lundi 31 juillet 2017

Comment Tisha beAv peut nous aider à comprendre l’expérience des réfugiés........


NEW YORK (JTA) – Pour beaucoup de Juifs, Tisha beAv est centré sur le deuil de la destruction du Premier et du Deuxième temples à Jérusalem. Mais cette interprétation fait l’impasse sur une leçon importante rendue plus pertinente par les événements récents, souligne le rabbin David Seidenberg.

Avec la publication d’une nouvelle traduction du Livre des Lamentations, le texte principal lu le jour de cette journée particulière, le rabbin du Massachusetts affirme que Tisha beAv, qui commence cette année dans la soirée du 31 juillet, offre une grande opportunité de se connecter à l’expérience des réfugiés.

Voici sa traduction, du chapitre 1, verset 3, qui représente une Jérusalem personnifiée en exil :
« Elle, Judah, a été exilée,
Par la pauvreté, et par (donc) beaucoup de labeur
Elle était assise parmi les nations,
N’a pas trouvé de repos;
Tous ses poursuivants l’ont rattrapée
Entre les lieux confinés.
Seidenberg, qui dirige le site NeoHasid et est l’auteur du livre « Kabbalah and Ecology », a publié une traduction partielle du Livre des Lamentations en 2007, mais la version de 2017 est sa première traduction complète du texte. Il a été ordonné au Séminaire théologique juif et par le rabbin Zalman Schachter-Shalomi, fondateur tardif du mouvement du « Renouveau juif ».
JTA a évoqué avec Seidenberg sa traduction, disponible par téléchargement ici, et ses pensées sur Tisha beAv.
JTA :Vous écrivez que « Tisha beAv ne concerne pas principalement le deuil, mais les réfugiés ».
David Seidenberg : Jérusalem était une zone de guerre (en 70 de notre ère). Des gens ont été tués dans les rues. Il y avait un siège, il y avait de la famine. Presque tout le monde est devenu réfugié, même les personnes qui ont été laissées à Jérusalem, qui n’étaient pas exactement des réfugiés, mais qui se trouvaient encore au milieu d’une zone de guerre et au milieu de la violence.
Les observances que nous avons sur Tisha beAv, les gens les considèrent comme des expressions de deuil. Bien sûr, nous sommes en deuil d’une partie de ce que cela signifie d’être témoin de la mort et de la destruction, mais les coutumes englobent une expérience plus profonde et plus large que le deuil simple, ce qui se reflète dans le fait de ne pas se laver, de ne pas s’asseoir sur une chaise. Ce qui est à la fois un symbole et une expérience du fait de ne pas avoir de lieu de repos.
Il existe deux façons d’aborder toute l’expérience de Tisha beAv : l’une consiste à faire preuve d’empathie à l’égard de la nation, de manière particulariste, de ce qui est arrivé aux Juifs, et c’est une partie importante de notre expérience. Et bien sûr, l’autre façon serait d’être en empathie avec cette expérience d’être des réfugiés, dans une zone de guerre. Cela nous inciterait à faire preuve de compréhension vis-à-vis de beaucoup de gens qui ne sont pas juifs et beaucoup de gens qui souffrent dans le monde en ce moment.
Comment pouvons-nous concilier ces deux perspectives – en se concentrant tant sur les expériences juives que sur les expériences universelles ?
La façon dont nous pouvons nous connecter avec une expérience qui est universelle pour l’histoire humaine de la souffrance – les conséquences de la guerre, de l’exil et de la condition de réfugiés – est d’entrer dans notre propre expérience historique en tant que Juifs. En fait, vous ne pouvez pas vraiment faire l’un sans l’autre.
Vous pouvez être un Juif libéral de classe moyenne qui pense qu’il se soucie des réfugiés et qui a des idées et des valeurs qui vous motivent à agir, mais sans entrer dans le particularisme de ce que les Juifs ont connu. Vous y mettez donc une limite. Les gens ont d’autres moyens d’aller vers cette expérience – ils se rendent et travaillent dans les camps de réfugiés, et c’est évidemment une expérience plus directe.
Mais pour la plupart des Juifs qui ne connaissent pas cela eux-mêmes, l’un des moyens les plus puissants de partager cette expérience universelle est de passer en revue les épisodes de notre propre Histoire.
‘La crise des réfugiés ne nous affecte pas seulement parce que nous en sommes informés, mais parce qu’elle empoisonne également notre processus politique’
Votre intérêt pour les réfugiés a-t-il été inspiré par les derniers événements ?
Cela fait bien 20 ans que j’appréhende Tisha beAv sous cet angle, mais les quelques dernières années qui viennent de se dérouler amènent vraiment Tisha beAv au coeur de cette réalité très douloureuse parce que nous voyons tellement d’images de réfugiés.
La crise des réfugiés ne nous affecte pas nous seulement parce que parce que nous en sommes informés mais parce qu’elle empoisonne notre processus politique, avec notamment la rhétorique utilisée contre les réfugiés, pas seulement aux Etats-Unis mais dans de nombreux pays européens. Nous vivons dans cette réalité même si nous ne ressentons pas très exactement ce que représente cette expérience, qui est une expérience humaine, et que les gens ont tendance à aller vers des positionnements opposés et à déshumaniser et à rejeter les gens qui, eux, vivent cette crise.
Le rabbin Rabbi David Seidenberg (Autorisation : Seidenberg)
Le rabbin Rabbi David Seidenberg (Autorisation : Seidenberg)
Maintenant que les Juifs ont l’état d’Israël et qu’ils peuvent visiter librement Jérusalem, quelle est la pertinence de Tisha beAv ?
Si nous acceptons la compréhension rabbinique de ce qu’est Tisha beAv, ce n’est pas qu’une puissance étrangère a conquis Jérusalem, c’est que la ville de Jérusalem s’est sapée elle-même de l’intérieur, elle s’est vidée, en violant les principes moraux de base de ce que signifie l’idée d’une société bonne, équitable, et c’est donc que la ville était donc déjà détruite de l’intérieur avant qu’elle ne soit détruite de l’extérieur.
Selon la tradition, le Premier temple a été détruit en raison de l’idolâtrie et des meurtres, et le Second temple a été détruit à cause de ces gens qui se haïssaient dans leurs coeurs, ‘sinat hinam’, ce qui est un moyen plus subtil de réfléchir à comment une société peut se miner elle-même de l’intérieur.
Si nous voulons nommer une société dans laquelle ‘sinat hinam’ est un problème endémique, profond, particulièrement avec la polarisation de la droite et de la gauche, Israël figurerait en tête de liste.
Je ne souhaite pas être partisan, mais je pense que parfois, c’est impossible de faire autrement. Les partis de droite qui ont le contrôle du gouvernement israélien ont mis beaucoup d’énergie dans l’anathème, la diabolisation, des gens de gauche.
Et je pense qu’il y a une haine qui prend de nombreuses directions en Israël, mais qu’également la haine des Juifs dans certaines fractions de la société palestinienne et la haine contre les Arabes et les Palestiniens de la part de certains segments de la société juive israélienne sont mortelles.
Quelle est la différence dans cette traduction ?
Il y a l’idée générale d’un mode de traduction appelé la traduction idiomatique qui dit que quand vous traduisez quelque chose d’une langue à une autre, comme lorsqu’on passe de l’hébreu à l’anglais, les mots doivent résonner comme de l’anglais idiomatique, ça ne doit pas sembler bizarre ou drôle, ça ne doit pas être présenté dans l’ordre des mots ou dans la syntaxe de l’hébreu, et c’est ce sur quoi se base la Jewish Publication Society, qui est la traduction la plus commune.
Ce qu’il manque, c’est la texture, la patte de l’hébreu, et une grande partie du sentiment et de la profondeur émotionnelle se trouvent dans cette texture, pas seulement dans les mots, on trouve tellement de profondeur et de sentiments dans la relation entre les différents mots parce que chaque texte biblique est un commentaire sur un autre texte biblique et que quand un mot utilise la même racine, il y a une connexion entre ces sources.
Le judaïsme rabbinique repose sur l’idée midrakhique que toute la bible est un commentaire sur d’autres parties qu’elle contient.

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