Il est connu comme le maître de l’art muet. Mais sa plus belle prestation fut d’avoir risqué sa vie pour sauver celles de centaines d’orphelins pendant la Shoah.....
Marcel Marceau, le légendaire artiste mime, ne s’est pas contenté de divertir les foules avec ses gesticulations comiques et gracieuses ; il a également sauvé des vies, dont celles de centaines d’orphelins pendant la Shoah.
Adolescent, il met à profit ses talents d’acteur pour contourner la menace nazie. Membre de la Résistance pendant l’occupation, il se déguise en chef de patrouille scout et évacue un orphelinat juif. Il commence par convaincre des enfants de l’est de la France qu’il les emmènerait en vacances dans les Alpes. Puis une fois sur place, il les affuble d’uniformes scouts, et les conduit jusqu’à la frontière suisse au nez et à la barbe des Nazis. Durant tout ce périlleux périple, il s’assure le silence des petits fugitifs grâce à ses mimes, évitant ainsi au groupe d’être repéré.
« Il mimait pour sauver sa vie et celle des autres » explique le réalisateur de documentaires Philippe Mora dont le père fut le partenaire de Marceau pendant la Résistance.
Marcel Marceau, de son vrai nom Marcel Mangel, naît le 22 mars 1923 dans une famille juive strasbourgeoise. Il découvre le pantomime dès l’âge de 5 ans à travers les films du légendaire Charlie Chaplin et régale ses petits camarades de parfaites imitations de l’icône du cinéma muet. Et pendant plus de 60 ans, aux quatre coins du monde, il ne cessera de pratiquer ce qu’il se plait à appeler « l’art du silence ».
En 1940, les troupes allemandes envahissent le Nord-Ouest de la France et les Juifs d’Alsace sont évacués vers la zone libre. Le futur artiste prend alors le pseudonyme de Marceau pour camoufler son identité juive.
En 1942, Marcel et son frère aîné se réfugient à Limoges où ils s’engagent dans la Résistance. Faussaire de génie, Marcel falsifie les dates de naissance sur les papiers d’identités d’innombrables jeunes français, juifs comme non-juifs. Il espère ainsi leur permettre d’échapper aux camps de travail allemands, ou au STO (service du travail obligatoire) dans les usines allemandes sous prétexte qu’ils n’en ont pas l’âge requis.
« Ce que j’ai fait pendant la guerre n’est qu’une humble contribution aux agissements des héros qui ont donné leur vie en ces temps de danger. »
Pour autant, Marceau ne s’est jamais considéré comme un héros : « Je n’aime pas parler de moi, parce que ce que j’ai fait pendant la guerre n’est qu’une humble contribution aux agissements des héros qui ont donné leur vie en ces temps de danger » a déclaré Marceau en 2001 dans une allocution à l’université de Michigan, où il a été décoré de la médaille Raoul Wallenberg, au nom du Juste parmi les nations qui a sauvé des milliers de Juifs d’une mort certaine pendant la Shoah. « Pensez aux soldats américains qui approchaient de la Normandie et ont été tués de manière tragique avant même d’avoir débarqué en France. »
« Malheureusement, nous ne pourrons jamais éradiquer le mal. Mais le bien existe au sein de la majorité des hommes. Je n’évoquerai que brièvement mes propres actions. Il est vrai que j’ai sauvé des enfants, en les faisant passer jusqu’à la frontière suisse. J’ai falsifié des cartes d’identité avec mon frère quand cela était très dangereux parce qu’on pouvait vous arrêter si on découvrait que vous étiez membre de la Résistance. J’ai aussi falsifié d’autres papiers, non pas pour sauver uniquement des Juifs et des enfants, mais pour sauver des non-Juifs et des Juifs, plus particulièrement des non-Juifs parce qu’il y avait une loi dans la France occupée sous le gouvernent de Vichy qui obligeait les jeunes hommes français âgés de 18, 19 ans à travailler dans des usines en Allemagne pour la Wehrmacht. Alors j’ai eu l’idée de soudoyer les fonctionnaires, et de retoucher les photos d’identité des gens pour les rajeunir. »
Puis l’artiste de prévenir la foule : « Ne faites jamais parler un mime, parce qu’il ne s’arrêtera jamais. »
Alors Marceau parle. Il parle de ses talents d’acteur qui lui ont permis de sauver des vies.
Il parle de son père, qu’il n’a pas eu la chance de sauver. Le vieil homme, ancien boucher de la communauté polonaise de Strasbourg, périt à Auschwitz. « J’ai pleuré pour mon père, confie Marceau, mais j’ai aussi pleuré pour ces millions de gens qui sont morts. »
C’est d’ailleurs la toute première fois qu’il parle de son expérience pendant la Seconde Guerre mondiale. Un silence qui, pour Irène Butter, professeure émérite de Michigan et elle-même rescapée de la Shoah, n’a rien de surprenant : « Marcel Marceau est connu comme le Maître du Silence – il a certainement dû être particulièrement difficile pour lui de briser son silence à propos de cette période tragique de sa vie. »
C’est pourtant ce même silence sur lequel il a construit sa carrière.
En 1944, à la libération de Paris, Marceau s’engage dans l’armée française où il sert aux côtés de soldats américains. Décembre 1945, bien que la guerre soit officiellement terminée, il est encore mobilisé. À Francfort, il rencontre le capitaine Parker, un haut-gradé de l’armée américaine qui lui demande ce qu’il compte faire plus tard dans la vie. « Je veux être pantomime, vous savez comme Chaplin, Keaton. Je veux faire du théâtre muet » réplique-t-il.
À la demande du militaire américain, Marceau fait une petite démonstration de ses sketches fétiches : la marche contre un vent inexistant, l’ascension d’un escalier imaginaire et le combat contre un ennemi invisible. Il n’en faut pas plus à Parker pour se convaincre de ses talents et lui confier la lourde responsabilité de divertir les 3000 soldats que compte sa troupe… Ce sera sa première rencontre avec le public américain lequel ne cessera dès lors de l’encenser.
Jusqu’à sa mort à l’âge de 84 ans, Marceau se produit quelques 300 fois par an et enseigne à l’École internationale de mimodrame de Paris qu’il a lui-même créée. En mai 2016, il aurait eu 93 ans. L’artiste qui a conjugué poésie est silence s’est éteint à Paris le 22 septembre 2007, jour de Yom Kippour.
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