vendredi 30 mai 2014

Djihad français en Syrie… Pourquoi pas ?


Entretien avec Alain de Benoist..


Certains prétendent que les « jeunes » ne croient plus à rien. En même temps, on nous annonce qu’en France plusieurs centaines d’entre eux sont prêts à risquer leur vie pour s’en aller mener le djihad en Syrie, un peu comme d’autres idéalistes autrefois durant la guerre civile espagnole. Faut-il s’en inquiéter ?
Il y a certes eu la guerre d’Espagne. Il y a eu aussi le cas de ces jeunes Français qui, dans un passé plus ou moins récent, sont allés se battre au Congo, en Rhodésie, au Liban, en Birmanie ou encore en Croatie. N’oublions pas non plus que nous sommes à une époque où le mercenariat, par l’intermédiaire des compagnies militaires privées, est en pleine expansion. Le cas des quelques centaines de jeunes djihadistes français est un peu différent dans la mesure où on leur suppose des motivations religieuses. 
Que les autorités françaises s’en préoccupent est légitime, qu’elles s’inquiètent des attentats qu’ils pourraient commettre à leur retour en France (pour autant qu’ils reviennent) l’est également. Mais elles seraient mieux placées pour le faire si le président Hollande n’avait pas explicitement déclaré, dès le sommet du G20 de juin 2012, qu’il convenait de reconnaître la rébellion armée djihadiste comme seule représentative de la légitimité syrienne. 
Fin août 2013, la France, qui s’apprêtait à faire la guerre à la Syrie, ne s’en est abstenue que parce que les Américains ont eux-mêmes renoncé aux bombardements. Si les jeunes djihadistes français devaient passer devant les tribunaux, leurs avocats pourraient faire valoir qu’ils n’ont après tout que cherché à soutenir ceux que le gouvernement français a lui-même désignés comme les représentants du Bien. En clair : qu’ils ont fait en petit ce que Hollande voulait faire en gros.
Ce qui est frappant, dans le comportement de ces adolescents, c’est leur propension à multiplier les « selfies » et à les diffuser sur les réseaux sociaux. Le djihad, forme ultime de la télé-réalité et prolongement des jeux vidéo du type Call of Duty ?
Il peut y avoir de cela, puisqu’on nous répète qu’ils ont été « conditionnés » par ce qu’ils ont vu sur Internet. Mais si c’est le cas, ils ont dû vite déchanter. Dansla vraie vie, la guerre civile est tout autre chose qu’un jeu vidéo ! Les jeunes djihadistes tués en Syrie dans les rangs du Front al-Nosra, proche d’Al-Qaïda, en savent quelque chose. Retour au principe de réalité. 
Mais il serait naïf de leur attribuer à tous le même profil. Xavier Raufer indiquait ici même qu’il y a parmi eux bon nombre de délinquants juvéniles et de bandits confirmés, ce qui est en effet probable. Mais en fait, il doit y avoir de tout. Il y a aussi les« influençables », les « vulnérables », ceux qui se sont fait « laver le cerveau »et qui se sont imaginé qu’ils allaient participer à une forme inédite de télé-réalité. Et puis, il y a ceux qui y croient vraiment. Sans qu’on puisse tout expliquer par la « manipulation » et « l’endoctrinement ».
Pareil engagement, même dénaturé et régurgité à la sauce salafiste, n’offre-t-il pas finalement à des jeunes en quête de repères un modèle plus « enthousiasmant » que ce qu’ils voient autour d’eux ?
C’est une autre question, mais qu’on ne peut éviter de poser. Les experts nous exposent gravement que les jeunes djihadistes sont des enfants qui ont « perdu leurs repères ». Et s’ils les avaient au contraire trouvés ? Même un idéal dévoyé reste un idéal ! Allons plus loin : est-il si anormal, quand on a dix-huit ou vingt ans, de rêver de s’engager, de combattre et de mourir pour quelque chose à quoi l’on croit ? 
De vouloir donner un sens à sa vie en partant rejoindre une zone de front ? Est-ce vraiment plus normal de ne s’intéresser qu’au football, aux jeux télévisés et à ses points de retraite ? La société actuelle, qui a consacré le type du narcissique immature, l’Europe actuelle, impuissante et paralysée, la France actuelle, vidée de son énergie, sont-elles encore capables de comprendre l’attirance du combat ? Et nous, sommes-nous encore capables de lire ces lignes du poème de Victor Hugo « L’Enfant » : 
« Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l’oiseau merveilleux ? / – Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus, / Je veux de la poudre et des balles » (Les Orientales, 1829). Qu’a-t-on à proposer aux jeunes tentés par le djihad, à part boulot-métro-dodo-vidéo,abonnement à vie à Pôle emploi, smartphones et désespérance sociale ? Où est le grand projet collectif auquel ils pourraient s’associer ? Quel motif leur a-t-on donné de s’enthousiasmer pour une idée qui les dépasse ?
Jérôme Leroy évoquait récemment ces « jeunes prêts à mourir autrement que d’une overdose dans les toilettes d’une boîte de nuit ou dans un accident de la route, ces jeunes qui ont du mal à faire de leur seul horizon historique la lutte contre les déficits et la mission de tenir héroïquement dans les tranchées du 3 %, en bons soldats de l’austérité à cinquante milliards d’euros le plan, ces jeunes qui trouvent qu’un destin tragique est plus intéressant qu’une existence mécaniquement morne et qu’il vaut mieux une fin effroyable à un effroi sans fin »
On leur reproche, à ces dévoyés, de ne pas aimer la France. Mais aujourd’hui, franchement, en quoi est-elle aimable ?

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