Flottille pour Gaza : la Turquie veut engager des poursuites...
LEMONDE.FR
L'ambassade de Turquie à Washington a indiqué que la Turquie allait engager "des poursuites en justice contre les soldats israéliens et tous les autres officiels responsables des crimes commis et mettra en œuvre ce sujet avec détermination". Plus tôt dans la journée de vendredi, la Turquie annonçait qu'elle expulsait l'ambassadeur d'Israël et suspendait tous ses accords militaires avec le pays, où elle réduit ses représentations diplomatiques.
Ces tensions grandissantes entre Tel-Aviv et Ankara font suite à la publication d'un rapport de l'ONU sur l'assaut israélien contre la "flottille pour Gaza", qui a coûté la vie à neuf Turcs en 2009. Les rédacteurs du texte y invitent Ankara et Tel-Aviv à renouer des liens diplomatiques pleins et entiers, "raccommodant leurs relations dans l'intérêt de la stabilité au Moyen-Orient".
Les Etats-Unis ont enjoint Israël et la Turquie, deux de leurs proches alliés, à faire en sorte d'améliorer leurs relations malgré cette crise diplomatique. "Nous espérons (que les deux pays) vont continuer à chercher le moyen d'améliorer leur relation ancienne, et nous allons les encourager tous deux dans ce sens", écrit Victoria Nuland, la porte-parole du département d'Etat, ajoutant que les Etats-Unis "regrettent profondément les vies perdues et les blessures subies" parmi les passagers de la flottille. L'administration américaine n'a fait aucun commentaire sur le document, qu'elle continuait à étudier.
"UNE RIPOSTE EXCESSIVE ET DÉRAISONNABLE"
Le texte, publié officiellement après avoir été révélé jeudi 1er septembre par le New York Times, reconnaît la légalité du blocus naval de Gaza. Dans ce document, les Nations unies estiment que le commando israélien a trouvé face à lui lors de l'assaut "une résistance violente et organisée de la part d'un groupe de passagers". Mais il qualifie la riposte d'"excessive" et "déraisonnable", assurant que les pertes humaines sont inacceptables. Le 31 mai 2010, le raid israélien avait fait neuf morts. "La décision d'Israël de prendre le contrôle des bateaux avec une telle force à grande distance de la zone du blocus et sans mise en garde préalable était excessive et déraisonnable", conclut l'enquête, menée par l'ancien premier ministre néo-zélandais Geoffrey Palmer.
Ce rapport ajoute néanmoins que la flottille, composée de six bateaux, "a agi de façon imprudente en essayant de forcer le blocus naval" mis en place autour de Gaza, un territoire palestinien contrôlé par le mouvement islamiste Hamas. L'enquête invite Israël à exprimer "une déclaration appropriée de regret" pour ce raid et à verser des dédommagements aux familles des huit Turcs et de l'Américain d'origine turque tués lors de l'intervention, ainsi qu'aux blessés.
Après le raid, qui s'était déroulé dans les eaux internationales, Ankara avait rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv et assuré que les relations bilatérales ne seraient "plus jamais les mêmes". Le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, avait prévenu samedi que si Israël continuait à refuser de présenter ses excuses pour l'abordage, les rapports bilatéraux se détérioreraient davantage. L'Etat hébreu s'était dit prêt à exprimer ses regrets et à verser des fonds "à titre humanitaire" aux parents des victimes, mais n'a pas voulu s'excuser pour ne pas exposer ses soldats à des poursuites judiciaires.
ISRAËL REFUSE DE S'EXCUSER
"Israël exprime à nouveau ses regrets pour les pertes en vies humaines, mais ne s'excuse pas pour cette opération. Israël, comme tout autre pays, a le droit légitime de se défendre", a commenté vendredi soir le bureau du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. Dans un communiqué, le chef du gouvernement souligne qu'Israël accepte avec des "réserves ponctuelles" le rapport de l'ONU sur cette opération. Ces réserves portent sur la critique, explicite dans le rapport, d'un usage de la force "excessif et déraisonnable" par l'armée israélienne.
"Israël reconnaît l'importance historique des relations entre les peuples juif et turc et a fait des tentatives ces dernières semaines pour les maintenir en espérant que sera trouvé un moyen de surmonter les divergences", a souligné le communiqué.
Mais, sur le fond, Israël a maintenu ses positions concernant le fiasco de la flottille. Au cours des derniers mois, l'Etat hébreu s'est dit prêt à exprimer ses regrets et à verser des fonds "à titre humanitaire" aux parents des victimes, mais a refusé de s'excuser pour ne pas exposer ses soldats à des poursuites judiciaires. "Les soldats israéliens ont été agressés par des dizaines de militants violents de l'organisation [turque] IHH qui étaient armés de couteaux, de barres de fer. Les soldats ont été contraints de se défendre", a martelé le gouvernement israélien.
A Ankara, le président turc Abdullah Gül a déclaré à la presse que "le gouvernement israélien, qui devrait mieux analyser les événements qui se déroulent au Proche-Orient, manque complètement de stratégie". "La Turquie recherche la paix et la stabilité. Israël doit prendre des mesures dans la région pour parvenir à la paix et à la stabilité", a-t-il ajouté.
Le Hamas, qui avait auparavant jugé le rapport "injuste" et "déséquilibré", a dit "se réjouir de la décision [de la Turquie] d'expulser l'ambassadeur israélien et considère qu'il s'agit d'une réponse qui va de soi au crime israélien" sous la voix de l'un de ses porte-parole, Sami Abou Zouhri.
Les auteurs du rapport ont souligné qu'ils ont dû se contenter des informations fournies par Israël et la Turquie et qu'en conséquence il ne peut être considéré comme définitif. Le rapport, dont la publication a été reportée plusieurs fois cette année afin de permettre à Israël et à la Turquie de réduire leurs divergences, sera soumis au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, dans les prochains jours.
Ban Ki-moon tente d'apaiser les tensions entre la Turquie et Israël
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