Les goulettois sont sympas et personne n’osera me contredire. Quelques-uns d’entre eux sont cependant des ‘mââdet’ ( balourds) ceux là se comptent sur le bout des doigts. J’en ai déduis que tous les gens vivant à proximité de la mer ont un langage salé, mielleux aussi quand les circonstances l’exigent. Donc ne soyez pas étonnés si par moment, mon parle se trouvent légèrement épicé
Il est de notoriété publique que nous, gens de la ‘mer’ , savons mélanger les genres avec respect et souvent sans. L’important est de se retrouver toujours debout et jamais assis sur nos fesses. Ceci n’est qu’un avant propos sans aucune attache avec le texte qui va suivre…
‘…Journée d’un jeune goulettois en été….’
Les matins sont souvent calmes chez nous. Nos étés sont doux, parfois pluvieux en fin de saison, venteux à l’approche de la fête de la Madonne qui sonne le glas de la belle saison. Et si ‘ eguin’ s’en mêle en juillet, cela n’enlève rien à nos distractions.
Nos jeux d’hiver sont dans le placard, attendant sagement la rentrée des classes pour les remettre au diapason.
Nos jeux d’été sont différents de la saison humide.
Ils se passent sur les terrains sablonneux le matin surtout, et dans la piscine municipale le soir, un peu avant le coucher du soleil. Lorsque la chaleur se fait moins épaisse.
Après avoir prit mon petit déjeuner, bol de café au lait ‘btarf boulou ( Kénnè mnéi’quin, yè GG, un bout de boulou, nous étions modeste à cette époque ) et après avoir fini mes taches ménagères, sinon pas de sorties, j’enfile mon short ; mon maillot serre mes fesses. Kent yâ’lilèche ( j’étais un petit agneau tout blanc )
Vers les 10 heures, je traverse l’avenue Roosevelt, prend le passage Casino qui mène à la plage. Celle ci est encore déserte, seuls quelques jeunes ou rassis pêcheurs retardataires ; chapeaux de paille ou tout simplement un mouchoir mouillé et noué sur leur timbale s’acharnent à tirer une dernière prise. Souvent, ils pavanent quand leur panier est plein et souvent aussi, ils cachent leur maigre butin aux yeux des fins connaisseurs. Ainsi ils ne pourront pas se vanter le soir, auprès de leur amis, d’avoir dilapidé la mer de tous ses poissons. Le goulettois étant un fanfaron de nature, hors pair.
Ma pêche se limitait à quelques prises piégées dans un mouchoir. Pas de loup, maquereau ou autres requins rien que des ‘ guimbres’ idiotes, innocentes qui passaient accidentellement par là . Ma plus belle prise, une grand-mère ‘ sparlotte’ presque à l’agonie ; devant sa détresse je lui rallongeais la vie en la libérant. Elle me remercia par une bénédiction marine ‘ Que Neptune soit avec toi’. Yè Joseph , yé hlou.
Rien d’exceptionnel. Elle était grecque, la vieille ‘morue’.
Elle avait change de statue entre temps. Du moins dans mon esprit. Ballout oblige.
Une heure plus tard, mes amis footballeurs rentrent sur le ‘green’ couleur sable. Toujours en short, certains en maillot.
Je plie mon mouchoir, ma nasse à ‘ guimbres ‘. Ma pêche est terminée. Le sport va reprendre ses droits. Un match de football, sept contre sept, s’annonce, sur la plage.
Les arabes contre les juifs. Ye Aldo.
D’un côté, Bouleiman, Hamda, Noura, Hamadi Chitta, Tafnouti, Cherif, Amor, de l’autre, Pierrot, Sylvain, Doc Berrebi, Richard, Alain, Bébert le Rouquin, Albert, moi…
L Arbitre un ami de Tunis qu’on appelle L’Arbitre. Il est 11 onze. On déplace quelques familles venues bronzées, hors de la surface de jeu. On forme les buts avec un tas de sable revêtu de nos shorts en couleur. L’arbitre va vérifier la longueur des buts ; 7 pas. Arrive en dernière minute Hamadi Gaz….Il gesticule de loin, genre attendez moi, les arabes sont 8 , il nous faut un coéquipier, on attend un peu et voilà qu’apparaît le juif Clément. L’arbitre va siffler enfin, le coup d’envoi, il se ravise car un autre arabe est venu, Mohsen, ils sont 9, on va chercher un autre coéquipier. Nous sommes à présent 9 contre 9. Claude l’youdi , hachéq yè Emile, est le dernier engagé.
Coup de sifflet, le cirque va commencer. Pour un match qui va durer en principe 90 minutes.
‘…Albert, passe-moi la balle…. ! Arrête de dribler…!
‘…Je suis là Sylvain, va y passe… !’ Quel con, j’étais seul… !’
‘…Hamda yè Hamda ti ââ’li ra’ssèk, eh’ni eh’nè… !’ ( Hamda, lève la tête, je suis là… !’)
‘..Lè enti tu est pris par Clément…. !’
‘….Hamadi yè HAMAAAAADI, ech’biq me chef’tnich,… ? Tel’yab perso chnou’è oue’ hdi ras ras eh’nè ouèl goal… !
(‘…Mais qu’as tu ne me vois pas, tu joues seul, mais c’est quoi, j’étais seul devant les buts… !’)
‘….Fel hors-jeu tél’yab…. ! Lè marra jeï erjè fi ouest el mey’dèn…. !’
(…Tu es dans la surface de réparation, en hors-jeu.. !’ Non la prochaine fois reviens au centre du terrain.. !’)
‘…Chi e’mèq fiyè, in yan’din….. ! El sfi…!’
(‘…Mais tu n’en a rien à foutre…Juron…!’ Menteur.. !’
On court derrière un ballon qui ne tient pas en place, à cause des bourrelets de sable, dés fois on shoote sur une petite dune, le ballon s’est prit dans un creux. L’arbitre siffle un coup franc, on va le voir, on le houspille…’
‘…Où as tu vu un coup franc, yè neïyèq…. !’ ( Pédale)
‘…Ah…. ! Si c’est comme ça je jette le sifflet… !’
‘...Jette le, tu es myope…. !’
Reprise du jeu…..
‘…BUT…BUT…..BUT….. !’
L’arbitre….’ Non, à côte…. !’ On proteste.
‘…Ourras chiffer toura que c’est but, j’étais à côté.. !’
(‘ Sur les saintes écritures… !’
On interroge un papa spectateur…*
‘…Monsieur Attal, c ‘est but ou pas…?’
‘…Oui c ‘est but…!’
‘…C’est normal, il est juif… !’
‘…Bellah el yadim, elli lè, il est passe à côte… !’
( ‘ Au nom de D .ieu…Que…. !’
‘…Allons Hamda, ne soit pas mauvaise foi, tu étais à côté, tu as vu qu’il est rentré le but… !’
‘…Tkhel fi sorm l’arbitre… !’
(‘ Il est rentré dans le c… !’)
L’arbitre ‘…Ah non, un peu de respect, n’insulte pas ma mère… !’
‘…Depuis quand, ton anus se confond avec ta mère, yè khè’ouef…. ! Tu as peur d’eux hein… ! Les arabes…. !’
‘…Bon, le Rouquin, carton jaune… !’
Il tire de sa poche, un papier jaune qu’il montre à ses coéquipiers….
On reprend le jeu…..
‘…Et’lââ, adma, ( Tiens petit pont ) Tiens Pierrot, t’es seul tête à tête avec le goal…. !’
Arrive derrière lui, Bouleiman qui le crochète…
‘…Penalty…. ! Penalty…. !
L’arbitre siffle penalty contre les arabes..
Pendant que l’on se prépare à tirer le penalty, Noura, profitant de la palabre, va pour rétrécir les buts, on s’aperçoit de la manœuvre.
‘…ChtaAAAA ‘ mel yè Noura, tu triches… ! Yè Touyiba….?’ ( Que fais tu…… ! Pédale …. !’
‘…Lè ouraas el coran, je suis entrain de régler mon short… !’
(‘Non sur la tête du Coran…. !’}
(La Torah et le Coran sont invoqués faussement, sur la plage en plein soleil. Ils nous pardonneront.)
Il a diminué de cinquante centimètres la longueur des buts. On recompte.
L’un de nous enfin, après le comptage de la distance par l’arbitre du point de frappe au but, s’apprête à tirer.
Il pose le ballon sur un petit monticule. Recule de dix mètres, court comme un dingue, sous nos yeux attentifs et voilà qu’un léger coup de vent, au dernier moment, déplace le ballon de quelques centimètres, il est emporté par son élan et va plonger , en vol plané, dans le canal, à cent cinquante mètres du terrain de foot. On ne le retrouvera plus, il est encore jusqu’à aujourd’hui, dans la vase. On le retrouvera malgré tout, après multiples recherches, quelques années plus tard, à Paris, perruquier mais sans ballon, pas dans un salon, sous le sobriquet de JANO LAPIN…..MOI AU CAFE DE MES COUILLES…..
Bref, les juifs sont diminués d’un joueur, depuis toujours d’ailleurs il nous a manqué quelque chose dans la tête. J’en suis la preuve vivante.
Au bout d’un quart d’heure de jeu, on transpire.
-‘…Alors l’arbitre, c’est quand la mi temps… ?’
-‘…On a commencé à moins dix…. ! Il reste trente minutes.. !’
-‘…Non on a commencé à moins vingt, yè sarraq…. !’
On marchande la durée de la mi temps…. ! Juste à ce moment là, rentre un policier, sauve qui peut général, le ballon est shooté au fond de l’eau…Le policier Scoubidou…( vrai le surnom)
-‘…Ijjè enti et’khol el ghriq ou ji’bbou… !’
( Viens toi, rentre au fond et apportes moi le ballon…’)
‘…Méouch mtayi….’ ( Il n’est pas à moi.. !’)
-‘…Méq qentch tél’yab…. ! AHHHH… !’
( Mais tu ne jouais pas avec eux....!’)
-‘…Ehnè…EHNE…..EHNEEE….!} Ourass MOHAMED OU SIDI CHIRIF….OUEL LEFREZ LEDIEN…..! OUJE RABI…. ! CHNOUE SCOUBIDOU…TCHEQ FIYE….! EHNE QAYAD NET FARAJ OURASS SI FREJ…….!’
(‘ Moi….MOI….MOIIIII…. ! Sur le messager et sur le saint SIDI CHERIF ET SUR CELUI QUI A SEPARE LA RELIGION ( D. IEU ), alors Scoubidou tu me soupçonnes… ?’ j’étais entrain de voir… !’)
-‘…Aâttini ouraqék…. ? PERMIS DE CONDUIRE….BITTAQA MTARIF….LAQAB MTA OMOK…MTA BOUQ….OU JDOUDEQ…. !’
\bleu{(‘ Donnes moi tes papiers, PERMIS DE CONDUIRE, DATE DE NAISSANCE DE TA MERE, CELLE DE TON PERE, CELLE DE TES GRANDS PARENTS… ! ’ )
Quand on pense que le jeune n’a que 15 ans.
-‘…Ouraqui …. ? Mti éhnè bél mayo, win thab en hat ou’ra’qui…. ! Ye rssou’allah… ! Chnouè yè SCOUBIDOU AAMELT HOLD OUP…. ! Bech nej’bèd ââ’min habss ââ’lla qoura raiha….?’
(‘ Mes papiers….. ? Mais enfin, je suis en maillot, où veux tu que je mette mes papiers… ! Bon sang.. ! Alors quoi Scoubidou, j’ai commis un hold-up, je vais prendre deux années de tôle à cause d’un ballon perdu…. ?’)
Sur ces entre-faits, arrive le maître nageur, les deux équipes assises sur lesable, faisant mine de parler, suivent le déroulement de la scène…
-‘…Yè Manoubi, jib’li él kourra… !’
‘……………….Apportes moi …. !’)
-‘…Winnou…. ?’
‘ …Où ça… ?’
‘… Mti chouffou fél ghriq… !’
‘…Mais regarde le au fond.. !’)
Entre temps, un de nos amis a plongé sous l’eau pour aller le récupérer….
Manoubi s’exécute. Il rentre dans l’eau. Une forte brise souffle. Il nage vers ce qu’il croit être un ballon mais qui est en fait une tête de plongeur….Il se rend compte de sa bévue et revient au bord, sous les yeux curieux de l’assistance. Un groupe s’est formé…
‘…Alors Manoubi, ti as apporté le ballon…. ?’
‘…Il s’est noyé chef Scoubidou… ! Corps et biens.. !’
Finalement, le policier n’aura pas le ballon.
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Merci GG.
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