Citroën Tubik : le tube du XXIe siècle...
En exclusivité, Le Figaro Magazine a suivi la gestation du nouveau prototype Citroën, exposé en première mondiale au Salon de Francfort à partir du 15 septembre .
(Philippe Éranian)
Parfois, on aimerait s'abandonner dans les méandres du cerveau des designers automobiles. Juste pour voir. Comprendre les neurones qui permettent d'accoucher d'une créativité débridée et discerner le tumulte de l'esprit qui conduit à s'orienter vers telle ou telle forme nouvelle. Remonter à la source de l'inspiration, puis descendre en luge le système nerveux du dessinateur. Serait-on plus avancé pour autant ? Pas certain, car le style d'une automobile découle de la maturation et de l'interprétation par les designers des demandes du marketing.
(Philippe Éranian)
Chez Citroën, une structure « produits futurs », dirigée par Bruno Moïta, passe son temps à disséquer les études comportementales et à phosphorer sur l'évolution de la société. L'observation des grandes tendances se traduit par la définition d'un besoin et d'une architecture automobile. Le rôle des études de Salon est justement de préparer les automobilistes au changement et de les projeter radicalement dans la voiture d'après-demain. Mais aussi d'entretenir le rêve et d'attirer les visiteurs sur son stand. «Une étude de Salon participe également à la stimulation interne et aide à faire passer des messages auprès des décideurs de la marque», admet Thierry Metroz, patron du style des chevrons. Jamais innocent, un concept donne ainsi quelques pistes quant à l'évolution du style que l'on retrouvera un jour ou l'autre sur un modèle de grande diffusion.
C'est nourri de ces réflexions que nous avons avons pu passer de l'autre côté du rideau pour suivre les dernières phases de la réalisation du concept Citroën Tubik, que le grand public découvrira au Salon de Francfort. Une pièce unique à plus de 1 million d'euros. Début mai, la salle de présentation des projets de l'ADN Peugeot Citroën, le centr e de design du groupe français basé à Vélizy, s'ouvre sur un choc indicible. Au milieu de la pièce trône un imposant fourgon immaculé presque aussi long qu'une C5 Break (4,80 m) et aussi large que haut (plus de 2 m). Bien qu'il n'ait pas le magnétisme des belles carrosseries, ce concept capte le regard. Spectaculaire par son gabarit d'armoire normande, Tubik ambitionne rien moins que de réinventer le grand monospace, en perte de vitesse depuis quelques années. «Aujourd'hui, ce genre automobile ne remplit plus son contrat. Le conducteur se trouve dévalorisé et l'espace arrière ne permet pas d'accueillir sept personnes et leurs bagages dans un confort suffisant», note Carlo Bonzanigo, responsable des concept-cars. Largement inspiré des grands vans américains et des shuttles de grands hôtels, Tubik répond à l'évolution de la société pronostiquée par l'équipe de Bruno Moïta et marquée par la prolifération des familles recomposées et des voyages en tribu. C'est un fait, de plus en plus de groupes d'amis partagent le même véhicule pour partir en week-end ou en vacances. «A travers ce véhicule, nous cherchons à renouer avec le plaisir de voyager et montrer que la destination est secondaire», affirme Thierry Metroz. Le Tubik serait donc l'Orient-Express de l'automobile. Un véhicule qui voyage à son rythme et qui émet peu de CO2 (autour de 100 g/km) grâce à la technologie hybride Diesel.
Esthétiquement, Tubik ne trahit pas ses ancêtres mais nous fait entrer dans un nouveau monde. Campé sur des roues de 22 pouces, il évoque tout autant le TUB, l'utilitaire Citroën produit au début de la Deuxième Guerre mondiale, que son successeur, le Type H commercialisé entre 1948 et 1981, avec le « nez de cochon » en tôle ondulée.
Un hayon couvre toute la largeur du flanc droit
(Philippe Éranian)
Revêtant une teinte bicolore pour alléger les volumes, blanc nacré pour les extrémités du véhicule et gris métal pour la coque enveloppe, Tubik étrenne une nouvelle signature lumineuse qui pourrait être reprise sur les prochaines voitures de série.
Le conducteur accède au poste de conduite baptisé «cyclotron» à travers une porte en élytre s'élevant à 2,50 m de hauteur. Isolé dans son cylindre sur lequel est fixé le siège en cuir, le conducteur profite du modernisme des commandes. Outre la vision tête haute et les caméras surveillant les abords du véhicule, les fonctionnalités comme la reconnaissance digitale ou la navigation GPS sont commandées via un écran 7 pouces installé au centre du volant et via un iPhone. Côté droit, l'originalité de ce concept repose sur la porte de 4 m de large pesant 150 kg et articulée à l'aide de deux énormes vérins fixés au pavillon. Elle remonte à l'horizontale à la manière d'un auvent de véhicule de marché, tandis qu'un marche-pied se déploie automatiquement pour inviter les passagers à bord. Cette cinématique a jeté les bases du concept le plus difficile que Citroën a eu à réaliser. «Tubik a nécessité près de un an de gestation, depuis le choix du style relevant d'une compétition interne», détaille le responsable des concepts.
(Philippe Éranian)
La complexité de Tubik a doublé le nombre d'heures nécessaires à la conception réalisée par le logiciel de CAO Catia. Rien que l'agencement de l'espace intérieur a occupé les cerveaux des concepteurs pendant six mois. C'est que ce véhicule, qui peut recevoir jusqu'à neuf personnes sur trois rangées de canapés drapés de feutre Moroso explore une fonctionnalité inconnue jusqu'ici sur un véhicule. La banquette deux places du rang un pivote pour être face ou dos à la route. La banquette du milieu peut, selon l'humeur du moment, accueillir trois personnes, se replier en portefeuille pour créer une table basse, disparaître sous le rang 3 ou se déplier pour former avec ce dernier un espace de repos ou plus si affinités ! Dans tous les cas, l'intimité sera préservée grâce à la vitre panoramique fumée côté droit et côté gauche, aux alvéoles formant un moucharabieh.
Comme les plus récents prototypes Citroën, la réalisation de Tubik a été sous-traitée à la société Estech, installée en région parisienne. Tous les corps de métier ont été mobilisés pour étudier, concevoir et enfin assembler à la main les pièces de cet immense puzzle unique. Une vingtaine de personnes au total. Selon un schéma immuable, la confection et l'assemblage de Tubik s'apparente à de la haute couture. Le 26 juillet, dernière des quatre rencontres planifiées avec Tubik, Thierry Metroz passe une tête dans l'atelier. «Dans les allées de Francfort, Tubik va faire parler de lui», lâche- t-il, un brin amusé. C'est une certitude, Tubik est une pierre dans le jardin des Allemands.
» DOSSIER SPÉCIAL - Le salon de Francfort
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