 novembre 1973 :
« Celle-ci se prolongeait par un réseau de câbles souterrains à travers le jardin. Nos services n'ont pu aller plus loin car l'extraterritorialité de l'ambassade s'arrêtait là. Pendant plusieurs semaines, il a fallu arracher les parquets, défoncer les plafonds, démonter les colonnes… » Ingénieur de formation, ancien ministre des Postes et télécommunications de Georges Pompidou, il ne peut s'empêcher de saluer « une véritable merveille d'électronique miniaturisée qui permettait d'écouter tous nos diplomates, tous nos attachés militaires et commerciaux, dans tous leurs bureaux, certains même en son stéréophonique.
Quarante-deux micros ont été découverts et mis hors service jusqu'à présent » !
Un pilier « microté » orne aujourd'hui le musée secret d'Aspiro, à côté d'une cale de porte creuse, qui, à Prague, dissimulait un mouchard dans la salle de réunion de l'ambassadeur. Ces témoignages émeuvent les anciens du service, nostalgiques des réseaux filaires – rendus inutiles par les nouvelles technologies. « Ces choses-là, monsieur, ça tue le métier ! Les gens se fliquent eux-mêmes, aujourd'hui… »
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