jeudi 22 février 2018

Quatorze à la maison...


”Je pensais avoir 6 ou 7 enfants, avec au moins 3 ans d’écart entre chacun”! Shoulamit Atlani s’est mariée à 18 ans, un an après avoir fait son alya. Elle et son mari avaient bien en tête de fonder une famille nombreuse et ils ont réussi, grâce à D’ieu, au-delà de leurs espérances. Ils sont aujourd’hui les heureux parents de 12 enfants.
Et ce n’est pas tout. Le 9e enfant de la fratrie est autiste et c’est au milieu de la joie communicative de la famille que la petite Tehila grandit et s’épanouit.

Le P’tit Hebdo: Avoir 12 enfants, c’était votre rêve?
Shoulamit Atlani: Nous avons tout de suite emménagé à Kohav Yaacov, après notre mariage, dans un environnement très convivial où nous vivons maintenant depuis 24 ans. Au départ, nous voulions 6 ou 7 enfants mais au fil du temps, nous avons toujours voulu agrandir encore et encore la famille. Pour nous, c’était un bonheur. Peut-être est-ce parce que j’étais jeune et inconsciente. Mais tant mieux!

Lph: Ne vous êtes-vous jamais demandée si, au moins physiquement, vous seriez capable de tenir le coup?
S.A.: J’ai eu 12 enfants en 18 ans. D’ merci, mes grossesses se sont toujours bien passées. Alors non, je ne me suis jamais posée de questions et ce même si j’ai subi quatre césariennes. Enceinte de mon 12e enfant, je faisais de l’aérobique et des études de design!
Et puis, je n’étais pas seule, quand j’étais enceinte et pour élever mes enfants! Mon mari était présent à mes côtés.

Lph: Avez-vous pu travailler pendant toutes ces années?
S.A.: Je suis esthéticienne de formation. J’avais ouvert un petit salon à domicile. Cela me permettait de rester à la maison et de garder mes enfants. Depuis récemment, je donne des cours de pilates.
Je dois dire que mon mari a toujours été un partenaire, nous sommes une vraie équipe. La petite phrase ”Papa va arriver”, a des pouvoirs magiques!

Lph: Comment gère-t-on mentalement 12 enfants, quand on sait que chacun a ses besoins, ses soucis, ses occupations, etc.?
S.A.: Ce que je peux faire pour eux, je le fais. Je me suis faite à l’idée que nous ne dirigeons pas, de toute façon, la vie de nos enfants. Nous sommes un phare, ils doivent savoir que nous sommes là, mais nous ne naviguons pas à leur place. Hachem veille sur tous. Nous essayons d’avoir du temps pour chacun d’entre eux, même si ce n’est pas possible tous les jours. Nous nous efforçons de changer chaque instant, aussi anodin soit-il, en complicité. Mon salon d’esthéticienne est devenu la pièce des confidences, des discussions.
Et puis, on s’autorise aussi à s’assoir et ne rien faire. On sait aussi dire stop quand on sent que l’on perd pied dans la gestion de tout ce quotidien.
Je pense que nos enfants sont épanouis, nous avons une relation forte avec eux. Le fait d’avoir grandi dans une grande fratrie développe chez eux une forte sensibilité, la notion d’entraide et la capacité à être heureux de ce que l’on a.
Lph: Quand avez-vous compris que Tehila, votre 9e enfant, aurait besoin d’une attention particulière?
S.A.: Tehila a 11 ans aujourd’hui. Dans quelques mois, nous célébrerons sa bat-mitsva. Nous n’avons pas remarqué tout de suite qu’elle était autiste. Cela a pris plusieurs années. Dès sa naissance, elle était très jolie et très ”gentille”, comme on dit, puisque c’était un bébé qui ne pleurait pas. Nous avons compris rétrospectivement, que les pleurs d’un bébé sont aussi des signaux positifs pour le développement d’un enfant. A l’âge de huit mois, elle n’attrapait toujours pas les objets et quand on les lui mettait en mains, elle les lâchait. Nous avons commencé des soins de physiothérapie et on nous a conseillé de la placer dans une crèche spécialisée. Nous avons refusé pensant que justement le fait de côtoyer d’autres enfants de son âge la stimulerait.
Lorsqu’elle a eu un an et demi, deux ans, on nous a annoncé qu’elle avait un handicap mental. Nous ne l’avons pas accepté. Pour nous, elle devait manifester un manque sentimental, un manque d’attention. Elle n’a commencé à marcher qu’à l’âge de deux ans. Nous l’avons placé dans une maternelle normale avec une assistante, à nos frais, qui était constamment près d’elle.
Pendant tout ce temps, les médecins ne nous ont jamais donné de diagnostic clair. C’est, je crois, ce qui était le plus angoissant. J’aurais préféré pouvoir mettre un nom sur ce qu’elle avait. Alors nous consultions ”Dr Google” et nous avions toutes sortes de théories en tête. Comme c’était une enfant qui souriait tout le temps, nous avons cru au syndrome d’Angelman. Mais les tests génétiques sont revenus négatifs et le Pr Feuerstein, à qui nous avions emmené Tehila, nous l’avait tout de suite dit. ”Elle a une expression dans les yeux, ce n’est pas caractéristique d’Angelman”.
A l’âge de 5 ans, nous avons compris que Tehila ne pouvait pas être scolarisée dans des structures normales. Elle accusait un retard mental et physique trop important. Elle avait besoin d’un suivi particulier. Son autisme n’a été diagnostiqué que plus tard, quand elle avait à peu près 8 ans.

Lph: Quelles sont les structures qui existent pour elle?
S.A.: Pendant une année, elle a été dans un gan spécialisé à Jérusalem. Puis elle a intégré un établissement haredi qui s’occupe de ces enfants. Mais cela ne correspondait pas à ce que l’on recherchait sur le plan des compétences professionnelles. Aujourd’hui elle est à Dekalim, à Jérusalem et les après-midi, elle va à Ofra. Il y a, là-bas, un centre d’accueil, Lev Binyamin, pour les enfants handicapés, quel que soit leur handicap. C’est fabuleux! Des activités, des shabbatot sont organisés et même une fois par an, les enfants donnent un spectacle.

Lph: Comment se comporte Tehila à la maison?
S.A.: Elle vient vers nous et nous dit ”Shalom!”. Elle nous fait rire! Nous exigeons d’elle au maximum qu’elle s’exprime avec des mots, même si cela lui est difficile. Même ses frères et sœurs ne lui passent rien! Aujourd’hui, elle parvient à ouvrir une porte, à se servir toute seule. Le problème c’est qu’elle ne gère pas les actes qu’elle commet. Ainsi, elle peut prendre quelque chose dans le frigidaire mais en mettre partout, sans que cela ne la dérange. Une fois, elle est sortie de la maison et est montée dans le bus pour Jérusalem. Heureusement, le chauffeur s’est étonné de sa présence et des gens du yishouv l’ont reconnue et nous ont appelés.
Tehila a beaucoup de volonté. Elle se développe lentement mais surement. Il y a quelques jours, nous avons même vu ses yeux rougir et des larmes lui monter. Cela peut paraître banal mais pour une enfant qui ne sait pas exprimer ses sentiments, c’était un événement dans la maison.
Lph: Comment réagissent les autres membres de la fratrie?
S.A.: Ils se comportent avec elle comme avec tous leurs autres frères et sœurs. Certes, parfois c’est dur pour eux. Lorsque Tehila passe Shabbat à Lev Binyamin, ils reconnaissent que cela soulage. En fait, certains veulent la stimuler et vont la mettre au défi, d’autres sont plus dans le jeu avec elle, d’autres ont moins de patience. Mais elle fait incontestablement partie du groupe. J’ai deux filles mariées: Tehila a participé au mariage, accompagnée par deux volontaires de Lev Binyamin.

Lph: Et vous? Votre couple?
S.A.: Pour ce qui est de notre couple, nous prenons du temps pour nous, nous allons marcher quand cela est possible et nous parlons beaucoup. Je prends aussi du temps pour moi. La maison ne tourne pas autour de Tehila. En fait, mes enfants qui ont des difficultés à l’école me préoccupent beaucoup plus qu’elle!

Lph: Quel est le regard que vous portez sur Tehila aujourd’hui?
S.A.: Pendant les deux premières années, c’était très dur à accepter. Je me sentais responsable de son état, j’avais honte, je pensais que je ne lui donnais pas assez. Tout était forcément de ma faute. Mon mari m’a beaucoup aidée à surmonter. Il m’a dit ”maintenant le problème existe, il est là. Nous ne pouvons pas le fuir, nous devons prendre les choses avec plus de joie”. Petit à petit, j’ai surmonté. Hachem m’a donné les forces pour accepter l’épreuve qu’Il nous a envoyée. Aujourd’hui, Tehila est un cadeau et peut-être aussi une mission. Elle est un tremplin pour nous, elle nous apporte beaucoup. Grâce à elle, aujourd’hui, je suis capable d’aller vers des Mamans qui ont des enfants ”différents” et de trouver les mots pour leur parler.
  Vous arrive-t-il de penser à l’avenir avec Tehila?
S.A.: Nous pensons au futur proche. Nous lui préparons deux fêtes pour sa bat-mitsva: une avec ses amis de Lev Binyamin, une autre en famille. Nous pensions qu’elle ne comprendrait pas; mais récemment quand je lui ai parlé de sa bat-mitsva, elle s’est mise à chanter ”Hayom yom ouledet”, j’étais stupéfaite!
Pour ce qui est de l’avenir plus lointain, je préfère ne pas y penser. Jusqu’à présent, Hachem ne nous a pas laissés tomber. Souvent on dit que pour un enfant handicapé, la bar/bat mitsva sera le seul événement de sa vie. Je pense, au contraire, que tout n’est pas écrit d’avance.
Nous avons tous des forces. Même si elles sont enfouies, nous pouvons les trouver, avancer et grandir.

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