jeudi 10 décembre 2015

Foued Mohamed-Aggad, troisième kamikaze du Bataclan, voulait « tout exploser » en France....


L’enquête sur les attentats de Paris a permis finalement d’identifier le dernier kamikaze du Bataclan. Il s’agit de Foued Mohamed-Aggad, un Strasbourgeois de 23 ans. Il était le seul nom manquant des trois membres du commando qui a tué 90 personnes dans la salle de concert, le 13 novembre.


Omar Ismaïl Mostefaï, un Français de 29 ans, né dans l’Essonne, et Samy Amimour, 28 ans, originaire de Seine-Saint-Denis, avaient déjà été identifiés. Les enquêteurs ont réussi à confirmer sa participation en fin de semaine dernière grâce à la comparaison de son ADN avec ceux de certains membres de sa famille.

Comme les deux autres terroristes, Foued Mohamed-Aggad a effectué le djihad en Syrie. Son départ date de décembre 2013. Une période qui coincide avec les départs d’Omar Ismaïl Mostefaï et Samy Amimour. Le premier a été repéré en Turquie — porte d’entrée traditionnelle vers la Syrie — à l’automne 2013, le second a quitté la France en septembre 2013.

Dans un bar à chicha de Kehl


Foued Mohamed-Aggad faisait partie d’un groupe de dix Strasbourgeois, âgés de 23 à 26  ans, originaires du quartier de la Meinau, qui s’étaient tous volatilisés en même temps. Ces dix copains de ce quartier populaire de Strasbourg avaient leurs habitudes dans un bar à chicha de Kehl, sur l’autre rive du Rhin, en Allemagne.
C’est là qu’ils ont élaboré leur voyage, en  2013. Ils reçoivent l’aide de Mourad Farès, soupçonné d’être l’un des principaux recruteurs français — il a été mis en examen et placé en détention provisoire à son retour de Syrie.

Les amis planifient un départ échelonné, pour ne pas donner l’alerte à leurs familles. Ils doivent se retrouver à Hatay, en Turquie, dans un hôtel proche de l’aéroport, vers la mi-décembre. Foued Mohamed-Aggad est l’un des derniers à être arrivé au point de rendez-vous, le 17  décembre  2013, après avoir raté son avion. Il contacte alors sa mère pour lui dire qu’il est à Toulouse. Comme son frère, Karim, il avait quitté le territoire français avec environ 6 000 euros.

La famille de l’un des deux amis avec qui il devait prendre le vol était venue à l’aéroport de Francfort pour tenter de le décourager — avec succès puisque le jeune homme renonce, laissant Foued Mohamed-Aggad partir avec Mohamed H., sans lui.
Devant les enquêteurs et les juges d’instruction, à leur retour en France, tous ont louvoyé entre reconnaissance, à demi-mot, de leur implication dans le groupe Etat islamique (EI) et assurance qu’ils voulaient «  faire de l’humanitaire  »

«  Nous avons décidé d’aller en Syrie pour voir comment cela se passait vraiment. Nous en avions marre d’écouter les dires des uns et des autres, de voir des vidéos et nous avons décidé d’aller sur place en immersion pour nous faire notre propre idée  », explique l’un d’eux.


« Si je rentre en France, c’est pas pour aller en prison. C’est pour tout exploser »


Mais une chose est sûre  : une fois sur place, certains s’adaptent mieux que d’autres aux rigueurs du djihad. Le groupe des Strasbourgeois a suivi un entraînement de deux semaines, mêlant sport, cours théoriques sur le maniement des armes, de la kalachnikov jusqu’à la grenade. Dans le téléphone portable de l’un d’eux, les enquêteurs découvrent une photo de Foued Mohamed-Aggad tout sourire, affublé d’un bandeau aux couleurs de l’EI.

D’abord réunis près d’Alep, les Strasbourgeois sont chassés par les bombardements de la coalition américaine. Les frères Mohamed-Aggad quittent leur camp en pleine nuit à bord d’un pick-up, direction Rakka où ils passent trois jours avant de rejoindre la ville de Shadadhi. L’un des jeunes hommes a expliqué plus tard aux juges que Foued Mohamed-Aggad avait fini par s’enfermer « dans son délire et il a dit qu’il partait au combat ».

Deux membres du groupe, les frères Mourad et Yassine Boudjellal, sont alors tués, à un check-point, selon les témoignages des survivants.

La suite est plus floue. Certains d’entre eux assurent avoir voulu rentrer en France et avoir été ensuite séquestrés par l’EI. En tout cas, tous tentent de revenir. Tous, sauf un  : Foued Mohamed-Aggad. C’est son épouse religieuse, actuellement en Syrie, qui a prévenu par SMS la mère de ce dernier qu’il était mort à Paris.

Son frère Karim retourne à Strasbourg sans lui. Les retours s’échelonnent à partir de février  2014, après seulement quelques semaines sur place. Ils avaient finalement tous été interpellés en mai  2014, mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et placés en détention provisoire.

En avril 2014, la mère des frères Mohamed-Aggad relatait à Karim le contenu d’une conversation avec Foued, qui lui avait dit qu’il espérait mourir en martyr durant le ramadan. Les enquêteurs retrouveront dans l’ordinateur portable de Karim Mohamed-Aggad un message de Foued, datant de mars 2014, dans lequel il explique à une certaine Hadjira :
« Si je rentre en France, c’est pas pour aller en prison. C’est pour tout exploser, alors me tentez pas trop à rentrer. »

« J’avais un doute par rapport à la naïveté de Foued »

Les camarades interpellés de Foued Mohamed-Aggad ont expliqué pendant l’instruction avoir été choqués des atrocités qu’ils ont constatées en Syrie. Devant les policiers, l’un d’entre eux décrit l’évolution de l’individu, alors que tous se retrouvent séparés dans l’est de la Syrie  :
« J’avais un doute par rapport à la naïveté de Foued. Au départ je pense qu’il voulait faire de l’humanitaire, mais par la suite, par son discours, c’était plus le même. »
Le policier insiste  : «  Avez-vous vu vos amis avec des armes  ?
– J’ai entendu dire qu’ils avaient pris les armes, mais je ne l’ai pas vu. Une fois, j’ai vu un groupe avec des armes, mais ils avaient des cagoules, je sais pas si c’était mes potes.
– Vos amis vous ont-ils dit s’ils avaient combattu  ?
– Non, mais je suis sûr que certains ont combattu.
– Qui ?
–  R., Foued, et K., car j’avais vu un gars encagoulé qui semblait lui ressembler, il avait la même démarche. 

C’est plus de la déduction par rapport à ce qu’ils disaient.  »

L’instruction sur cette filière dite de Strasbourg est close, et le parquet de Paris avait rendu son réquisitoire définitif début octobre.

http://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/article/2015/12/09/qui-etait-foued-mohamed-aggad-le-dernier-kamikaze-du-bataclan-identifie_4827693_4809495.html

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