mercredi 25 janvier 2017

Les olim de France ont-ils mauvaise presse? Shmuel Trigano....


Le 22 janvier a été lancée une association à Tel Aviv qui vient enrichir le paysage israélien: Dialogia. Lancée par Shmuel Trigano et Max Benhamou, elle a pour ambition de créer un pont intellectuel entre l’alya de France et la société israélienne.
Max Benhamou est un homme d’affaires qui a réussi, il a aussi occupé des fonctions communautaires importantes en France, en étant pendant 7 ans le Président de l’AUJF. Son alliance avec l’intellectuel Shmuel Trigano est née du constat qu’il a fait en venant s’installer en Israël: « Je croyais bien connaitre le pays. Mais je me suis rendu compte qu’il n’y a pas un Israël, ce pays est pluriel et donc difficile à comprendre. J’ai fait part de mes réflexions à Shmuel. 
Comme j’ai quelques moyens, nous avons décidé de créer Dialogia pour comprendre ce qui se passe ici et aider les Juifs de France à comprendre ce qu’est Israël. En effet, une mauvaise appréhension du pays est souvent à l’origine d’erreurs qui gâchent certains rêves d’alya ».
Shmuel Trigano, intellectuel français reconnu, a déjà fait son alya en 1969, il obtient alors un diplôme de l’Université Hébraïque de Jérusalem. Puis il repart vivre en France avant de revenir s’installer à Tel Aviv, il y a deux ans.  »Je n’ai pas d’ambition politique » confie-t-il à LPH,  »mais je suis revenu en Israël pour agir ».
Avant de lancer Dialogia, les deux hommes ont commandé un sondage à l’institut Rushinek, sur l’image que la société israélienne se fait des olim de France. En voici quelques données et interprétations.
 Une image nourrie de clichés?
 La première donnée qui saute aux yeux lorsque l’on observe les résultats de ce sondage, ce sont les termes qui viennent à l’esprit des sondés pour décrire les olim de France.
Ils sont 22% à les trouver  »barbares, culottés et gueulards », 21% pensent à Netanya quand on évoque les Français et 16% leur accolent l’adjectif  »riches » à égalité avec celui de  »sionistes ».
 »Ces résultats interpellent », reconnait Shmuel Trigano,  »les sondeurs eux-mêmes ont été stupéfaits par certaines réponses ». Cette stupéfaction est accentuée par le fait que des enquêtes d’opinion effectuées au sujet des olim de Russie ou des Etats-Unis donnent des résultats plus favorables:  »Les Russes sont parfois vus comme consommant trop d’alcool ou associés à une certaine pègre, mais globalement ils ont un capital sympathie plus important que les Français. Ceux qui sont le plus appréciés sont les olim américains parce qu’on admire le fait qu’ils aient quitté leur belle vie par idéal. Curieusement, les Français ne sont pas associés à cet idéal massivement, les Israéliens ont plus tendance à penser qu’ils ont quitté la France pour fuir l’antisémitisme ».
Ce que montre également le sondage c’est que le cliché du Français qui fait grimper les prix de l’immobilier a la dent dure. Pour la plupart des sondés qui ont entre 30 et 40 ans, issus principalement de la région de Tel Aviv, ce sont les Français qui sont responsables de la crise immobilière, en achetant d’ailleurs souvent plusieurs appartements qu’ils n’occupent pas ou très peu.
Enfin, les Israéliens reprocheraient aux olim de parler encore trop en français et de rester replier sur eux-mêmes.  »Ce qui est relativement logique », souligne Shmuel Trigano,  »quand on sait le pourcentage de retraités qui arrivent de France et qui n’apprendront jamais vraiment l’hébreu et resteront entre eux ».
Shmuel Trigano tempère toutefois ces résultats:  »L’institut de sondage a accentué les aspects négatifs, en mettant en avant la réponse la plus forte et la plus significative. Un pourcentage souvent non négligeable ne sait pas se prononcer. Cela prouve que la population des olim est souvent mal connue par l’Israélien moyen ».
Néanmoins, se dégage de cette étude un profil de l’olé de France moyen tel que les Israéliens se le représente: religieux, oriental, de droite, nationaliste, riche.  »Sans s’en rendre compte, le olé de France est pris dans le système de classement qui règne en Israël. Aucun Français même séfarade ne se définirait comme oriental. Les olim sont précédés d’une image qu’ils ne maitrisent pas ».
 Des olim qui peuvent apporter
 Le sondage ne reflète pas que des aspects négatifs de ces olim. En effet, 37% pensent que les olim de France font des efforts pour s’intégrer, 82%  des Israéliens sont prêts à les aider dans cette démarche et 47% sont optimistes sur leur intégration d’ici 3 ans.
Par ailleurs, pour les Israéliens, toujours selon ce sondage, la population francophone peut beaucoup apporter au pays sur le plan économique mais aussi intellectuel. 58% estiment que les Français renforcent le niveau intellectuel en Israël. Cette opinion rejoint la différence de culture entre la France et en Israël d’après Shmuel Trigano:  »En Israël, la vie intellectuelle est très concentrée autour du monde universitaire, ce qui n’est pas le cas en France ».
 Comprendre
 Shmuel Trigano nous dit être motivé par le désir de comprendre:  »Je veux agir auprès des Français bien sûr, mais surtout dans la société israélienne, en hébreu. J’ai comme projets de créer une revue en hébreu, d’organiser des colloques en hébreu. Je souhaite pouvoir poser, dans le débat israélien, certaines questions qui ne sont pas posées en mettant à profit le recul que l’on a parce que, justement, nous n’avons pas grandi ici ».
D’ailleurs le sondage que nous évoquons a principalement pour vocation, selon ses initiateurs, de comprendre la société israélienne:  » Le sujet derrière ce sondage c’est la société israélienne. C’est l’image que les Israéliens renvoient à travers leurs réponses qui est le plus important. Notre ambition n’est pas de pleurer sur la façon dont les Israéliens voient les olim de France ».
Les premiers éléments qui en ressortent, de ce point de vue, seraient que les Israéliens qui acceptent le mieux les olim de France sont souvent religieux, vivent dans la périphérie avec un niveau de vie moyen. « On peut s’interroger sur le degré d’ouverture aujourd’hui de la société israélienne face aux vagues d’immigration ».
 » Venir en Israël, c’est témoigner d’un acte d’engagement vis-à-vis du peuple juif et du judaïsme »
Ayant lui-même fait la démarche, Shmuel Trigano est formel:  »On ne peut pas imaginer que les Juifs de France, qui viennent d’une société développée en crise très profonde, en proie aux attentats, choisissent de vivre en Israël uniquement par un calcul rationnel. Venir en Israël, c’est témoigner d’un acte d’engagement vis-à-vis du peuple juif et du judaïsme ».
Pour cet intellectuel, en France on ressent une  »dépression ambiante, alors qu’en Israël, on vit dans une atmosphère plus pacifiée, plus relaxée. Israël est un pays jeune avec beaucoup d’enfants, de femmes enceintes », décrit-il.
Il parle d’expérience, lui qui, depuis le début des années 2000 a été mis à l’écart de la scène médiatique et intellectuelle française.  » Il y a une chape de plomb, de censure totalitaire en France. Il n’y a pas de liberté d’opinion. On ne peut assumer certaines opinions, comme les miennes, qu’en étant dans l’ombre. Heureusement pour nous qu’il y a internet, sinon nous serions réduits au silence. Ce changement, je l’ai vécu personnellement dans mon rapport à la scène publique ».
Cette crise française date selon Shmuel Trigano des agressions antisémites – plus de 500 en deux ans – passées sous silence sur ordre du gouvernement Jospin.  »Comme elles étaient le fait de Musulmans, les autorités ont sacrifié l’identité juive à l’ordre public. C’est pour dénoncer ces agressions, dans une démarche citoyenne, que j’ai créé, avec d’autres, en 2000, l’Observatoire du Monde Juif. On nous a traités de racistes et on nous a écartés. On a préféré parler d’importation du conflit israélo-palestinien, de tensions intercommunautaires, transformant ainsi les victimes en coupables ».
Pour Shmuel Trigano le départ des Juifs de France n’est pas le résultat de l’antisémitisme mais le constat qu’une forme d’identité juive n’est plus possible en France. Il s’agit de cette identité qui s’est forgée au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Elle a cessé au début des années 90. « La venue des Musulmans d’Afrique du Nord a été le début de la fin de la légitimité d’une identité juive en France ».
C’est dans ces écueils, qui ont plongé la France dans une crise profonde, que Shmuel Trigano espère qu’Israël ne tombera pas, parce que selon lui, il y en a certains prémices:  »Le peuple d’Israël est un peuple global, dans lequel tous les peuples de l’Humanité se retrouvent par l’intermédiaire des Juifs qui l’ont rejoint. C’est le laboratoire de l’Humanité. Il connait une effervescence, des problèmes, des télescopages du fait de ce rassemblement. C’est ce que je veux comprendre, ce sur quoi je veux travailler: sur ce principe de réalité, sans lequel on est voué à la disparition et à l’échec. On doit penser une véritable éducation, une réforme morale du peuple juif ».
 Avraham Azoulay

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