C'est probablement à Delos, au centre des îles qui composent les Cyclades, légendaire ville d'Apollon, que la première synagogue a été établie en diaspora. Cette aire parmi les plus sacrées de l'antiquité est aujourd'hui une île déserte seulement approchée par quelques pêcheurs et touristes.
Peut-on résumer par cette image le destin de la communauté juive de Grèce et par-delà elle, de la diaspora ?
Tel ce petit village d'Astérix, une communauté résiste et subsiste depuis la Grèce antique. Elle est originaire de Ioannina, en Epire, et relève le défi d'avoir traversé plus de 2000 ans d'histoire.
Trace de cette présence ancienne, elle est hellénophone, voire yévanicophone, et n'est ni ashkénaze, ni sépharade, mais romaniote. Le Talmud qu'elle suit n'est pas celui de Babylone, mais de Jérusalem.
Si la Shoah a détruit la plupart de ses membres, ceux qui restent souhaitent ne rien oublier, même lorsqu'ils vivent en France ou ont fait le choix d'Israël.
À l'occasion de la commémoration des 70 ans de la déportation des Juifs de Ioannina, ville si inconnue, le CRIF a souhaité rendre toute sa signifiance à l'expérience des Juifs de Grèce.
Michel Azaria, vice-président de « Judéo-Espagnol A Auschwitz » explique la reconnaissance progressive de l'expérience grecque de la Shoah, particulière de par l'ethnicité des communautés touchées, « romaniotes » et « sépharades » et dont on espère qu'elle sera mieux connue du public par la mise en place du « Pavillon grec » à Aushwitz en 2015, à l'occasion du 70ème anniversaire de la libération des camps.
Afin d'approfondir le contexte, Aure Recanati, vice-présidente et Isaac Revah, membre du bureau d'Aki Estamos, reviennent sur l'histoire de ces deux communautés en Grèce jusqu'à la Shoah. Benjamin Albalas, président de l'organisation représentative de la communauté juive contemporaine, le KIS, expose quant à lui la situation actuelle de la communauté juive grecque prise dans la tourmente de la crise qui frappe durement la Grèce contemporaine, qui préside depuis le 1er janvier 2014, l'Union européenne.
C'est par une écriture plus libre que nous avons voulu faire vivre ces Juifs originaires de Grèce dont le fameux auteur francophone Albert Cohen a su nous rendre dans son œuvre tout l'épique. Nous sommes très reconnaissants envers le psychanalyste Henri Cohen Solal, dont on connaît l'infatigable travail auprès des enfants en souffrance de toute origine, pour son témoignage personnel des « parfums et des forces de vie » que lui a transmis sa grand-mère, «de la lointaine Ioannina à Paris».
Merci également au médecin hypnothérapeute Maurice Soustiel de nous avoir livré en exclusivité un chapitre de son livre qui traite du retour d'Auschwitz à Paris, d'un Juif salonicien et nous rappelle ainsi qu'il y eut parmi les déportés et les victimes de la Deuxième Guerre mondiale en France des Juifs d'origine grecque.
Après le moment des soignants, ce dossier donne la parole à la génération des trentenaires, confrontés pour la première fois à la question de la transmission. «Irons-nous à Ioannina ? », « Irons-nous à Jérusalem ? ». Ces deux questions, nous nous les sommes posées, avec Samuel Cohen Solal, gérant de patrimoine et avocat.
Se rencontrer près d'une centaine d'années après la naissance de nos grand-mères à Ioannina, ressentir une très grande proximité ethnique, se poser la question du retour ensemble sur les lieux du malheur et du bonheur pour savoir transmettre; et indiquer deux chemins qui traversent moins des espaces que le temps et l'identité : « Juive hellénisée » emblématique de la diaspora et Israélien, « De la Grèce à Jérusalem ». Jusqu'au bout, être si proches, et ne pas être mêmes.
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